Le maire de Toulouse avait demandé à Tugan Sokhiev de se positionner sur la guerre en Ukraine. Ce dernier a décidé de démissionner de tous ses postes, aussi bien à l’Orchestre national du Capitole à Toulouse, qu’au Théâtre Bolchoï à Moscou.
Sa parole était très attendue. Le directeur musical de l’Orchestre national du Capitole, le Russe Tugan Sokhiev, a décidé de démissionner. Le chef d’Orchestre a également choisi de renoncer à son poste au Théâtre Bolchoï à Moscou. L’annonce a été faite par l’intéressé dans un long message publié sur un réseau social dans l’après-midi du dimanche 6 mars.
Tugan Sokhiev s’est senti contraint de devoir choisir entre ses deux « familles musicales » : « Étant obligé d’affronter l’option impossible de choisir entre mes chers musiciens russes et chers musiciens français, j’ai décidé de démissionner de mes fonctions de directeur musical du Théâtre Bolshoï à Moscou et de l’Orchestre national du Capitole de Toulouse avec effet immédiat. »
Le maire de Toulouse, Jean-Luc Moudenc (LR), avait demandé au directeur musical de se positionner en adressant un message aux Toulousains après les frappes russes en Ukraine. Il avait tenté de joindre le musicien sans succès.
Le maire de Toulouse a réagi à la démission du chef d’orchestre : « Je respecte la volonté de Tugan Sokhiev de mettre fin avec trois mois d’avance à notre collaboration – qui devait se terminer en juin – au sein de l’Orchestre National du Capitole. Cette nouvelle m’attriste, d’autant que c’est moi qui l’avais nommé pour la première fois à la tête de notre orchestre. »
« J’ai toujours pensé, comme Tugan Sokhiev, que l’art et la musique en particulier, sont des langages universels, permettant de rapprocher les peuples », précice Jean-Luc Moudenc. « Aussi, nous n’avons jamais attendu ou, pire, exigé de Tugan qu’il fasse un choix entre son pays natal et sa ville de cœur, Toulouse. Cela n’aurait eu aucun sens. Pour autant, il était impensable d’envisager qu’il reste silencieux face à la situation de guerre, tant vis-à-vis des musiciens que du public et de la collectivité. Ce soir, je prends acte que le seul parti qu’il prend, en conscience et connaissance de cause, est celui de la musique. »
« Je sais que beaucoup de gens attendaient que je m’exprime. Il m’a fallu du temps pour traiter ce qu’il se passe et comment exprimer ces sentiments complexes que les événements actuels ont provoqués en moi », commence par écrire Tigan Sokhiev dans son message. « Tout d’abord, j’ai besoin de dire la chose la plus importante : je n’ai jamais soutenu et je serai toujours contre tout conflit, sous quelque forme que ce soit. Remettre en question mon désir de paix et penser que moi, en tant que musicien, je pourrais soutenir autre chose que la paix sur notre planète, est choquant et offensant. »
« Au cours de divers événements géopolitiques catastrophiques auxquels notre humanité a fait face au cours des vingt dernières années de ma carrière, je suis toujours resté avec mes collègues musiciens. Et nous avons toujours, ensemble, montré et exprimé du soutien et de la compassion pour toutes les victimes de ces conflits. C’est ce que nous, les musiciens, faisons. Nous exprimons les choses avec de la musique. (…) Nous avons la chance de pouvoir parler cette langue internationale qui peut parfois exprimer plus que tous les mots connus de la civilisation. »
« Tant à Toulouse qu’au Théâtre Bolshoï, j’ai régulièrement invité des chanteurs et chefs d’orchestres ukrainiens. Nous n’avons jamais pensé à nos nationalités. Nous aimions faire de la musique ensemble. Et ça reste toujours le cas », note Tugan Sokhiev. « Au cours des derniers jours, j’ai été témoin de quelque chose que je pensais ne jamais voir de ma vie. En Europe, aujourd’hui, je suis obligé de faire un choix et de choisir une famille musicale plutôt que l’autre. On me demande de choisir une tradition culturelle plutôt qu’une autre. »
Et le chef d’orchestre appuie encore son propos : « Nous, musiciens, sommes là pour rappeler à travers la musique de Chostakovich les horreurs de la guerre. Nous, les musiciens, sommes les ambassadeurs de la paix. Au lieu d’utiliser, nous et notre musique, pour unir les nations et les gens, nous sommes divisés et ostracisés. »
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