La commune de Saint-Sulpice-la-Pointe, dans le Tarn, vient d’obtenir une enveloppe de 500 000 euros de l’Etat pour le réaménagement du site de l’Arçonnerie, en friche depuis 20 ans. Le maire, Raphaël Bernardin, nous explique à quoi va ressembler ce nouveau quartier.
Raphaël Bernardin, que représente l’Arçonnerie pour les habitants de Saint-Sulpice-la-Pointe ?
Située en cœur de ville de Saint-Sulpice, l’Arçonnerie, créée par la famille Charles, était le principal employeur de la commune dans les années 1900. Les salariés y fabriquaient des arçons de selles de cheval, notamment pour la cavalerie française. Sur un terrain de 1,15 hectare, il y avait donc des entrepôts industriels et des ateliers bâtis en brique et dont les charpentes étaient tellement magnifiques qu’elles auraient pu être classées aux Monuments historiques.
Comment l’Arçonnerie est passée de fleuron territorial à l’état de friche industrielle ?
L’Arçonnerie Française, fournissait l’armée française pour les besoins en équipements de sa cavalerie (arçons de selles, véhicules attelés, etc.) jusqu’après-guerre. Mais l’avènement de la mécanisation militaire a marqué un tournant. L’Arçonnerie a su prendre le virage de l’industrialisation en diversifiant ses activités. Ainsi le plus gros des emplois générés à Saint-Sulpice (jusqu’à 350) ont pu être créés grâce aux nouveaux segments de marchés du transport de l’énergie, des chemins de fer ou de la téléphonie, aujourd’hui devenu Rétis Solutions.
L’Arçonnerie a alors choisi de quitter son site historique et de déménager à Bessières en 1997. Là, l’entreprise, détenue désormais par la famille Compan (suite au changement de nom marital de la petite-fille du fondateur), continue à produire des arçons et devient le leader mondial de son secteur. Elle est labellisée en 2016 “Entreprise du patrimoine vivant”, démontrant ainsi son expertise et son savoir-faire unique.
Sur le site historique de Saint-Sulpice, ne reste alors qu’une petite unité de galvanisation (protection des pièces de métal contre la corrosion), exploitée par la société Galvacier. Entreprise qui fermera définitivement ses portes en 2004, et entraînera le cessation de toute activité en centre-ville de Saint-Sulpice. Le site a ainsi été abandonné pour devenir une friche industrielle. Des jeunes ont alors commencé à s’y rendre régulièrement… jusqu’à ce que l’un d’eux, en 2012, mette le feu aux bâtiments. Les toitures ont été entièrement détruites.
La municipalité avait-elle alors imaginé un projet de réhabilitation du site ?
Les élus de l’époque avaient pensé y construire des logements, mais ils ont peut-être confondu vitesse et précipitation et ont annoncé leur projet sans en avoir informé les propriétaires du site. Ainsi, pendant de nombreuses années, la situation de l’Arçonnerie s’est figée dans le temps.
Parallèlement, un arrêté préfectoral a obligé l’exploitant du site historique (Galvacier, devenu Retis Solutions) à mener une opération de dépollution sur le principe du pollueur-payeur. En effet, le travail de galvanisation a longtemps été réalisé à même le sol, et au fil du temps a engendré une pollution aux métaux lourds comme le zinc. Il a été également relevé la présence d’hydrocarbures sur le site.
Lorsque mon équipe et moi sommes arrivés à l’exécutif en 2018, nous avons réengagé un dialogue serein et productif avec les propriétaires. Les enjeux municipaux étaient de dynamiser ce quartier en plein cœur de ville, ceux des propriétaires étaient de couvrir leur emprunt bancaire de 400 000 euros contracté pour couvrir les dépassements de coûts de dépollution sur un budget initial déjà pris en charge par ces derniers à hauteur de 890 000 euros. Nous nous sommes entendus, et nous avons trouvé un accord et conclu la vente de l’Arçonnerie. Une page historique va maintenant se tourner.
« Une vente à 1,290 million d’euros »
Quel a été l’accord signé entre la mairie de Saint-Sulpice et les anciens propriétaires de l’Arçonnerie ?
Nous nous sommes engagés sur une vente de la valeur d’un terrain constructible. Ainsi, nous sommes tombés d’accord pour 1,290 million d’euros. Mais si la mairie est maintenant décisionnaire, nous avons réalisé un montage financier avec l’Établissement public foncier d’Occitanie qui, au travers d’une convention, nous avance la somme, remboursable sur huit ans. Nous honorerons cette dette grâce à la vente des terrains de l’ancienne Arçonnerie à des promoteurs immobiliers ou des aménageurs.
