Alors qu’un recours juridictionnel est en cours, l’élue d’opposition à la mairie de Toulouse et à la Métropole, Odile Maurin, dénonce le refus de Jean-Luc Moudenc de mettre à sa disposition les moyens dont elle a besoin pour participer activement au débat politique. Polyhandicapée, elle lui reproche de “la pousser ainsi à la démission”.
Entre les répliques piquantes échangées durant les conseils municipaux et métropolitains, et les propos fleuris lancés par médias interposés, les relations entre l’élue d’opposition (Alternative municipaliste et pour une métropole citoyenne, AMC) Odile Maurin et la majorité, sont tendues. Toujours respectueuses, mais tendues. En cause, entre autres, les demandes de l’élue de moyens de compensation de ses handicaps. En effet, atteinte d’un autisme Asperger et d’un syndrome d’Ehlers-Danlos, elle se déplace en fauteuil roulant et souffre de nombreux symptômes comme “des difficultés attentionnelles et d’organisation, une lenteur psychomotrice, des douleurs dans l’ensemble du corps, une faible défense immunitaire, une déficience auditive et des problèmes de diction”, décrivent ses médecins.
Des symptômes qui l’empêchent de participer activement aux débats politiques sans aides extérieures. “Mme Maurin a besoin d’assistance pour remplir son mandat à égalité avec ses collègues valides. Se refusant à faire de la figuration”, explique maître David Nabet-Martin, son avocat. Il la représente dans son combat judiciaire contre la Ville et la Métropole, dénonçant “le refus répété de mise à disposition des moyens matériels nécessaires à sa participation à la vie politique, au risque de sa santé et en violation de l’équité démocratique”. En effet, Odile Maurin a saisi le tribunal administratif en juin 2021, pour contester l’opposition des collectivités “aux remboursements des frais spécifiques” induits par son polyhandicap.
“Mme Maurin a besoin d’assistance pour remplir son mandat à égalité avec ses collègues valides“
Maître David Nabet-Martin
Elle demande notamment une aide humaine ; “pour m’aider à la fois en me permettant de lui dicter toutes sortes d’écrits, qui m’aiderait à préparer les dossiers du conseil municipal et des diverses commissions en notant instantanément mes remarques, qui m’accompagnerait à l’occasion des réunions du conseil municipal pour m’assurer des prises de notes mais aussi pour lever la main pour les demandes de paroles, et pour m’accompagner aux toilettes puisque je ne peux pas ouvrir les portes moi-même”. Et la mise à disposition d’un ordinateur adapté à ses besoins.
Les services de la Mairie estiment, de leur côté, avoir tout mis en œuvre pour répondre favorablement aux demandes de l’élue, “dans la limite de ce que permettent les textes”. Concernant l’ordinateur, la requérante reconnaît que cette possibilité lui a été confirmée mais qu’il ne pourrait être utilisé qu’à des fins professionnelles pour des raisons de sécurité. “Ce qui la contraignait à transporter deux appareils malgré ses difficultés de mobilité”, complète Me Nabet-Martin dans la requête juridictionnelle.
Quant aux dépenses dont l’élue demande une prise en charge de la Mairie, la collectivité entérine auprès d’Odile Maurin, dans un courrier daté du 9 juillet 2020, qu’elle “remboursera les frais correspondants dans la limite du plafond fixé par le droit, et [que] ce remboursement pourra couvrir les frais d’assistance et d’accompagnement pour la participation aux réunions des instances et pour le déplacement nécessaire pour se rendre à ces instances. En revanche, il ne semble pas qu’il puisse couvrir la préparation des dossiers”.
“Toulouse Métropole rembourse donc les frais de Madame Maurin uniquement dans le cas prévu par la loi“
Toulouse Métropole
À Toulouse Métropole, la réponse est la même : “Les remboursements de ces mêmes frais sont également possibles dans la limite d’un plafond identique, mais ils ne s’appliquent que dans le cas où les réunions concernées se déroulent dans une commune autre que celle dont l’élu est issu, ce qu’a confirmé, par courrier, le préfet interrogé sur la question. Toulouse Métropole rembourse donc les frais de Madame Maurin uniquement dans le cas prévu par la loi.”
Mais, si la conseillère municipale a obtenu certaines compensations, elle les juge insuffisantes, et accuse la Mairie et la Métropole d’une interprétation restrictive des textes, qui lui impose de prendre à sa charge les aménagements nécessaires à l’exercice de son mandat. Selon Odile Maurin, le maire de Toulouse, “Jean-Luc Moudenc, se servirait de ses handicaps pour tenter de l’étrangler financièrement et in fine la pousser à la démission” : “Elle est contrainte de prendre à sa charge personnelle ces dépenses mensuelles avec son indemnité d’élue affectées à 80% à ces frais pour exercer son mandat d’élue locale malgré ses faibles revenus”, précise son avocat. Un argument auquel la communauté d’agglomération oppose que “la collectivité ne peut en aucun cas engager de dépenses d’argent public hors du cadre réglementaire“.
“Contrainte de prendre à sa charge personnelle ces dépenses mensuelles avec son indemnité d’élue”
Maître David Nabet-Martin
Pour la Mairie de Toulouse et Toulouse métropole, “qui s’en tiennent à loi”, Odile Maurin se trompe d’interlocuteur. Les textes ne prévoyant pas la prise en charge de certaines obligations inhérentes au mandat municipal et/ou métropolitain, ce serait donc contre le législateur qu’elle devrait se retourner. Mais la procédure juridique en cours, intentée par l’élue, vise la Ville et la Métropole. Le tribunal administratif de Toulouse devrait se prononcer dans les mois à venir.
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