Les pesticides au cœur de la colère des apiculteurs Haute-Garonnais. « Duplomb, ta loi a du plomb dans l’aile ! » hurlaient-ils hier en centre-ville de Toulouse pour s’opposer au projet de loi du sénateur Laurent Duplomb. Celle-ci vise à autoriser la vente d’un puissant pesticide, appartenant à la famille des néonicotinoïdes. Pourtant interdit à la vente depuis 2016, sa probable réintroduction scandalise les apiculteurs qui évoquent une mesure « génocidaire pour les abeilles ». Les agriculteurs, eux, se disent soulagés, si le produit est autorisé temporairement.
« Le gouvernement cherche à acheter la paix sociale avec les agriculteurs », martèle Thierry Vincent, président du SAM (Syndicat d’Apiculture Méridionale). Il faisait partie de la soixantaine de professionnels présents hier au rassemblement contre les néonicotinoïdes, qui avait lieu à Toulouse, quartier Saint-Aubin. Des apiculteurs venus pour dénoncer un projet de loi porté par le sénateur Laurent Duplomb, visant à autoriser temporairement l’usage de certains pesticides, dont les néonicotinoïdes, interdits depuis 2016, en raison de leur dangerosité pour les abeilles et la santé publique. Thierry Vincent évoque une loi visant à « simplifier les conditions du secteur agricole, alors qu’il s’agit d’un véritable problème de Santé Publique »
Les néonicotinoïdes sont de puissants insecticides qui non seulement tuent les abeilles, mais ont également des conséquences néfastes pour l’organisme humain. L’OMS avait d’ailleurs alerté sur leur rôle potentiel dans des maladies graves : troubles neurologiques, cancers, dérèglements hormonaux. Si cette loi est votée, elle pourrait accélérer le déclin des pollinisateurs et aggraver la dépendance des agriculteurs aux pesticides.
Face à cette situation, les apiculteurs proposent une autre voie : accepter une baisse de rendement pour préserver la biodiversité. « Sacrifier quelques points de productivité aujourd’hui, c’est garantir la survie de notre agriculture demain », plaide Thierry Vincent. Pour eux, la dépendance aux pesticides est un piège à long terme, car sans pollinisateurs, des pans entiers de la production alimentaire s’effondreraient.
Du côté des agriculteurs, certains défendent le retour temporaire des néonicotinoïdes comme un passage obligé pour sauver leurs exploitations. « Ce produit pourrait doubler les productions de blé ! » s’exclame Pierre Michel, céréalier en Haute-Garonne et membre de la Coordination Rurale 31. Dans un soupir de soulagement, il imagine déjà ses futures récoltes : « Depuis 2016, et l’interdiction d’utilisation de ce pesticide, le rendement de mes cultures de blé est passé de 80 à 20% ».
De plus, il est obligé de traiter ses plants tous les huit jours. Avec les néonicotinoïdes, il n’aurait plus à le faire qu’une fois par mois. Un gain de temps considérable pour l’agriculteur, qui rappelle que, avec ou sans néonicotinoïdes, « le blé n’est pas pollinisé par les abeilles ». Les fleurs de colza en revanche le sont. Et Pierre Michel espère déjà appliquer le produit sur ces fleurs. « Il faut que la loi entre en vigueur, la demi-mesure et les compromis n’ont pas leur place dans le débat car nous sommes à bout de souffle », scande l’agriculteur.
De son côté, le SAM vient d’annoncer de nouvelles mobilisations partout en Haute-Garonne si la loi venait à être adoptée. Du côté des agriculteurs haut-garonnais, beaucoup espèrent au contraire un vote rapide pour pouvoir traiter dès la prochaine saison. La loi devrait être étudiée par l’Assemblée nationale, en première lecture, d’ici la fin de la semaine.
Meïssa Hadjeb
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