Les syndicats de l’INP ont déposé un préavis de grève pour ce lundi 22 mai, jour du vote sur la poursuite ou non du projet de Centrale Toulouse Institut. Ils s’opposent à cette transformation de l’Institut et dénoncent son caractère brutal et précipité.
L’Institut national polytechnique (INP) de Toulouse, composé de trois écoles d’ingénieurs l’ENSEEIHT, l’ENSIACET et l’ENSAT, deviendra-t-il bientôt Centrale Toulouse Institut ? C’est en tout cas ce qu’a décidé sa présidence. Un rattachement au groupe des écoles Centrale qui « vise à augmenter le rayonnement et l’attractivité de notre établissement à l’international et à s’appuyer sur la marque Centrale pour créer des doubles diplômes et des formations inter-établissements », explique Catherine Xuereb, la présidente de l’INP.
Mais ce projet ne fait pas l’unanimité au sein des rangs des enseignants, personnels et étudiants. La CGT Ferc Sup, soutenue par le SGEN-CFDT et le SNPTES/UNSA ITRF Bio, a d’ailleurs déposé un préavis de grève pour le lundi 22 mai. C’est ce jour-là que se tiendra le vote pour décider de la poursuite ou non du projet de Centrale Toulouse Institut. Les opposants au projet espèrent ainsi faire entendre leur voix. Si ces derniers sont contre cette transformation de Toulouse INP, c’est pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, ils dénoncent le caractère précipité du projet. Pour preuve, ils citent la prépa t², cette formation, auparavant nommée “Prépa de Toulouse INP” et proposée depuis cette année, devrait permettre « un nouvel accès aux écoles Centrale », comme l’annonce le site de l’établissement. Or, Centrale Toulouse n’existe pas en l’état. « C’est scandaleux. Il a été vendu à des lycéens une prépa qui n’a aucune valeur », appuie Grégoire Wattel, étudiant en troisième année à l’ENSAT. Théo Châttelier, ingénieur d’études à Toulouse INP, qui pointe du doigt une gestion de projet « très autoritaire », poursuit : « Il n’y aurait jamais dû y avoir de recrutement d’étudiants. C’est un chantage à la prépa pour forcer la mise en place du projet. »
De son côté, la présidente de Toulouse INP dément toute hâte. « L’avancée du projet est conforme au calendrier qui avait été préalablement défini. Il n’y a pas de précipitation », appuie-t-elle. En ce qui concerne la prépa t², qui ne donnerait pas accès aux écoles Centrale si le projet de Centrale Toulouse n’aboutissait pas, Catherine Xuereb se veut rassurante : « Nous étudions avec le ministère des scénarios alternatifs, en cas de vote défavorable. Toute notre attention est portée sur le respect des engagements que nous avons pris auprès des candidats. Quelle que soit la décision du conseil d’administration ce sont nos valeurs déontologiques qui nous guideront quant aux actions qui seront engagées. »
En plus du caractère précipité du projet, ses opposants déplorent le flou autour de celui-ci. « Aucun cadre n’a été établi. Nous ne connaissons pas les modalités du projet », alerte Théo Châttelier en citant, notamment l’évolution des frais d’inscription qui pourraient passer de 600 à 2500 €, voire 3500 €, d’après les syndicats de Toulouse INP. « Cela conduirait à de l’élitisme et à l’autocensure des budgets modestes », prévoit l’ingénieur d’études. Grégoire Wattel, de son côté, regrette : « On parle de transformation et jamais de formation. » L’étudiant craint d’ailleurs une disparition des spécificités de l’ENSEEIHT, l’ENSIACET ou de l’ENSAT.
« Je m’inquiète d’un risque de fusion des écoles », confie-t-il avant d’ajouter : « Il est d’ailleurs proposé de former des ingénieurs très généralistes alors que nos formations sont reconnues pour leur expertise. À savoir tout sur tout, on ne sait plus rien sur rien. » Théo Châttelier partage son inquiétude : « Une centralisation des écoles n’est pas une bonne idée. Elles ont besoin de conserver leurs spécificités. Nous voulons la garantie que les écoles puissent les garder. » À en croire Catherine Xuereb, ce serait bien le cas puisqu’elle annonce « une offre de formation ingénieur renouvelée, diversifiée, avec une école généraliste et des écoles de spécialité. »
Grégoire Wattel s’inquiète aussi du sort qui sera réservé aux professeurs de l’ENSAT, si ce projet venait à voir le jour. « Il leur serait demandé de s’investir auprès d’autres formations sur Centrale Toulouse Institut. Mais comment pourrait-il faire davantage cours sans dégrader la qualité de ceux qu’ils nous donnent déjà et de leur travail de recherche ? », appréhende l’étudiant qui s’indigne par ailleurs du manque de consultation sur ce projet contre lequel s’opposent « la majorité des élèves, enseignants et personnels. » « Les alertes émises par les différentes écoles ne sont pas prises en compte », renchérit Théo Châttelier.
La présidente, de son côté, assure « comprendre les interrogations et les peurs des opposants. » « Je regrette toutefois que celles-ci s’expriment parfois plus facilement par voie de presse qu’en s’asseyant autour de la table dans la concertation et la co-construction. Tout n’est pas écrit, beaucoup de choses reste à construire et le calendrier a été largement relaxé en réponses aux attentes de nos collègues », rappelle-t-elle. Mais entre la Covid et la récente attaque informatique dont a été victime Toulouse INP, cela n’est pas suffisant pour les opposants au projet qui auraient préféré que le vote soit repoussé à une date ultérieure et que des scénarios alternatifs soient étudiés.
Pour autant, ce lundi 22 mai, les membres du conseil d’administration devront se prononcer pour ou contre la poursuite du projet de Centrale Toulouse. La présidente, qui déplore que « certains opposants entretiennent l’illusion d’un possible maintien de Toulouse INP en l’état », prévient : « Il est primordial de souligner que quelle que soit la décision qui sera prise lors du prochain conseil d’administration, et après autant d’analyses sur notre fonctionnement et de production de contenus pédagogiques enthousiasmants, une transformation de l’établissement sera inéluctable. »
Catherine Xuereb souligne : « Tous les INP de France ont évolué sauf nous. Je préfère que nous choisissions notre modèle plutôt que le contexte nous l’impose plus tard. » En tout cas, le groupe INP a récemment « réaffirmé son attachement » à l’Institut toulousain, dans un communiqué de presse. « Si l’établissement décidait de ne pas donner suite au projet Centrale Toulouse, il garderait sa pleine et entière place dans le groupe. Les écoles de Toulouse INP et la prépa des INP à Toulouse resteraient membre du groupe INP suivant les modalités établies dans le groupe depuis son origine », précise-t-il.
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