Le château de Saint-Alban-sur-Limagnole en Lozère a été sélectionné par la Mission Patrimoine. Cet édifice aux vies multiples et à la riche histoire va ainsi pouvoir être restauré.
De forteresse médiévale à lieu culturel, en passant par hôpital psychiatrique… Le château de Saint-Alban-sur-Limagnole, en Lozère, a eu de nombreuses vies, en témoigne son architecture hétéroclite. Édifiée au XIe ou XIIe siècle, l’ancienne forteresse médiévale est transformée en élégante demeure au XVIIe siècle par les barons de Molette de Morangiès, ses nouveaux propriétaires. Elle se dote alors de riches décors architecturaux tels qu’une porte d’entrée monumentale à l’encadrement sculpté en arkose, un grès rose local, et d’une cour intérieure avec trois galeries superposées, également taillées dans cette pierre. Un château répondant aux standards de l’époque qui, au siècle suivant, sera au cœur de la traque contre la bête du Gévaudan. Il sera effectivement, à la fin des années 1760, un des lieux de départ des battues visant à l’éliminer.
C’est au XIXe siècle que le château devient un asile d’aliénés, sous l’impulsion d’un religieux, Hilarion Tissot, frère de l’ordre de Saint-Jean-de-Dieu. Mais mal géré financièrement, il est racheté en 1824, sur décision du préfet de la Lozère, par le Département. L’asile départemental accueillera tout d’abord des femmes, puis des hommes, dans des conditions laissant à désirer. Ils vivent effectivement sans eau courante ni électricité. Il faudra attendre qu’ Agnès Masson, première femme directrice d’un hôpital psychiatrique français, prenne sa direction dans les années 1930 pour que les lieux et les soins s’améliorent enfin. En 1941, le psychiatre catalan François Tosquelles fait son arrivée au château. Il fera de Saint-Alban-sur-Limagnole une référence pour la psychiatrie. En effet, François Tosquelles y fonde la psychothérapie institutionnelle.
En plus de cela, l’hôpital, situé dans un coin reculé à 1 100 mètres d’altitude, sera le refuge de personnes fuyant les régimes nazi et franquiste, de résistants, mais également d’intellectuels et d’artistes pendant la Seconde Guerre mondiale. C’est le cas de Paul Eluard qui se prendra de passion pour les œuvres réalisées par certains patients lors d’ateliers. D’ailleurs, Jean Dubuffet inventera le concept d’Art brut en voyant ces productions chez l’artiste. Après la guerre, le développement du centre psychiatrique se poursuit grâce au travail de François Tosquelles. Mais un incendie survient dans le dortoir des patients en 1971 et détruit une partie de la toiture du château. De nouveaux bâtiments et structures d’accueil sont alors construits. En 1993, le Conseil général de la Lozère y entreprend une première restauration.
Plus de 25 ans après, ce château à la riche histoire est encore en piteux état. En effet, la toiture est en situation de péril absolu à la suite de l’incendie de 1971. Celle-ci ne tient, d’ailleurs, que par les tuiles et risque de s’effondrer à la moindre intempérie. Les intérieurs du château sont aussi en péril. Les niveaux inférieurs d’une aile sont partiellement effondrés. Quant aux autres pièces, elles sont en déshérence depuis que les services de l’hôpital ont quitté le bâtiment principal. En plus de cela, les décors qui ornent l’intérieur du château sont nombreux à être camouflés tels que les cheminées sculptées ou l’escalier à balustres en bois. Un plafond peint du XVIIe siècle attend également son replacement. Déposé en 1995, il a depuis été traité contre les insectes xylophages, qui se nourrissent de bois, et consolidé par une équipe de restauratrices.
Les travaux à réaliser sont donc importants. Dans le détail, ils comprennent la réfection des intérieurs découverts dans certaines salles, l’aménagement du bâtiment Nord-Ouest pour que puissent y déménager des ateliers et réserves archéologiques départementales, la rénovation et l’aménagement de l’ancienne bibliothèque, mais surtout, la restauration et la sécurisation du château pour un coût de 2,9 millions d’euros. Un montant conséquent. Heureusement, le monument va bénéficier d’une aide financière pour sa reconstruction. Il fait effectivement partie des 100 sites départementaux sélectionnés par la Mission Patrimoine en septembre dernier. Portée par Stéphane Bern, déployée par la Fondation du patrimoine et soutenue par le ministère de la Culture et La Française des Jeux, elle leur octroie ainsi une enveloppe de 18,6 millions d’euros dans le cadre de leur restauration. Le château de Saint-Alban-sur-Limagnole obtiendra, de son côté, 300 000 € pour ses travaux qui devraient débuter en septembre prochain et s’achever en 2026.
Si son objectif premier est de sauver le monument, ce chantier de restauration vise aussi à ouvrir le château au public. Ainsi, il est prévu que l’édifice, qui accueille en son sein l’office de tourisme, des expositions temporaires et aussi quelques spectacles, propose des visites de son intérieur présentant ses décors du XVIIe siècle. Aujourd’hui, ce dernier ne se visite pas, car trop dangereux. Le Département de la Lozère souhaite également mettre en avant l’histoire psychiatrique du lieu. Pour cela, il s’appuierait sur les films, photographies ou documents témoignant du travail de François Tosquelles et de ses successeurs que l’association culturelle de l’hôpital conserve. Des archives qui pourraient être présentées dans les pièces de l’édifice non pourvues de décors. Un programme scientifique et culturel est ainsi en réflexion. Par ailleurs, la collectivité espère dynamiser le territoire en ouvrant à l’année le château de Saint-Alban-sur-Limagnole qui est une étape du chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle.
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