L’apnéiste toulousain Guillaume Bourdila, trois fois champion du monde en piscine, vise désormais un titre mondial en eau libre. Un véritable challenge pour l’athlète qui a longtemps éprouvé la peur des profondeurs. Portrait.
Déjà détenteur de trois records du monde et trois fois champion du monde d’apnée en piscine, le Toulousain Guillaume Bourdila a récemment remporté un quatrième titre au Koweït. Et pourtant, rien ne le laissait présager. L’apnéiste est effectivement thalassophobe. En clair, il a peur des profondeurs. « À la piscine, je craignais que quelque chose surgisse des grilles d’où sort l’eau. Et quand je nageais dans la mer ou dans un lac et ne voyais pas ce qu’il y avait en dessous de moi, je faisais des crises de panique. C’était très anxiogène », confie-t-il. C’est justement l’apnée qui l’a aidé à dépasser cette phobie. « Mon apprentissage en piscine m’a rassuré et permis de passer dans le milieu naturel malgré ma peur. J’ai pu aborder la profondeur en y allant petit à petit. Même si, au début, j’étais très peureux et je regardais partout autour de moi. J’avais l’impression d’être un ver de terre qui descendait au bout d’un fil de pêche », plaisante Guillaume Bourdila qui aujourd’hui cherche à aller le plus loin possible dans les profondeurs.
Ce qui n’est pas sans inquiéter sa mère qui, elle, a peur de l’eau. « Elle en est totalement phobique. Au point qu’elle ne peut ne pas mettre la tête sous l’eau lorsqu’elle se douche. Pour elle, il est donc éprouvant de me voir plonger à plus de 120 mètres ou de faire des apnées de plus de cinq minutes », rapporte le Toulousain qui a décidé de se lancer dans cette discipline sportive sans en laisser le choix à sa mère. « C’était un challenge personnel de surpasser ma peur », souligne-t-il. Pari réussi donc pour ce compétiteur dans l’âme. « Je l’ai toujours été. À chaque fois qu’il y a des petits défis entre amis, il faut que je sois premier. C’est assez naturel pour moi », confie-t-il.
C’est d’ailleurs de cette manière qu’il a découvert par hasard le monde de l’apnée à l’âge de 21 ans. « J’étais étudiant en STAPS et surveillais un bassin l’été pour me faire un peu d’argent de poche. À longueur de journée, j’interdisais aux gens de faire de l’apnée, car c’est interdit dans les piscines publiques. Mais à force de les voir faire, cela m’a donné des idées. Avec un collègue, nous nous sommes lancé le défi de parcourir la distance la plus longue possible en apnée. Cela m’a tellement plu que deux semaines plus tard j’ai cherché un club », raconte Guillaume Bourdila qui est maintenant inscrit au Toulouse Métropole Palmes (TMP) et à Immersion Libre. S’il a commencé l’apnée sur le tard, le Toulousain a rapidement progressé.
Il est en effet devenu champion du monde et recordman d’apnée dynamique sans palme en 2018, après seulement trois ans de pratique. « C’est mon plus beau souvenir », sourit l’athlète. Une victoire qu’il dédie à son meilleur ami et compagnon d’entraînement, Kévin Provenzani, qu’il a rencontré à ses débuts dans le monde de l’apnée. « Il était en équipe de France et m’a aiguillé. J’ai commencé à faire de la compétition d’apnée en piscine à ses côtés et ma carrière sportive a ensuite très vite décollé », estime l’apnéiste qui a en effet rejoint l’équipe de France au bout de sa deuxième année de pratique et ainsi réussi à réaliser son rêve d’enfant. « Je n’ai jamais été excellent à l’école et me valorisais par le sport. Je rêvais donc de pouvoir défendre les couleurs de la France au niveau international et d’être sur la plus haute marche du podium. Et c’est ce que j’ai réussi à faire », se réjouit celui qui a également fait de la gymnastique à haut niveau.
Désormais, Guillaume Bourdila a comme objectif « d’élargir son champ de médailles ». « J’espère être pour la première fois champion du monde en profondeur l’année prochaine. Ce serait historique », se projette le Toulousain qui a d’ailleurs failli devenir le premier athlète titré en piscine et en mer au cours de la même saison. Mais un rhume l’en a empêché lors des Mondiaux d’apnée en eau libre au Honduras qui avaient lieu du 19 au 27 août. L’année dernière, il a toutefois réussi l’exploit de devenir le premier Français à réaliser sur la même saison un podium en piscine et en eau libre. Ce qui est déjà remarquable pour l’athlète qui s’est lancé dans la compétition en mer en 2021 seulement. « Après avoir été quatre fois champion du monde et battu trois records mondiaux en piscine, j’ai voulu me donner d’autres challenges. Ces trois saisons en eau libre m’ont permis de le faire, mais aussi de découvrir un nouveau milieu », indique-t-il.
L’apnéiste ajoute : « D’autres choses entrent en jeu lorsque l’on pratique de l’apnée en mer. Il faut notamment avoir conscience des dangers, même si aujourd’hui les risques sont très maîtrisés. On peut notamment se faire un œdème pulmonaire. Le milieu peut aussi être dangereux entre le courant et la houle », explique Guillaume Bourdila qui pour l’instant ne s’est jamais fait de frayeur. « La seule serait de rencontrer un requin. J’espère que ça ne m’arrivera pas car si quelque chose nous surprend au fond de l’eau, cela peut créer des tensions physiques et conduire à des atteintes au niveau pulmonaire », informe le Toulousain. Ce dernier doit aussi prendre garde à la narcose à l’azote, aussi appelée ivresse des profondeurs, due à un excès de ce gaz dans le sang qui entraîne des troubles du comportement. « C’est presque comme si je m’endormais, j’ai la tête qui tombe sur l’épaule. Il faut rester concentré et vigilant pour remonter jusqu’en haut », indique-t-il.
Descendre dans les profondeurs est donc un combat contre lui-même à bien des égards. Mais c’est ce qu’apprécie le Toulousain. « Sous l’eau, je me retrouve seul. Cela me permet d’en apprendre beaucoup sur moi, entre mes peurs et mes réflexes profondément ancrés qui resurgissent. Il faut arriver à les dépasser pour aller chercher de belles performances », détaille celui qui a abandonné ses études d’ostéopathie pour se consacrer désormais entièrement à sa carrière sportive. « Le niveau est tellement élevé que si je ne pratique pas l’apnée à plein temps, il est presque impossible d’être sur une marche du podium », estime Guillaume Bourdila avant de souligner que le monde de l’apnée professionnel n’a d’ailleurs rien à voir avec l’image qu’en donne le film “Le Grand Bleu”.
L’athlète, qui s’entraîne au moins 15h par semaine, a donc dû adapter tout son quotidien ces dernières années. « Je m’entraîne souvent tard le soir jusqu’à 22h ou 23h donc mon rythme de vie a changé. Et depuis que je suis sportif de haut niveau, je ne peux plus faire toutes les activités que je voudrais », constate-t-il. Le Toulousain arrive, malgré tout, à s’aménager du temps pour voir ses amis. « Il y a un équilibre à trouver. Je ne suis pas tout le temps dans le sport. Il faut s’aérer la tête et voir autre chose », juge-t-il. Toutefois, lorsqu’il a un peu de temps libre pour s’adonner à ses passions, Guillaume Bourdila fait… encore du sport. « J’aime en découvrir de nouveaux. Je suis devenu motard il n’y a pas longtemps et je vais sans doute faire du circuit bientôt », prévoit-il. L’apnéiste n’a donc pas fini de se mettre à l’épreuve.
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