La Mairie de Toulouse va prochainement reprendre possession des locaux sur l’île du Ramier, jusqu’alors prêtés à l’association d’accueil de jour des personnes sans-abri La Barque. Sans nouvelle proposition de relogement, la présidente craint que l’organisme ne disparaisse.
« Je suis en colère. La Barque est une association familiale, et elle va disparaître », s’émeut la présidente, Carmen Creyssels. Créée en 1979 à Toulouse, cette structure occupe depuis près de 20 ans des locaux situés sur l’île du Ramier pour y accueillir, trois après-midi par semaine, des personnes sans-abri. « Chaque lundi, mercredi et vendredi, une quarantaine de précaires viennent ici se reposer, échanger autour d’une boisson, d’un goûter, ou jouer à des jeux de société », explique la présidente, entourée d’une dizaine de bénévoles.
Seulement, le 16 juin dernier, un appel téléphonique de la Mairie de Toulouse a fait sonner le glas. « Une dame m’a expliqué que nous allions devoir quitter les locaux avant la fin de l’année, sans nous donner de date, ni de raison précise », raconte l’octogénaire d’une voix tremblante.
Des années 1980 à 2005, La Barque occupait des locaux rue Peyrolières, dans le centre de Toulouse. « Notre association a visiblement gêné les habitants et commerçants du coin, alors la Mairie nous a proposé de déménager dans les locaux actuels, au 11 avenue Gabriel Biénès », se souvient Carmen Creyssels.
Certaines craintes ont accompagné ce changement d’adresse, notamment à cause de l’éloignement du centre-ville. Mais les inquiétudes se sont rapidement dissipées, les locaux de l’île du Ramier étant, « plus grands, très bien équipés et disposant d’une cour attenante », décrit la présidente. De plus, la structure est aujourd’hui installée à une dizaine de minutes à pied d’un restaurant solidaire. « Beaucoup y déjeunent avant de se rendre à La Barque et partager un moment de convivialité. Nous sommes une deuxième, voire une première, maison pour les plus démunis », poursuit-elle.
« Personne ne peut imaginer notre désarroi », glisse Carmen Creyssels. La présidente indique que la Mairie de Toulouse leur a demandé de quitter les lieux, sans formuler de proposition de relogement gracieux dans de nouveaux locaux. « Nous allons devoir payer un loyer ailleurs, mais les seules subventions dont nous bénéficions s’élèvent à 1 000 euros par an de la part de la municipalité pour financer l’achat de boissons et de denrées à la Banque Alimentaire. Comment pourrions-nous payer un loyer ? » questionne-t-elle.
De son côté, la Mairie affirme que « la direction municipale des solidarités a contacté la présidente de la Barque pour l‘aider à trouver des solutions, notamment par la mutualisation de locaux avec d’autres associations ». Des propositions ont donc été faites, mais n’ont pas été acceptées. « Je ne suis vraiment pas favorable au fait de jumeler La Barque avec une autre structure. La plupart des bénévoles sont des personnes âgées. Nous avons nos habitudes, les bénéficiaires aussi, nous sommes une grande famille et je ne veux pas que cela change », réagit Carmen Creyssels.
Mais alors, pourquoi la mairie de Toulouse souhaite-t-elle reprendre possession de ses locaux ? La réponse se trouve dans le projet “Grand Parc Garonne” de Toulouse Métropole. En effet, l’objectif de ce projet est de réaménager les bords de la Garonne, afin de créer près de 3 000 hectares d’espaces verts, sur une longueur de 32 kilomètres. L’île du Ramier, sur laquelle l’association La Barque est aujourd’hui installée, doit elle aussi être réhabilitée, pour devenir « un vaste poumon vert », selon la municipalité, dans lequel les habitants pourront « se balader, faire du sport, découvrir la faune et la flore de l’île ».
Au Nord de l’île, un “espace nature”, doté d’équipements sportifs et de potagers, a été inauguré en 2020 par Jean-Luc Moudenc. Au Sud, l’éco-parc de la Poudrerie a été aménagé tel un grand espace de nature préservée. Puis au centre, la destruction de l’ancien parc des exposition (déménagé au MEETT) va laisser place à un grand parc public de sept hectares, intégrant un jardin botanique et une esplanade qui accueillera des manifestions culturelles et sportives. Les locaux de La Barque se trouvent juste à côté. Pour l’heure, la Mairie n’a pas précisé s’ils seraient détruits, ou transformés, durant l’aménagement du site.
Le Capitole ajoute que ces raisons seront prochainement expliquées aux membres de l’association par le biais d’un « courrier officiel », qui précisera également la date de fermeture du local. « Les services de la Mairie restent à leur écoute et se tiennent prêts à les accompagner », conclut la municipalité. Mais sans nouvelles propositions de relogement, Carmen Creyssels craint une « mort pure et simple » de son association.
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