Ce jeudi 27 février, le tribunal administratif de Toulouse a donné raison aux opposants à l’autoroute A69 en annulant le projet. Les travaux sont donc suspendus. Que va-t-il se passer maintenant ?
C’était une décision judiciaire très attendue. Les pro et anti A69 étaient suspendus à la décision imminente du Tribunal administratif de Toulouse concernant l’avenir du chantier autoroutier qui a pour objectif de relier la Ville rose à Castres. Et après de longs jours d’attente – l’audience a eu lieu le 12 janvier dernier – la justice a finalement donné raison aux opposants. Le tribunal a effectivement annulé les arrêtés de la préfecture de Haute-Garonne et du Tarn autorisant les travaux de l’A69, en raison d’un manque d’intérêt public majeur prévue par l’article L. 411-2 du code de l’environnement. Les travaux sont donc suspendus.
Le tribunal administratif de Toulouse justifie alors sa décision en évoquant plusieurs points défaillant du projet. Tout d’abord, il estime que les bénéfices sociaux du projet sont limités, soulignant que le bassin de Castres-Mazamet « n’est pas un territoire enclavé ». Bien qu’il soit le seul de son importance à ne pas être relié à Toulouse par une autoroute, le tribunal ajoute que le projet « est surdimensionné au regard des besoins estimés, qui sont inférieurs à 13 000 véhicules par jour. »
Par ailleurs, le tribunal considère que les motifs de sécurité avancés ne représentent pas non plus une raison impérative d’intérêt public majeur. Pour lui, la RN126 ne présente qu’un caractère « relativement accidentogène » et le projet autoroutier risquerait d’accroître l’accidentalité sur la RN126, qui deviendrait un itinéraire de substitution. Il précise « La moyenne annuelle d’accidents s’établissant, entre 2010 et 2023, à cinq, dont moins d’un s’avérant mortel. En outre, aucune des pièces versées à l’instance ne permet de constater que l’accidentalité sur cet itinéraire serait plus importante que sur d’autres routes comparables. »
Enfin, l’instance conclut sur les engagements faits en termes de protection de la faune et de la flore : « En raison du caractère substantiellement insuffisant des mesures compensatoires relatives aux espèces protégées qui ont été définies, à leur durée trop limitée, le projet nuit au maintien dans un état de conservation favorable de celles-ci, et, plus précisément, de quatre espèces de flore protégées et de l’ensemble des espèces protégées inféodées aux zones humides. »
« Pour ces différentes raisons, le tribunal annule les autorisations données à ces deux projets car elles sont illégales : l’A69 et l’élargissement de l’A680 », conclut le tribunal.
Rapidement après l’annonce, le collectif La Voie est Libre a vivement réagi sur les réseaux sociaux. Il se félicite d’une « décision historique » du tribunal administratif de Toulouse, qui « porte un coup d’arrêt définitif à un projet inutile, destructeur et irresponsable ». Il souligne que la justice a repris ses arguments, affirmant que l’A69 « ne répond à aucune raison impérative d’intérêt public majeur et ne sera pas régularisable ».
Le collectif met en avant une victoire pour le « droit environnemental », dénonçant « l’irresponsabilité de l’État et du concessionnaire » qui ont engagé les travaux « sans attendre », et estime que cette décision « stoppe net » un « passage en force, dopé au déni institutionnel ».
Il attribue cette issue à un « engagement populaire fort », remerciant toutes celles et ceux qui ont « construit et nourri les arguments juridiques » à travers des pétitions, des manifestations et des enquêtes publiques. Cette décision s’inscrit, selon eux, dans un « tournant décisif » pour l’autorisation des projets routiers, s’insérant dans une tendance plus large d’annulations récentes à travers la France.
Malgré cette victoire, le collectif pense aux « dizaines de vies brisées », aux terres et cours d’eau impactés, aux « militants et zadistes » ayant subi « pressions policières et judiciaires ». Il appelle à « l’arrêt des poursuites et à une amnistie générale » pour celles et ceux qui ont été criminalisés pour leur engagement.
Enfin, il exhorte le gouvernement à « faire preuve de responsabilité et à ne pas faire appel », plaidant pour une « instance de dialogue » afin de construire un projet respectueux de l’intérêt général et des enjeux actuels. Peine perdue, « l’État prend acte de cette décision et va faire appel en demandant un sursis à exécution de la décision du tribunal administratif », précise un communiqué du ministère des Transports.
