Un chef étoilé, des chercheurs et une start-up ont signé un partenariat à Toulouse pour imaginer ensemble ce que pourrait être, d’ici quelques années, l’alimentation sur la Lune. Potagers verticaux, culture, recettes…
Un projet futuriste a vu le jour le 16 novembre dernier, suite à la signature d’un partenariat au MIN de Toulouse entre l’école d’ingénieurs de Purpan, le chef étoilé Thierry Marx, le spécialiste de cuisine moléculaire Raphaël Haumont et une toute jeune start-up nommée Orius, implantée dans la Ville rose.
Tous se sont en effet réunis à Toulouse pour sceller un accord visant à imaginer, ensemble, ce que pourrait être l’alimentation sur la Lune dans les prochaines années. De la culture de végétaux à la recherche de plats nutritifs et appétissants… Les détails.
Pour s’alimenter sur la Lune, il faut d’abord savoir comment cultiver. Parce qu’à plus de 300 000 kilomètres de la Terre, aussi, on cherche à manger local. Tel est l’objectif d’Orius. Une start-up accompagnée depuis un an par le CNES de Toulouse au sein de l’incubateur Tech the Moon.
L’invention d’Orius, c’est la biomebox. Une sorte de “cave à vins” de plus de deux mètres de haut pour près de trois mètres de large dans laquelle poussent, sur quatre ou cinq étages, toutes sortes de fruits, légumes, plantes et aromates.
Ces potagers intérieurs fonctionnent déjà sur Terre pour les industries cosmétiques et pharmaceutiques. Mais ils pourraient aussi, dans un futur proche, être installés à bord d’une base implantée sur le pôle Sud de la Lune, afin de « produire des végétaux, dans un environnement contrôlé et sans pesticides, qui permettraient aux astronautes de se ravitailler lorsqu’ils effectuent un long voyage dans l’espace, notamment en direction de Mars », évoque Alexis Paillet, responsable du programme spatial au CNES de Toulouse.
« À l’intérieur de chaque biomebox, nous pouvons contrôler l’ensemble des paramètres nécessaires à la pousse des végétaux, à savoir : l’humidité, la température, la lumière et le renouvellement de l’air. Ceci nous permet de programmer des “scénarios” – comme “un lever de soleil dans un pays chaud” – qui sont les plus à-même de booster le développement des cultures », précise Paul-Hector Olivier, fondateur d’Orius.
À cela s’ajoutent évidemment de l’eau et de l’engrais, « en très petites doses. Notamment au niveau de l’eau, puisque nous en récupérons 90% grâce à la transpiration des plantes, ce qui nous permet de ne pas gaspiller les ressources », complète-t-il.
Pour l’heure, les astronautes qui partent en mission dans l’espace ne sont pas toujours gâtés. La plupart de leurs plats sont embarqués lyophilisés et ne disposent pas d’un aspect très appétissant. C’est ici qu’intervient Thierry Marx, signataire du partenariat conclu au MIN de Toulouse. Sa mission consiste, avec Raphaël Haumont, à imaginer des recettes que les astronautes pourront facilement reproduire sur la Lune, avec les ingrédients issus des biomebox.
« Les astronautes ne bénéficient pas d’une grande diversité dans leur alimentation. Et si nous leur imposons les mêmes repas tous les jours, ils perdent l’envie de manger. Dans le cadre de notre partenariat, l’objectif est d’imaginer différentes recettes qui, d’une part, apportent aux professionnels les nutriments nécessaires à leur survie, et d’autre part, suffisamment de plaisir pour favoriser leur bien-être dans l’espace », assure Alexis Paillet.
« Nous pouvons faire pousser toutes sortes de végétaux dans les biomebox. Mais sur la Lune, chaque mètre carré coûte cher. C’est pourquoi il est essentiel de sélectionner les types de fruits, légumes ou aromates les plus “rentables”. Autrement-dit, des plantes qui poussent rapidement et en grande quantité, dans un minimum d’espace », détaille Paul-Hector Olivier. Les élèves de l’école d’ingénieurs de Purpan et les producteurs du MIN de Toulouse apportent ici leur expertise dans le domaine agricole auprès de la start-up.
Les chercheurs s’intéressent particulièrement à la famille des légumes feuilles, dont toutes les parties sont comestibles et qui contiennent de nombreuses vitamines. « De plus, ces plantes ne prennent pas beaucoup de place pour pousser. Pour les choux minuza par exemple, les biomebox ont une capacité de production de 270 kilogrammes par mètre carré par an, soit une tonne par machine. Alors que dans une serre classique, la production est de dix kilogrammes par mètre carré par an », commente Paul-Hector Olivier.
Comment peut-on cuisiner sur la Lune ? Avec quoi fait-on cuire les aliments ? Comment seraient alimentées les biomebox ? Et l’eau, d’où viendrait-elle ? Ces questions ne relèvent pas du partenariat signé au MIN de Toulouse, mais bien des recherches du CNES réalisées en parallèle, dans le cadre du programme “Spaceship”, dont Alexis Paillet est responsable.
« Nous étudions différents scénarios. La base – et donc les biomebox – pourraient fonctionner grâce à des panneaux solaires puisqu’il ne fait nuit que cinq jours par mois dans le pôle Sud de la Lune. Nous pourrions aussi utiliser des batteries basses températures, ou encore des piles régénératives à hydrogène. L’objectif reste de consommer le moins possible et de concevoir des équipements sobres énergétiquement », note Alexis Paillet. C’est également le cas pour les ressources en eau. Celles-ci pourraient être puisées directement dans les blocs de glace contenus sur la Lune. Puis recyclées, comme dans la station spatiale internationale (ISS) où « 90% de l’eau est réutilisé par les astronautes », ajoute le chercheur.
Le projet d’installation d’une base sur la Lune est porté par plusieurs pays dans le monde, comme les États-Unis, le Japon, le Canada, la Russie et la France. Tous sont unis au sein d’une coopération internationale, avec un même objectif : aller sur Mars d’ici 25 ans.
« Si la France veut espérer envoyer un jour un astronaute sur la Lune au sein de cette base, ou dans une mission en direction de Mars, il faut forcément qu’elle montre qu’elle participe à la coopération internationale », précise Alexis Paillet. L’une des pierres à cet édifice : c’est justement l’alimentation.
Mais attention, la France n’est pas la seule à tenter d’imaginer ce que sera l’alimentation sur la Lune. « Les États-Unis et le Canada y réfléchissent aussi. Au sein de la coopération internationale, nous faisons des recherches ensemble, mais nous sommes aussi en concurrence pour trouver la technologie la plus adaptée au projet », prévient Alexis Paillet. L’une des technologies sélectionnées pour aller sur la Lune pourrait ainsi être la biomebox.
Commentaires