Les soignants du service d’admission psychiatrique (UF1) du CHU de Toulouse ont alerté leur direction, au travers du syndicat Sud, quant au manque de moyens qu’ils estiment être à l’origine de leurs mauvaises conditions de travail. Trafic de drogues, prostitution, prise en charge de détenus… Ils dénoncent une insécurité croissante dans leur unité.
« Un manque de moyens criant qui altère les conditions de travail et la sécurité des patients comme celle des soignants », résume le syndicat Sud santé sociaux de Haute-Garonne, qui se fait le porte-parole du personnel du service admission psychiatrique du CHU de Toulouse à Purpan. Cette unité, appelée UF1, connaît depuis plusieurs mois des dysfonctionnements tels que le syndicat en a alerté la direction de l’hôpital, l’Agence régionale de santé (ARS) Occitanie, la préfecture, et fait un signalement au procureur de la République.
En cause ? L’absence d’accompagnement des soignants pour assurer la sécurité dans une unité non adaptée au public qu’elle est maintenant forcée d’accueillir. En effet, l’UF1 est censée prendre en charge des patients atteints de pathologies lourdes, comme la schizophrénie ou la bipolarité, mais sur un temps restreint. « Les hospitalisations doivent y être courtes, les personnes y étant admises devant être réorientées vers d’autres services une fois stabilisées », explique le syndicat Sud, qui se fait le relais des préoccupations des soignants. Mais la réalité est tout autre semble-t-il, l’UF1 étant obligée de garder certains patients par manque de places dans des unités spécialisées.
Problème : le fonctionnement, les locaux et le personnel du service admission psychiatrique ne sont pas adaptés à un accueil de longue durée. « Il n’y a pas de service de sécurité par exemple et l’UF1 est, à la base, un service ouvert. Or, certains patients aujourd’hui présents dans l’unité devraient se trouver en milieu fermé, pour leur sécurité et celle des autres », explique le syndicat. Il y a bien un secteur sécurisé où tout est vissé au sol et les accès condamnés, mais celui-ci est plein et des malades se retrouvent ainsi en chambres classiques.
Pour éviter les incidents, les soignants, « qui s’adaptent comme ils peuvent », précise Sud, ferment désormais le service, ce qui dénature le statut de l’unité et perturbe les soins. « Nous sommes devenus la poubelle de la psychiatrie ! » C’est le constat dressé par un aide-soignant auprès du syndicat.
Au quotidien, les soignants de l’UF1 font en effet face à des dysfonctionnements qu’ils ne rencontreraient pas « si un service de sécurité minimum était assuré », affirment-ils. Ils ont notamment constaté que des patients avaient fait entrer à l’hôpital de la drogue via les visites qu’ils reçoivent. Circulent maintenant dans l’unité du cannabis, de la cocaïne ou encore du crack. Plusieurs ustensiles de consommation, comme des pipes, ont été trouvés par les aides-soignants. « Cela vient compliquer la prise en charge médicale, car la drogue fait souvent décompenser les malades », témoignent les soignants auprès du syndicat.
De plus, de nombreuses personnes admises sont sous tutelle ou curatelle, elles ne disposent pas d’argent sur elles. Pour obtenir leur dose, le personnel de l’UF1 a ainsi eu vent de racket et d’actes de prostitution, aux dires des patients eux-mêmes. Une situation de plus en plus difficile à gérer pour les aides-soignants et les médecins. « Tout cela n’arriverait pas si des fouilles étaient réalisées », affirme Sud. Mais les soignants de l’UF1 « ne peuvent pas en plus s’occuper du volet sécuritaire. Et de toute façon, ce n’est pas leur rôle », précise un délégué syndical Sud.
À cela s’ajoute la présence, dans le service, de détenus. « Nous soignons tout le monde, le problème n’est pas là. Nous ne savons, et ne cherchons pas à savoir ce pour quoi notre patient est incarcéré. Cependant, notre unité n’est pas adaptée pour recevoir ce type de malades », témoigne un aide-soignant à son syndicat. Car si l’UF1 admet des prisonniers, c’est uniquement parce que l’unité hospitalière spécialement aménagée (UHSA) de l’hôpital Marchant, conçue pour les accueillir est saturée. Ils sont donc réorientés vers le service admission psychiatrique du CHU de Toulouse, « qui ne dispose pas d’un service de surveillance », rappelle Sud, mais qui, au regard de la loi est « dans l’obligation de faire droit à cet accueil et d’organiser les modalités d’admission », rappelle la direction du CHU.
Ils ont donc accès au téléphone, à Internet… ce qui leur est normalement interdit dans les établissements pénitentiaires. Sans compter l’absence d’escorte quand le personnel de l’UF1 doit aller chercher un patient sur son lieu de détention. « Cela engendre des risques pour la sécurité des soignants, mais aussi des risques d’évasion », affirme un syndicaliste, sidéré par la situation. « Nous ne pouvons pas garantir un risque zéro fugue ni le respect des conditions d’incarcération sans moyens supplémentaires », résument les aides-soignants.
Au vu du climat délétère, dans lequel il devient difficile pour les soignants de mener à bien leur mission première qu’est l’apport de soins, ces derniers demandent à leur direction de réagir. En premier lieu, ils exigent des moyens pour lutter efficacement contre la circulation de toxiques dans l’établissement et un soutien de leur hiérarchie : « Concrètement, cela passe par la présence de policiers et par le dépôt de plaintes de la direction contre les dealers et les consommateurs. » Également, ils réclament un protocole clair concernant les consultations des détenus ou la réalisation d’examens, ainsi qu’une escorte lorsqu’ils doivent aller chercher les prisonniers dans les centres pénitentiaires.
Parallèlement, les soignants souhaitent une reconnaissance de leur travail, et pouvoir prétendre à une prime. « Dans les UHSA, nos homologues touchent une prime pour leur travail auprès des détenus, pourquoi pas nous ? » s’interrogent-ils.
Des exigences partiellement entendues par la direction du CHU qui affirme « porter une attention toute particulière à l’UF1 du pôle psychiatrie et aux patients qui y sont pris en charge. Un travail a été engagé entre la direction des affaires juridiques, les services de sécurité du CHU de Toulouse et les forces de l’ordre en vue de systématiser des contrôles et d’éloigner les individus susceptibles de nuire au bon fonctionnement du service ». De même, une réflexion a été engagée en collaboration avec les établissements pénitentiaires pour établir un protocole de transmission automatique et immédiate des prescriptions et d’encadrer toutes les modalités d’accueil des détenus, notamment leur transport.
Mais si la direction du CHU assure travailler sur ces questions, « sur le terrain rien ne change, la situation perdure et les soignants doivent se débrouiller seuls », constate le syndicat Sud. Ils pourraient donc exercer leur droit de retrait si aucune mesure n’est mise en application rapidement.
Commentaires