Appel que le Département du Tarn soutiendra, réaffirmant ainsi son « attachement à ce chantier majeur pour notre territoire ». Parmi les fervents soutien de l’A69, le président de la collectivité, Christophe Ramond, se dit « atterré par cette situation ubuesque », dénonçant une décision judiciaire qui « sonne maintenant l’arrêt du chantier » alors que « 70% des ouvrages d’art sont réalisés » et que plus de « 300 millions d’euros ont été investis ».
Il fustige une « gabegie financière » dans un contexte où « les finances publiques sont dans le rouge » et s’inquiète pour « 1 000 emplois sacrifiés ». Pour lui, « le Sud du Tarn réclame son désenclavement depuis 40 ans », et l’A69 constitue « une liaison vitale » soutenue par « tout un bassin de vie » et par « une immense majorité d’élus locaux ». Il refuse que ce projet « se transforme en impasse », affirmant que « les poids lourds de nos filières locales ne doivent pas être condamnés à traverser nos villages ».
De son côté, le concessionnaire de l’A69, Atosca, a publié un communiqué de presse, dans lequel, il prend acte de l’annulation de l’autorisation environnementale par le tribunal administratif de Toulouse, ce qui entraîne « l’impossibilité de poursuivre les travaux ». L’entreprise rappelle avoir développé le projet « dans le respect du contrat de concession attribué par l’État », un projet dont « l’utilité publique a été reconnue par décret en 2018 » et confirmée par le Conseil d’État ainsi que la loi d’orientation des mobilités en 2019.
Face à cette décision, Atosca note « l’intention de l’État d’engager toutes les voies de recours » pour permettre la reprise du chantier. En attendant, la société annonce mettre tout en œuvre pour « limiter les impacts de la décision de justice sur le millier de personnes » travaillant sur le projet, en veillant à « préserver avant tout leurs droits et leur sécurité dans un contexte exceptionnel au regard de l’ampleur des travaux déjà réalisés ».
Son directeur général, Martial Gerlinger, souligne que les équipes et sous-traitants « sont engagés depuis bientôt 2 ans pour construire une infrastructure attendue et soutenue depuis des décennies ». Il insiste sur les efforts faits pour « améliorer l’offre », notamment avec « près d’un quart de l’investissement consacré à la préservation de l’environnement ». Selon lui, ce projet représente « une fierté pour toutes les parties prenantes », étant au service « de la sécurité, de l’emploi et de l’avenir du Sud du Tarn ».
Pour rappel, le projet de l’autoroute A69 entre Castres et Toulouse apparaît à la fin des années 1990. Pendant des années, il est resté dans les tiroirs avant que l’État ne choisisse, en 2010, de construire une autoroute payante. En 2018, le projet est déclaré d’utilité publique, et en 2022, Atosca est désigné pour le construire et l’exploiter. L’autorisation environnementale est ensuite accordée en mars 2023, date à laquelle les travaux débutent. Son tracé s’étend sur 53 kilomètres entre les deux villes et prévoit alors de traverser 24 communes situées en Haute-Garonne et dans le Tarn, tout en longeant la RN 126 déjà existante. L’objectif étant de désenclaver Castres et de gagner entre 20 et 30 minutes de trajet entre les deux villes, comme l’avance Atosca. Un gain de temps qui ne convainc pas les opposants au projet, qui ont calculé un gain de temps de 15 minutes seulement.
De nombreuses associations et militants ont alors tenté de barrer la route aux machines du chantier à plusieurs reprises. Certains se sont même installés dans les arbres situés sur le tracé afin de ralentir les abattages. D’autres, comme Thomas Brail, figure du mouvement, se sont mis en grève de la faim et de la soif pour arrêter l’avancée des travaux, et de nombreuses manifestations ont pris place dans le Tarn et à Toulouse ces dernières années.
Malgré tout, le concessionnaire assure que le chantier avance rapidement : « Au cours des dernières semaines, les équipes d’Atosca ont poursuivi les travaux de terrassement sur l’emprise de l’autoroute et la livraison des ouvrages d’art s’est accélérée sur l’ensemble des 53 kilomètres de l’autoroute. » Il précise que la société a « désormais concrétisé plus de 300 millions d’euros, soit 65% du budget total du chantier et s’en tient à l’objectif d’une livraison à la fin de l’année 2025. »
Mais après de multiples recours en justice, une dernière audience a eu lieu le lundi 12 janvier dernier. Ce jeudi 27 février, le tribunal administratif de Toulouse a donc tranché et annule ainsi le projet de l’A69, suivant les recommandations de la rapporteuse publique. Toutefois, il faudra encore attendre la décision de la cour d’appel pour enterrer définitivement le projet.
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