Ingénieur chez Airbus à Toulouse, Christophe Debard a fondé il y a quatre ans Humanity Lab, autrement-dit un “laboratoire de l’humanité” dans lequel les employés du géant de l’aéronautique mettent à disposition leurs compétences pour travailler bénévolement sur des projets en lien avec le handicap, l’éducation, la santé… À l’image de la prothèse de jambe mise au point pour rendre le sport accessible à tous.
Parmi les acteurs du monde du sport et de la technologie qui se sont réunis les 8 et 9 décembre dernier au salon Sport Unlimitech de Toulouse, se trouvait Christophe Debard, dirigeant du service ProtoSpace, dédié à l’innovation chez Airbus. Il n’était pas présent à l’événement pour représenter le secteur aéronautique, mais bien pour parler du projet qu’il porte depuis plus de quatre ans : le “Humanity Lab”. Au sein de ce “laboratoire de l’humanité”, installé dans les locaux d’Airbus, les employés participent bénévolement à des projets innovants qui permettent de rendre service aux autres et à la société, notamment en lien avec la santé, l’éducation, l’environnement ou encore, le handicap.
Christophe Debard a été atteint d’un cancer lorsqu’il avait 13 ans. Les médecins lui expliquent qu’il doit être amputé de la jambe droite. Une annonce terrible, sur le papier. Mais lui considère aujourd’hui que cet événement a été la meilleure chose qui lui soit arrivée dans sa vie. Car il a décidé de s’en servir comme une force, non une faiblesse.
À la sortie de l’hôpital, il subit d’abord le regard des autres. « Je ne savais plus si je devais cacher ma prothèse ou non », se souvient-il. La réponse a rapidement été claire : non. Il se répète alors la célèbre phrase du philosophe allemand Friedrich Nietzsche : « Ce qui ne me tue pas me rend plus fort ».
Devenu ingénieur chez Airbus, Christophe Debard croise, il y a trois ans, la route d’une femme complexée par sa prothèse. Une rencontre qu’il interprète comme un appel à l’aide, auquel il se doit de répondre. « J’ai rapidement su ce que je devais faire : trouver un moyen de changer l’aspect des prothèses de jambes, alors que la plupart sont impersonnelles, froides et inesthétiques », raconte-t-il. Lui vient alors l’idée de transformer ces dispositifs médicaux en véritables accessoires.
Ne possédant aucune connaissance sur le sujet, l’ingénieur fait appel à son entourage, et plus particulièrement à ses collègues qui travaillent au sein du service dédié à l’innovation ProtoSpace. Plusieurs acceptent de l’aider. Chacun donne de son temps personnel, durant la pause déjeuner ou en fin de journée, pour voir fleurir, dans les locaux d’Airbus, ce tout nouveau modèle de prothèse conçu grâce à l’impression 3D, personnalisable selon les goûts de chacun et surtout, abordable. En six mois : un premier prototype est né. Il est fluorescent et ne coûte que 10 euros à la fabrication.
Ce projet de conception de prothèses en impression 3D, baptisé “Print my leg”, Christophe Debard l’a, pour l’heure, mis de côté. Car de cette expérience, il a surtout appris que de nombreuses personnes étaient prêtes à donner gratuitement de leur temps et de leur savoir-faire pour aider les autres. « C’est ici que je me suis dit qu’il ne fallait pas que nous nous arrêtions là, que nous pouvions trouver plein d’autres projets pour lesquels ces personnes pouvaient mettre à profit leurs compétences », souligne-t-il. Et cette envie de continuer l’a poussé à créer, en 2018, Humanity Lab.
Avec le soutien de la direction d’Airbus, ce “laboratoire de l’humanité” s’est installé dans les locaux du service Protospace afin que des employés, volontaires, travaillent ensemble sur des projets innovants. En quatre ans, plus de 200 bénévoles ont participé à des dizaines de projets. À l’image de la conception du fauteuil roulant utilisé par le joueur de badminton David Toupé lors des derniers Jeux Paralympiques organisés à Tokyo.
Ou encore, d’un exosquelette permettant à des personnes paraplégiques de piloter un avion, d’une balance qui aide à lutter contre la malnutrition des nourrissons, d’une maquette grandeur nature pour expliquer aux élèves ingénieurs comment fonctionne une aile d’avion. « Nous ne sommes pas payés avec de l’argent, mais bien avec la reconnaissance des personnes à qui nous rendons service. Sincèrement, quand je vois l’engouement de mes collègues prêts à participer gratuitement aux projets, ça me redonne foi en l’humanité », avoue Christophe Debard.
Parmi les dernières innovations portées par Humanity Lab : la création d’une Lame Innovante Sportive et Accessible, autrement appelée LISA. Cette prothèse de jambes équipée d’une lame de course a été imaginée dans le cadre d’un partenariat entre Humanity Lab et les étudiants de l’école d’ingénieurs des Mines d’Albi. Sa particularité ? Elle est fabriquée à base de chutes de carbone inutilisées dans la fabrication des avions A350.
« L’objectif de cette prothèse est de permettre aux personnes amputées de pouvoir reprendre le sport, et plus particulièrement la course, de manière plus abordable que ce qui est proposé sur le marché. Car les lames de courses en forme de “C” sont des équipements spécifiques qui ne sont pas remboursés par la sécurité sociale. Leur prix peut atteindre 7 000 euros. Ici, nous utilisons des matériaux recyclés, le coût de la prothèse est ainsi presque divisé par trois (2 500 euros, frais de prothésistes inclus) », dévoile Christophe Debard.
De plus, le carbone étant une matière souple et légère, les sportifs amateurs ont moins de mal à se familiariser avec cette nouvelle prothèse, contrairement à celles habituellement utilisées dans le monde sportif, qui sont bien plus lourdes et rigides. « Je l’utilise personnellement. Je pensais ne jamais pouvoir recourir un jour, et grâce à elle, je le peux », conclut Christophe Debard. Ce projet a donné lieu à la création de “Hopper“, une start-up dirigée par les étudiants des Mines d’Albi qui travaillent actuellement en collaboration avec la marque Salomon pour développer et commercialiser LISA à grande échelle.
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