Sensibiliser à l’égalité femmes-hommes dans l’entreprise, un défi que la société Bejoue relève par le jeu, celui des “Mille pas”. Le premier du genre à s’appuyer sur de réels témoignages de femmes ayant rencontré des freins dans leur carrière professionnelle. Les deux créatrices présenteront leur concept et animeront un atelier lors du Congrès international de la RSE à Toulouse.
A travail égal, les femmes touchent 16% de moins que les hommes. Une femme sur quatre, contre un homme sur 10, travaille à temps partiel, pour des raisons familiales majoritairement. 78% des femmes ont déjà vécu un acte sexiste ou ont été destinataires de propos sexistes. Seulement 3 entreprises du CAC 40 sont dirigées par des femmes… Des statistiques émanant de la Direction générale de la cohésion sociale (DGCS-2022) qui témoignent d’une inégalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Pourtant, le ministère de l’Emploi prévient : « L’employeur est tenu d’assurer pour un même travail, ou un travail de valeur égale, l’égalité de rémunération entre les femmes et les hommes ». De même, « formation, classification, promotion, mutation, congé, sanction disciplinaire ou licenciement : aucune décision de l’employeur ou clause de convention ou d’accord collectif ne peut prendre en compte l’appartenance à un sexe déterminé ». Mais les stéréotypes ont la vie dure et les discriminations qui en découlent sont encore bien visibles en la matière.
Cependant, nombre de sociétés ont entrepris, dans le cadre de leur parcours RSE (Responsabilité sociétale des entreprises), un travail pour devenir plus vertueuse en matière d’égalité femmes-hommes. Ce sera l’un des aspect évoqués lors du Congrès international de la RSE, organisée par la fondation Oïkos (dont le directeur est également directeur de la publication du Journal Toulousain), qui aura lieu du 16 au 18 octobre prochain, à la Cité de la RSE de Toulouse. Pour accompagner ces entreprises volontaristes, un atelier est organisé par la société Bejoue, spécialisée dans la diffusion d’outils ludiques et l’organisation d’animations de sensibilisation. Coralie Franiatte, la cofondatrice, y présentera un jeu de société, destiné aux entreprises et établissements scolaires, visant « à faire prendre conscience, aux hommes comme aux femmes, des situations que peuvent vivre ces dernières ».
Baptisé “Les Mille pas” par ses créatrices, Coralie Franiatte et Isa Terrier, ce jeu est basé sur le principe du bien connu “Mille Bornes”. Ici, pas de crevaisons de pneus ou de pannes d’essence, mais des freins discriminants que peuvent rencontrer les femmes tout au long de leur carrière. Car, dans ce jeu, tous les participants incarnent une femme. « Maternité, harcèlement, disponibilité, âge, vie familiale… sont autant de feux rouges qui pourront être distribués aux joueurs pour ralentir leur évolution professionnelle », explique Coralie Franiatte. Des cartes dont l’effet pourra être annulé en trouvant des solutions à chaque embûche, symbolisées par des cartes “feu vert”. Le but ultime étant de parvenir à réaliser toute une carrière, c’est-à-dire 1 000 pas.
Dans le jeu des “Mille pas”, il est aussi possible d’aider les autres, autrement dit, de faire preuve de sororité. « Les hommes découvrent ainsi qu’ils peuvent eux aussi agir pour plus d’égalité des genres », témoigne la créatrice du jeu. Quant aux femmes, « qui pensaient ne pas être concernées, elles s’aperçoivent, à l’issue de la partie, qu’elles ont tellement intégré ces discriminations qu’elles ne les considèrent pas comme telles… »
Et pour rendre plus concret cet enjeu de l’égalité des sexes, chaque carte “feu rouge” relate le témoignage d’une femme discriminée ou de ce qu’elle a pu entendre à son égard. « Quant à la maternité… Ça stoppe l’activité, il faut redémarrer presque à zéro, et il faut avoir le mental pour recommencer », peut-on lire sur une carte. « Ces expériences de vie sont réelles. Tout comme les propositions d’amélioration. Elles ont été recueillies lors d’une enquête en ligne que nous avons mené en amont de la conception du jeu. Nous avons demandé à 700 femmes de décrire les freins qu’elles ont rencontré à l’évolution de leur carrière, et des pistes de réflexion pour réduire les discriminations si elles étaient présidente de la République », précise Coralie Franiatte. Idée proposée par une carte “feu vert” : « Un congé paternité égal au congé maternité, dont deux mois obligatoires pour les deux parents. »
De même, les cartes “feu rouge” sont affublées de données chiffrées qui permettent de se rendre compte de l’ampleur des inégalités entre femmes et hommes dans le milieu professionnel et des conséquences de ce phénomène sur la vie d’une femme. « 84% d’entre elles estiment que la maternité a un impact négatif sur leur carrière », est-il mentionné sur une carte. Et si les grossesses peuvent être les premiers freins identifiés à l’évolution professionnelle, elles ne sont pas les seules.
« Nous avons identifiés huit catégories dans lesquelles les discriminations envers les femmes peuvent être présentes », énumère la cogérante de Bejoue : l’argent (fonds, inégalité salariale, mère au foyer, négociation salariale, temps partiel), l’équilibre entre vie professionnelle et personnelle (culpabilité, famille, travail domestique), l’estime de soi (confiance, syndrome de l’imposteur), les enfants (maternité et garde), le pouvoir (boys club, postes de direction, rôles modèles), le recrutement et l’évolution de carrière (annonce de grossesse, mariage), le sexisme (agression sexuelle, discrimination, harcèlement, outrage…), et les stéréotypes (âge, disponibilité, métiers, physique).
Autant de domaines dans lesquels les entreprises qui participent aux ateliers de sensibilisation utilisant “Les Mille pas”, affirment avoir modifié leurs process pour faire bouger les lignes. « Certaines ont ouvert des crèches internes, d’autres ont mis en place une boîte aux lettres pour permettre aux femmes, de manière anonyme, de faire remonter à leur hiérarchie des discriminations dont elles sont victimes ou témoins », raconte Coralie Franiatte. Des avancées qui semblent avoir changé la relation des femmes et des hommes au sein de l’entreprise, aux dires des managers et responsables RH des sociétés ayant assisté à un atelier. Atelier auquel pourront participer, sans inscription préalable, toutes les personnes disposant d’une entrée au Congrés international de la RSE. Il aura lieu le 16 octobre, de 14h30 à 16h.
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