Pour assurer une partie du remboursement de l’Établissement public foncier d’Occitanie, la municipalité de Saint-Sulpice a candidaté au Fonds Friches de l’État…
Tout à fait. La convention établie nous oblige à rembourser plus d’un million d’euros en huit ans, ce qui impose de nous mettre en dynamique. Nous n’étions pas prêts pour candidater aux deux premières éditions, nous avons donc attendu 2022 pour le faire, et nous avons été retenus parmi 1 264 participants en France. Ainsi, nous allons bénéficier d’une enveloppe de 500 000 euros qui va venir nous aider à l’acquisition de l’Arçonnerie. Ils seront déduits des 1,290 millions d’euros.
Vous parliez d’une page qui se tourne, il va falloir maintenant en écrire une nouvelle. Quels sont vos projets pour aménager un nouveau quartier de l’Arçonnerie à Saint-Sulpice-la-Pointe ?
Nous avons deux intentions majeures : celle de ne pas renier le passé historique du site, et au contraire de lui rendre hommage. Pour cela, nous demanderons aux architectes d’honorer le passé industriel des lieux dans leurs projets et nous disposerons des mémoriaux retraçant l’histoire de l’Arçonnerie. Parallèlement, nous souhaitons voir naître un quartier extrêmement vertueux : mixité sociale équilibrée, présence d’îlots de fraicheur, cohabitation de logements, de bureaux et de commerces. Et nous voulons absolument un quartier écoresponsable, qui consomme l’énergie qu’il produit. Tout un programme qui devrait redynamiser le centre de Saint-Sulpice.
« Nous avons deux intentions majeures : honorer le passé industriel des lieux et voir naître un quartier vertueux »
Comment pourrez-vous garantir ces critères ?
Les intentions précitées doivent être traduites en cahier des charges en début d’année 2023. Nous lancerons ensuite un grand concours d’architectes-urbanistes, à l’échelle de tout un quartier. Deux solutions sont alors à envisager : soit nous découperons le terrain en lots qui seront vendus séparément à des aménageurs ou des promoteurs immobiliers, soit nous vendrons sous forme d’un seul macro-lot. Ce n’est pas encore tranché !
Il est question d’une concertation citoyenne. A quel moment du processus de réaménagement comptez-vous consulter les habitants de Saint-Sulpice ?
Nous réfléchissons justement à la manière d’intégrer cette concertation au moment du concours. L’idée étant que les citoyens puissent donner leurs avis sur les projets des architectes, qui devront eux-mêmes répondre au cahier des charges de la municipalité et donc, aux intentions des élus. Intentions que nous avons préalablement fait valider par la population. Ainsi, les urbanistes verraient leur programme contrarié ou amendé par les Saint-Sulpiciens, ce qui lui permettrait de l’adapter aux souhaits des habitants. C’est par ce processus, qui devrait avoir lieu au second semestre 2023, que nous garantirons la consultation citoyenne. Reste à définir la forme qu’elle prendrait : réunions publiques ? Interrogation de la population par les architectes en amont de l’élaboration de leur projet ?
Comment s’assurer que les architectes prennent en compte la consultation citoyenne ?
Il n’y a effectivement pas d’obligation, mais il est important qu’ils écoutent la population tout en respectant le cahier des charges. In fine, c’est le conseil municipal qui tranchera. Ce sont donc les élus qui seront garants du respect des avis des habitants. Et nous attendons des projets très contrastés pour ne pas tomber dans le taylorisme (travail à la chaîne, payé au rendement, NDLR) appliqué à la construction comme c’est le cas depuis 40 ans en France. Tous les quartiers se ressemblent, tous les bâtiments sont les mêmes. A Saint-Sulpice, nous voulons faire appel à l’ingénierie des architectes pour un quartier innovant.
« Ce sont donc les élus qui seront garants du respect des avis des habitants »
A quelle échéance pensez-vous que le nouveau quartier de l’Arçonnerie pourrait être livré ?
Elle fait partie de mes engagements de campagne pris en 2020 : J’ai dit aux Saint-Sulpiciens que je mettrais ce projet sur les rails avant la fin de ce mandat. Ainsi, le conseil municipal aura voté le démarrage du programme d’ici 2026. Et que je sois réélu ou pas, on ne pourra plus reculer. Les premiers coups de pelles mécaniques devraient avoir lieu d’ici 2028.
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