L’Occitanie regorge de sites méconnus qui témoignent pourtant de la richesse patrimoniale locale. Le Journal Toulousain vous emmène hors des sentiers battus, à la découverte d’endroits caractéristiques de la région, qui figurent rarement dans les guides touristiques. Aujourd’hui, rendez-vous dans le Gard pour découvrir l’abîme de Bramabiau.
À la frontière entre les départements de la Lozère et du Gard, en plein cœur du Parc national des Cévennes, la rivière Bonheur s’engouffre dans les entrailles de la terre. Elle en ressort quelques centaines de mètres plus loin à hauteur de la commune de Saint-Sauveur-Camprieu, sous la forme d’une cascade qui jaillit d’une longue et étroite fissure creusée dans la roche. Tout autour, la végétation luxuriante vous offre un cadre féérique, semblable à “la porte d’entrée” du paradis, ou des enfers, selon votre imagination.
La visite débute ici, après quelques pas dans le sous-bois où la fraîcheur est agréable en plein été. Les sons émis par les eaux qui se déversent à travers la brèche se font rapidement entendre. Semblables à un “râle bovin”, ces sonorités ont d’ailleurs donné leur nom à l’abîme. “Bramabiau”, provient de “bramabuòu”, qui signifie effectivement “bœuf qui brame” en occitan.
Le guide vous invite donc à pénétrer dans l’abîme en passant par la fente haute de 70 mètres, formée au pied d’une falaise rocheuse. Vous traversez ensuite le plateau de Camprieu dans le sens inverse des courants de la rivière Bonheur. Le tout, sur un sentier creusé dans la roche à quelques mètres au-dessus des eaux.
L’endroit étant totalement clos, la température s’élève, été comme hiver, à seulement 10 degrés. Tout au long du parcours, les marmites de géants aux eaux turquoises, les stalactites, les stalagmites et autres formations calcaires se dévoilent et offrent un panorama unique.
En levant la tête, vous pouvez observer l’immensité des parois rocheuses, hautes de 70 à 120 mètres, qui dominent le précipice. Celles-ci sont éclairées par des projecteurs qui révèlent leurs couleurs orangées, beiges ou grisâtres. Le chemin vous conduit enfin dans ce que les géologues appellent une “reculée karstique” : une grande salle voûtée, au sein de laquelle naît ou renaît une source naturelle, comme ici la rivière Bonheur.
Édouard Alfred Martel, considéré comme le fondateur de la spéléologie moderne, est à l’origine de la découverte de l’abîme de Bramabiau, tout comme celles des cavités de la grotte de Dargilan et de l’Aven Armand en Lozère, ou encore du Gouffre de Padirac dans le Lot. Le 27 juin 1888 au matin, l’explorateur et son équipe débarquent bruyamment en calèche dans le village de Saint-Sauveur-Camprieu, sous les regards interrogateurs et légèrement moqueurs des paysans de la petite commune du Gard. « Ces “messieurs de Paris” comptent-ils réellement traverser les entrailles du plateau de Camprieu ? » se dirent-ils. Oui.
Pour y arriver, les spéléologues décident d’entrer dans l’abîme depuis la sortie de la rivière souterraine de Bramabiau (aujourd’hui entrée de la visite). Ils se séparent en plusieurs groupes. Certains restent à l’extérieur, pendant que d’autres partent en reconnaissance sur un canot qu’ils font progresser à l’aide de crochets plantés sur les parois rocheuses. Arrivés près d’une cascade sur laquelle ils ne peuvent faire remonter l’embarcation, ils font finalement demi-tour.
Le lendemain, changement de méthode. Les pionniers suivent cette fois-ci le courant de la rivière pour atteindre cette fameuse cascade et découvrir ainsi l’entièreté de l’abîme. Exploit réussi. Martel et son équipe sortent de la grotte après 1,3 kilomètre d’aventure et se précipitent à la mairie de Camprieu pour signer le procès-verbal de la première traversée de Bramabiau. Ce document fait aujourd’hui figure « d’acte de naissance de la spéléologie », est-il expliqué sur le site de l’abîme.
L’abîme de Bramabiau est ouvert au public depuis 1925, grâce à l’intervention d’Aimé Cazal, un spéléologue de la région qui s’occupait à ce moment-là de la gestion du site. Pour information, le parcours aménagé de la grotte n’est en réalité qu’une partie d’un vaste réseau souterrain de cavités, long d’environ 11 kilomètres. En 1983, soit près d’une centaine d’années après la première exploration de la rivière souterraine, trois spéléologues ont réalisé une topographie complète de ces diverses galeries qui forment un véritable labyrinthe. Ce réseau porte le nom de Félix Mazauric. En hommage au deuxième spéléologue, après Édouard Alfred Martel, à avoir étudié l’abîme de Bramabiau.
Dans les années 2000, le site décide de creuser un tunnel de sortie afin d’améliorer l’aménagement de la grotte pour les touristes. Au cours des travaux, des contre-empreintes (en relief) de pattes de dinosaures datant de plus de 200 millions d’années ont été découvertes. Vous pouvez d’ailleurs les observer à la fin de la visite guidée. Le plateau abrite également des ossements humains, prouvant que l’abîme a été habité. Mais leur cachette reste secrète, pour éviter les pillages.
Infos pratiques : Abîme de Bramabiau, route de Meyrueis, Saint-Sauveur-Camprieu. Ouvert en juillet et août de 10h à 18h. En avril, mai, juin, septembre de 10h30 à 16h30. Puis en octobre et novembre de 10h à 16h. Tarifs : de 7 à 11 euros.
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