Versement mobilité (VM), taxe spéciale d’équipement (TSE), taxe sur les bureaux (TSB)… Le Medef 31, par la voix de son président Pierre-Olivier Nau, estime que les surcoûts dus à l’inflation sur les grands projets structurants de transport, comme la troisième ligne de métro ou la LGV, ne doivent pas être couverts par les taxes mobilité imputées aux entreprises.
Pierre-Olivier Nau, la question actuelle du financement des transports en commun dans la métropole toulousaine, auquel les entreprises participent à travers le Versement Mobilité (VM), préoccupe le Medef 31 dont vous êtes le président. Pour bien comprendre les enjeux pour le tissu économique local, pouvez-vous rappeler par qui est due cette taxe ?
Il s’agit d’un impôt calculé sur la base de la masse salariale, qui concerne tous les employeurs, publics ou privés, de plus de 11 salariés. Le Versement Mobilité est levé par les collectivités territoriales, en l’occurrence Toulouse Métropole, pour être fléché vers l’Autorité organisatrice des mobilités (AOM), ici Tisséo. Sont concernées, toutes les entreprises situées sur le territoire opérationnel de Tisséo. Aujourd’hui, la ressource Versement Mobilité représente environ 60% du budget de Tisséo.
Une ressource importante pour Tisséo, mais quel est son impact sur les entreprises ?
Quand une entreprise paye 100 000 euros de salaire par an (brut) à un employé, 2 000 euros partent pour le Versement Mobilité ; la loi d’orientation des mobilités (LOM) prévoyant un plafonnement de cette taxe à 2% de la masse salariale, en dehors de la région Île-de-France, ce qui est donc le cas à Toulouse.
« Aller chercher dans la poche des entreprises n’est pas un bon réflexe »
Un plafonnement que Jean-Luc Moudenc, président de Toulouse Métropole, souhaite voir augmenter notamment pour pallier les surcoûts des travaux de la ligne C du métro dû à l’inflation. Qu’en pensez-vous ?
10 à 15% de nos salariés utilisent les transports en commun pour aller travailler alors que le Versement mobilité représente 60% du budget de Tisséo. Je ne pense donc pas que ce soit à nous, entreprises, de payer pour un surcoût dont nous ne sommes pas responsables. D’autant plus que nous ne participons pas à la gouvernance de Tisséo. Je crois qu’aller chercher dans la poche des entreprises, une somme qu’il manque, n’est pas un bon réflexe. C’est une position intenable et inacceptable. Nous ne parlons certes que d’une augmentation de 0,2 ou 0,4 point, mais les employeurs ont besoin de cet argent pour investir dans la transition climatique, dans le recrutement, pour conquérir de nouveaux marchés ou pour augmenter les salaires. Personne n’a l’air de comprendre qu’il est primordial de préserver nos marges, déjà détruites par la Covid-19, en cette période où nous aussi nous subissons l’inflation : les salaires ont augmenté de 4,6% en moyenne en France, les matières premières aussi…
La demande de Jean-Luc Moudenc, et de nombreux autres présidents de métropoles, consiste à s’aligner sur la logique parisienne. Le Projet de loi de finances ayant permis d’augmenter le taux de VM de 2,9 à 3,2% à Paris. Mais, dans la capitale, 80% des salariés utilisent les transports en commun pour aller travailler alors qu’à Toulouse, nous sommes sur une moyenne de 15%.
Qu’est-ce qui pourrait être acceptable pour le Medef 31 ?
Rester à 2%, ce qui représente déjà une somme importante. Et d’intégrer la gouvernance de Tisséo ; les entreprises doivent rentrer au Conseil d’administration des AOM. Nous proposons également d’augmenter la participation de l’employeur aux titres de transport de leurs salariés, qui peut déjà aller jusqu’à 75%. De mon côté, je suis même pour financer à 100% les abonnements de nos collaborateurs. Cela permettrait d’inciter les travailleurs à prendre les transports en commun. L’objectif étant que les entreprises financent les déplacements de leurs employés qui utilisent les transports en commun, mais pas de financer les transports en commun de manière globale, ce ne serait pas juste.
Vous pensez donc qu’il n’est pas juste que les entreprises participent à l’effort collectif pour développer les transports en commun ?
