À Montpellier, plusieurs associations expérimentent une “Caisse alimentaire commune”, sous forme de “sécurité sociale de l’alimentation”, afin de lutter contre la précarité alimentaire. Chacun cotise mensuellement à hauteur de ses moyens dans un “budget collectif”. Puis, l’argent est redistribué équitablement aux participants sous forme de bons de 100 euros à dépenser dans des enseignes préalablement sélectionnées, qui commercialisent des denrées issues de l’agriculture durable.
Tout le monde connaît le système de sécurité sociale. Chaque Français cotise mensuellement, en fonction de ses revenus, afin que chacun puisse accéder équitablement au système de santé. C’est sur ce modèle que 25 organisations de Montpellier, dont le Secours catholique, la Ville, la Métropole ou encore l’association Vrac et Cocinas, se basent pour expérimenter un tout nouveau projet : la Caisse alimentaire commune, lancée officiellement le samedi 28 janvier dernier.
Cette démarche fait partie du programme Territoires à Vivres, porté dans quatre Métropoles (Montpellier, Toulouse, Lyon et Aix-Marseille), dans le but d’expérimenter des projets visant à réduire la précarité en matière d’alimentation. Concrètement, l’objectif du dispositif testé à Montpellier est de créer une “Sécurité sociale de l’alimentation”. C’est-à-dire instaurer un système où chaque habitant cotise à hauteur de ses moyens dans une “Caisse commune”. Puis, l’argent est redistribué équitablement à la population à hauteur de 100 euros par mois, « qu’une personne ait déboursé 1 euro ou 150 euros », donne pour exemple Pauline Scherer, sociologue, coordinatrice de l’association Vrac & Cocinas et copilote de la Caisse alimentaire commune.
Le projet a débuté il y a un an par la création d’un comité citoyen chargé de la gestion de la Caisse alimentaire commune. « L’ensemble des 25 organisations partenaires ont lancé des appels à candidatures afin de recruter des habitants de Montpellier, et plus largement de la Métropole, prêts à travailler bénévolement à la conception du projet », résume Isabelle Touzard, vice-présidente de Montpellier Méditerranée Métropole en charge de l’alimentation.
Aujourd’hui, ce conseil citoyen est composé d’une cinquantaine de personnes. Leur rôle est de définir « les règles du jeu », autrement dit, les montants de cotisation, les enseignes dans lesquelles les bénéficiaires de la Caisse pourront faire leurs achats, etc. « Le collectif bénéficie d’une mixité sociale représentative de la population montpelliéraine. La moitié d’entre eux se trouvent dans une situation de précarité alimentaire. L’autre moitié a plus de moyens, mais joue le jeu de la solidarité », poursuit l’élue.
Parmi les magasins déjà ciblés par le comité citoyen : le supermarché coopératif La Cagette, l’épicerie Esperluette, les marchés paysans des Aubes, les groupements d’achats Vrac & Cocinas des quartiers Mosson, Croix d’Argent et Près d’Arènes, puis celui de la 5e saison à la Mosson. D’autres enseignes, aussi sélectionnées par les citoyens bénévoles, s’ajouteront prochainement à la liste. « L’idée est que les bénéficiaires accèdent à des produits issus de l’agriculture durable. Pas qu’ils dépensent cet argent dans des fast-foods » ou des denrées nocives pour la santé, souligne Isabelle Touzard.
Et pour s’assurer encore un peu plus que l’aide ne soit pas utilisée à mauvais escient, le comité citoyen a décidé que l’argent sera redistribué sous forme de monnaie locale. La Graine, monnaie héraultaise, peut uniquement être dépensée auprès de commerçants, artisans et producteurs locaux.
« L’aide alimentaire déjà existante – sous forme de distributions de denrées ou de plats – est destinée aux personnes en grande précarité qui n’ont pas du tout les moyens de se nourrir. Aujourd’hui, le public bénéficiaire de cette aide alimentaire s’est élargi aux travailleurs ou aux étudiants par exemple. Ce qui représente une plus grande part de la population contrainte de consommer “ce qu’on leur donne”. Or, nous considérons que se nourrir est un droit. Et ce droit doit permettre à chacun de choisir ce qu’il souhaite manger », explique Isabelle Touzard.
En effet, même si les enseignes sont imposées, l’objectif du système expérimenté à Montpellier est de donner aux bénéficiaires l’opportunité de faire leurs courses “normalement”. Autrement dit, de pouvoir sélectionner les produits qu’ils veulent consommer. Ceci, tout en favorisant une alimentation de qualité. « Plus encore que d’agir sur le pouvoir d’achat, le projet incite à mener une réflexion sur les enjeux de santé et d’environnement, actuellement très présents dans les débats. Car tout est lié. La mauvaise alimentation a un fort impact écologique, mais aussi sur le bien-être des habitants… Ce sont des coûts invisibles, mais qui existent bel et bien », complète Pauline Scherer.
Pendant un an, l’expérimentation menée à Montpellier sera suivie de près par un collectif de scientifiques. D’une part, afin de juger quelles composantes du projet fonctionnent, ou au contraire, ne fonctionnent pas. D’autre part, afin de déterminer la réplicabilité de la Caisse alimentaire commune dans d’autres villes ou territoires de France.
La première étape de la mise en place du projet débutera au mois de mars. La “Caisse alimentaire commune” sera testée auprès des 50 membres du comité citoyen. Puis, l’expérimentation s’ouvrira à d’autres habitants dans les mois qui suivent. « L’objectif sera de tester le dispositif à grande échelle, auprès de 200 à 500 Montpelliérains, aux profils variés (étudiants, cadres, retraités, ouvriers…) », complète Pauline Scherer : « Concrètement, nous avons un an pour construire un système qui tient la route », termine la sociologue.
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