« Le chef d’orchestre Tugan Sokhiev sera invité partout dans le monde, sauf à Toulouse, qu’il adore », écrit dans une chronique Michel Guerrin, un rédacteur en chef du Monde. Il estime que le maire de la Ville rose a mis l’artiste dans une position intenable.
La démission du chef d’orchestre russe, Tugan Sokhiev, de son poste à l’Orchestre national du Capitole n’a pas fini de faire parler, comme ce fut le cas lors du conseil de Toulouse métropole. L’artiste vient de recevoir le soutien de Michel Guerrin, un rédacteur en chef du Monde. « Outre son immense talent, il est un symbole de blessure et de gâchis, et la polémique est loin d’être close », écrit-il dans une chronique publiée ce vendredi 25 mars..
« Le maire (Les Républicains) de Toulouse, Jean-Luc Moudenc, a lancé l’affaire Sokhiev en lui demandant par courrier, début mars, de “s’exprimer” sur la guerre en Ukraine. L’intéressé, alors à Moscou, et goûtant peu les diktats, a répondu sur Facebook sans faire dans la demi-mesure : il a démissionné du Bolchoï et du Capitole, se refusant à choisir entre ses “musiciens russes et français bien-aimés” », rappelle le rédacteur en chef du Monde. « Moudenc semble s’être inspiré du maire de Munich, qui avait sommé le chef d’orchestre russe Valery Gergiev, officiant en Bavière, de se prononcer sur la guerre. Il savait très bien qu’il ne le ferait pas : Gergiev est un proche de Poutine et il est désormais banni de toutes les salles du monde sans que cela ne fasse débat. Il en va tout autrement avec Sokhiev. Cet humaniste n’a jamais flirté avec le dictateur du Kremlin. »
« Un maire, campant dans le confort français, arguant que Toulouse est jumelée avec Kiev, que l’orchestre est sous sa responsabilité, a surfé sur la douleur ukrainienne pour faire la morale à un artiste dont une grande partie de la famille habite Moscou et risque gros. En disant que se taire est intenable, il a mis Sokhiev devant un choix intenable. D’autres artistes russes, habitant leur pays, ont eu ce courage de dénoncer la guerre, mais faut-il l’exiger de tous, notamment de ceux qui ne furent en rien complaisants avec Poutine ? », s’interroge Michel Gerrin. Il note que la jurisprudence a évolué à ce sujet. Il n’est plus systématiquement demandé aux Russes de s’exprimer sur la guerre en Ukraine.
D’ailleurs, « le destin de Tugan Sokhiev est ici exemplaire. D’importantes salles de concert à Dresde, Vienne, Munich, Rome ou Berlin vont l’accueillir en avril et en mai, alors qu’un concert à New York a été non pas annulé, mais reporté. D’où ce paradoxe : Sokhiev sera invité partout dans le monde, sauf à Toulouse, qu’il adore. » Il convient de rappeler que « Sokhiev a fait du Capitole un des tout premiers orchestres en France, le seul en région à gagner une telle aura internationale ». Et le rédacteur en chef du Monde de pose une autre question : « Comment M. Moudenc, réputé fin politique, a-t-il pu se mettre dans un tel pétrin, d’autant que le contrat de Sokhiev finissait en juin ? »
Bryan Faham
Bryan Faham écrit pour le Journal Toulousain depuis 2021. Formé à l’ISJT, il est passé par le France-Guyane, 20 minutes, La Tribune et Freshr.
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