Si, mais dans la limite des 2%. Nous souhaitons y participer et même plus, puisque nous demandons à entrer dans la gouvernance. Nous pourrions ainsi avoir notre mot à dire sur les tracés des lignes, sur les choix de matériels, sur les choix et la gestion des entreprises de transport… Nous sommes d’autant plus légitimes que presque tous les usagers qui prennent le bus, le tram ou le métro à 7h ou 8h du matin et entre 17h et 19h sont des salariés. En résumé, nous souhaitons plébisciter et amener notre contribution au développement des transports en commun, mais dans la limite du raisonnable.
Quelles seraient les conséquences d’un rehaussement du taux de VM pour les entreprises ?
Difficile de faire une généralité, mais si je parle de mon entreprise par exemple, le groupe Manatour, si l’on passait de 2 à 2,4% de VM, cela représenterait à peu près un supplément de 20 000 euros par an, l’équivalent d’un mi-temps chargé.
🚇🚲 @ponau, Président du Medef 31, défend la compétitivité des entreprises face à l’extension du versement mobilité.
— MEDEF Haute-Garonne (@MEDEF31) October 29, 2023
🥇 Les entreprises sont des acteurs clés du financement des transports publics.
🤝 Il est temps de réfléchir ensemble pour une mobilité durable sans…
Du côté de l’opposition de Toulouse Métropole, on estime que les entreprises bénéficiant de retombées économiques lors de développement de projets phares comme la troisième ligne de métro, mais aussi l’arrivée de la LGV, doivent participer davantage…
Sauf que nous ne parlons pas en réalité de participation supplémentaire, mais d’éponger des surcoûts dont nous ne sommes pas responsables. Nous subissons aussi l’inflation ! Alors pourquoi devrions-nous payer les aléas financiers de la puissance publique avec des impôts complémentaires ? Nous, entreprises, qui devons déjà faire face à nos propres incertitudes.
Concernant la LGV, plus précisément, deux impôts spécifiques sont envisagés dans le plan de financement : la taxe spéciale d’équipement (TSE) et la taxe sur les bureaux (TSB). La première taxerait, par défaut, la plus-value que va prendre le foncier grâce à l’arrivée de la LGV quand la seconde taxerait par anticipation les bénéfices supplémentaires que génèrerait cette Ligne à grande vitesse. Ce principe n’est pas sain parce qu’il présuppose des recettes totalement hypothétiques pour l’instant. Et même si ces bénéfices étaient au rendez-vous, nous serions déjà ponctionnés au titre de la TVA, de l’Impôt sur les sociétés (IS), des charges patronales qu’engendreraient des recrutements… Pourquoi alors surfiscaliser une fiscalité déjà existante ?
« Une baisse d’impôt se traduirait par des investissements gagnants créateurs d’emplois »
Selon vous, qui doit alors financer ce surcoût ?
Par de grands projets structurels, Toulouse veut dynamiser son attractivité. Elle aurait pu compter ainsi sur la récupération de la Cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) mais elle va être supprimée. En revanche, elle le sera dans quatre ans. Pendant ce temps, l’État compense déjà ce manque à gagner pour les collectivités : en 2023, la métropole de Toulouse va ainsi recevoir plus que ce qu’elle aurait dû percevoir avec la CVAE. Ainsi, les efforts réalisés par les métropoles sont rémunérés par l’État directement. Il s’agit-là d’un premier outil qui pourrait contribuer au financement d’une infrastructure de transport.
De même, si l’employeur contribue davantage au financement des abonnements transport de ses salariés, je ne suis pas contre l’idée que le prix du déplacement augmente pour les actifs.
Concernant la CVAE justement, sa suppression ne permettrait-elle pas aux entreprises d’amortir une éventuelle augmentation du taux de VM ?
D’abord, la donne peut encore changer : rien ne dit que nous ayons le même président de la République ni la même majorité d’ici là (les Présidentielles auront lieu en 2027, NDLR). Ensuite, cet argent ne sera pas économisé, et donc disponible, tout de suite. Et pour finir, cet argent est et sera utilisé pour produire mieux et pour augmenter les salaires. Une baisse d’impôt ne va pas se traduire par une Ferrari ou une résidence secondaire pour les patrons et les actionnaires… mais en investissements gagnants créateurs d’emplois. C’est une vision d’une économie sociale de marché, pas d’un capitalisme à l’américaine.
Commentaires