C’est le premier du genre à Toulouse, et plus largement dans l’ex-région Midi-Pyrénées. Dans le quartier Barrière de Paris, la structure d’insertion Sobra, spécialisée dans le réemploi de matériaux de second œuvre, vient d’installer un atelier de reconditionnement. Grâce à l’association, plusieurs tonnes de plaques de plâtre, vitres, sanitaires, câbles électriques, faux plafonds… évitent la benne et connaissent une seconde vie. Une pratique vertueuse dans un secteur du bâtiment qui cherche à réduire la production de ses déchets.
42 millions de tonnes de déchets sont générés chaque année par le secteur du bâtiment en France. Un constat dressé par le rapport d’étude de préfiguration de la nouvelle filière REP (Responsabilité Élargie des Producteurs) pour le secteur du bâtiment* publié par l’Ademe en mars 2021. Des rebuts dont la revalorisation en vue d’une seconde vie reste marginale. Une aberration pour François Devin, fondateur-directeur de la structure d’insertion Sobra, située à Toulouse.
Car, si depuis 2020, la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire (AGEC) a prévu la mise en place du principe “pollueur-payeur”, visant à inciter au recyclage, au réemploi et à la gestion de fin de vie des matériaux, « dans les faits, le secteur du bâtiment est peu réactif, faute de solutions », observe François Devin. L’une d’entre elle consiste notamment à récupérer les matériaux de second œuvre, les remettre en état, et les réutiliser tels quels. Une boucle vertueuse inexploitée dans la région au sein d’une seule et même entreprise, de manière massive. Du moins jusqu’en 2023 et la création de Sobra.
« L’idée est de proposer aux maîtres d’œuvre, la dépose sélective des matériaux de second œuvre, leur nettoyage et leur reconditionnement afin qu’ils soient prêts à être réutilisés », précise le fondateur de Sobra. Il est question ici de faux plafonds, de toilettes, de lavabos, de portes, de plaques de plâtre, de chemins de câbles, d’isolation, d’ossatures métal et autres radiateurs… Trouver un atelier pour y réaliser les différentes étapes menant au réemploi était donc nécessaire.
C’est désormais chose faite. Dans l’ancien centre de tri de La Poste, quartier Barrière de Paris à Toulouse, un entrepôt accueille les près de 100 tonnes des matériaux que Sobra traite par an. Le long d’un mur par exemple, sont alignées des palettes sur lesquelles reposent de longues tôles ondulées. « Il s’agit du bardage du hall 9 de l’ancien parc des expositions que nous avons déposé », précise François Devin.
Ces plaques ont été minutieusement démontées, numérotées, mesurées et leur état a été vérifié, jusqu’à solliciter un laboratoire qui en a analysé la structure. Elles ont ensuite été nettoyées, dégraissées, repeintes, redécoupées et reconditionnées pour être réemployées sur le nouveau projet de l’Île du Ramier. La finalité du matériau reste donc inchangée. « C’est la différence avec le recyclage ou upcycling qui transforme la matière en un nouveau produit. Nous, nous le réutilisons dans son usage originel », commente François Devin.
Pour les entreprises du bâtiment ou les collectivités qui font appel à Sobra pour le réemploi des matériaux de second œuvre, l’intérêt est multiple : « Nous assurons la dépose et le stockage, nos clients n’ont donc plus à s’occuper ni à payer une mise en déchetterie. De plus, grâce à notre solution, ils peuvent afficher, pour ce poste, une empreinte carbone égale à zéro. Pour finir, ils pourront réemployer les matériaux sur leur propre chantier ce qui leur évite d’acheter du neuf. Ou nous acheter un produit d’occasion, affiché à 80% des prix catalogue. »
Sans compter qu’aujourd’hui, de plus en plus d’appels d’offres exigent le réemploi des matériaux. Travailler avec Sobra permet aux entreprises qui se positionnent de confier la totalité du poste à la structure toulousaine. « Nous nous occupons de tout, de la dépose à la livraison », argumente le fondateur-directeur. Ce dernier regrette cependant que la volonté des pouvoirs publics de plébisciter le réemploi ne soit pas plus marquée, concrètement, dans les marchés publics : « Cela ne va pas assez vite et la filière manque encore de structuration. L’idéal serait que les collectivités y intègrent systématiquement des clauses, voire des lots, pour le réemploi, mais également le recours à des salariés locaux. »
Car Sobra est également une structure d’insertion, sous un statut d’association. Actuellement, elle emploie huit salariés : cinq sur chantier et trois à des postes administratifs. Des hommes, presque exclusivement, jusque-là éloignés du marché de l’emploi. Ainsi, pour François Devin, la mission de Sobra est double : structurer la filière du réemploi dans le bâtiment et permettre à des personnes, étrangères ou/et accidentées de la vie, de retrouver un travail.
Des salariés qu’il forme tant aux métiers du BTP qu’à la conduite en milieu professionnel. « Notre objectif est donc à la fois technique et social », sourit le fondateur de la structure. Une volonté, condition à la création de Sobra. Car l’homme évolue depuis longtemps dans la sphère de l’économie sociale et solidaire (ESS). Ancien dirigeant d’une société coopérative de peinture, et membre actif de l’Union régionale des Scop, « il était impératif pour moi d’allier mes valeurs à mon expérience ».
Pour remplir ces missions, l’association ambitionne de se développer. Affichant un chiffre d’affaires de 350 000 euros et un équilibre positif, Sobra espère l’augmenter en 2026 pour doubler ses effectifs opérationnels et parvenir à traiter 150 tonnes de déchets par an.
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