Contre la réforme des retraites et la mise en place de Reload, la nouvelle convention collective de la métallurgie, la CGT Airbus Avions appelle à la grève. Le piquet était installé ce jeudi 20 avril devant l’usine Saint-Eloi à Toulouse.
« C’est ici que se décide la politique du gouvernement ! » Patrice Thébault, délégué syndical de la CGT Airbus Avions, harangue la foule ce jeudi 20 avril. « Ici », c’est l’usine Saint-Eloi, où le géant toulousain Airbus fabrique depuis plus d’un siècle des mâts-réacteurs pour toute l’industrie aéronautique mondiale.
«Si les pièces ne sortent pas d’ici, les avions ne sortiront pas non plus. Ni à Toulouse, ni à Hambourg, ni en Chine, ni aux USA ! On peut inverser le rapport de force. Les patrons le savent, c’est pour cela qu’on nous divise, qu’on nous oppose et qu’on nous individualise », rappelle le militant. « On appelle les salariés à reprendre le pouvoir par la grève pour bloquer la production. Et priver le capital de ses profits ! »
Même si « la réforme, personne n’en veut », les revendications de la CGT Airbus ne s’arrêtent pas aux retraites. Les syndicats réclament aussi « des augmentations de salaires suffisantes pour couvrir l’inflation et assurer une progression de carrière », explique Ioana, représentante syndicale au Comité Social et Economique d’Airbus SAS. Et, surtout, ils protestent contre “Reload”, le nom donné chez Airbus au déploiement de la nouvelle convention collective de la métallurgie. Le groupe prévoit sa mise en application au 1er janvier 2024.
La FO, la CGC et la CFTC ont signé cet accord. Ce que regrette la CGT qui considère le texte comme « un recul énorme ». « Reload casse le statut des postes », explique Ioana. « Avec la cotation des emplois, les qualifications des personnes ne seront plus reconnues. Et elles le vivent très mal », explique t-elle. Comme Théo, 19 ans, qui constate sur sa fiche de paie qu’il est passé de “chaudronnier presseur” à “opérateur de commande numérique”. « On perd toute la reconnaissance de notre métier, ça ne veut plus rien dire », regrette-t-il. « Avec Reload, il n’y a plus de carrière », ajoute Benjamin. « Je suis fraiseur, je vais devenir tâcheron. C’est la machine qui va déterminer ma valeur. »
Airbusien fidèle depuis 35 ans, Jean-François, technicien assurance qualité dénonce quant à lui l’augmentation du temps de travail et la suppression de la flexibilité horaire. Notamment pour les postes en équipe. « C’est assassin d’encourager les gens à rouler comme des chauffards alors qu’un retard peut souvent se justifier et toujours se rattraper », explique-t-il. Toutes les populations sont concernées, y compris les cadres au forfait qui devront travailler quelques journées supplémentaires.
Parmi la centaine de participants, des Airbusiens mais pas seulement. De nombreux secteurs et entreprises en grève ont leurs représentants. Comme ceux de Latécoère, où la colère ne faiblit pas. Après deux plans sociaux en 2016 et 2021, la direction de l’entreprise aéronautique projette de délocaliser l’usine toulousaine de Montredon au Mexique et en République Tchèque. « Les premiers transferts de machines sont annoncés dès la fin de l’année », regrette Florent Coste, secrétaire de la CGT Latécoère. Il rappelle l’histoire commune entre les deux grands groupes aéronautiques toulousains. Mais avec, à la fin, toujours le même gagnant. « Airbus sous-traite les licenciements, il serait temps qu’il redistribue aussi la richesse qu’il engrange ! » se fâche Jean-François Totajada, membre du bureau de la CGT 31.
Anna Trotzky, contrôleuse SNCF, est elle aussi venue au soutien du collectif et rappeler que la réforme des retraites n’est qu’une partie du problème. « Nous avons élargi les revendications sur les salaires et les conditions de travail », appuie celle qui a déjà fait plus d’un mois de grève depuis le début de l’année. Quelques étudiants de l’Ecole Nationale de Météorologie sont également présents. Eux protestent contre la politique de recrutement de Météo France : « Ils suppriment des postes de fonctionnaires et embauchent les jeunes diplômés sous un statut contractuel, moins protecteur et injuste », souligne l’un d’entre eux.
Contactée ce jour, la direction d’Airbus n’a pas souhaité réagir. « Rendez-vous le 1er mai », concluent les syndicats.
Marie-Dominique Lacour
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