Avec 16 000 chasseurs actifs cette saison, la Fédération départementale de chasse de l’Hérault est la plus importante d’Occitanie. Son président, Max Allies, revient sur le Plan sécurité du gouvernement qui vient d’être annoncé. Des mesures de bon sens qui viennent formaliser de nombreuses pratiques finalement déjà en cours.
Max Allies, le gouvernement vient de présenter son Plan sécurité à la chasse dans l’objectif d’améliorer la sécurité des chasseurs et des non-chasseurs. La secrétaire d’État chargée de l’écologie, Bérangère Couillard, faisant état de 90 accidents de chasse pour la saison 2021-2022, dont 8 mortels, à l’échelle nationale. Qu’en est-il dans l’Hérault ?
Il n’y a eu aucun accident mortel dans notre département. Et nous avons recensé deux incidents n’impliquant aucun dégât de quelque nature que ce soit. Pour rappel, les accidents sont signalés à la gendarmerie, qui diligente ensuite une enquête, quant aux incidents ils sont déclarés à l’Office national de la biodiversité (OFB).
« Il n’y a eu aucun accident mortel dans notre département »
Dans ce Plan de sécurité, un premier volet renforce la formation des chasseurs. Il prévoit notamment un rappel des règles aux organisateurs de battues. Une mesure nécessaire selon vous ?
Cette mesure fait suite à un rapport sénatorial publié après un accident mortel dans le Lot. Les auditions qui ont été menées pour établir ce rapport ont révélé que certaines fédérations veillaient à la bonne formation des organisateurs de battues, mais que ce n’était pas le cas partout. Dans l’Hérault, nous pratiquons ces formations depuis une quinzaine d’années : nous formons les chefs de battues, les chefs de ligne et les chasseurs. Pour cela, nous avons mis en place une équipe pédagogique, composée notamment de l’OFB, de l’Office national des forêts et de la Fédération de chasse, qui intervient sur deux jours : une journée théorique et une pratique. A l’issue de ce programme, les chasseurs peuvent obtenir un certificat d’aptitude… ou pas. L’idée de la mesure du gouvernement vise ainsi à généraliser et règlementer cette initiative à tout le territoire national et à la rendre obligatoire. Nous ne pouvons que nous en féliciter. Dans l’Hérault, même si nous avons pris un peu d’avance en la matière, nous devrons intensifier la cadence de ces formations déjà opérationnelles, pour pouvoir former les 12 000 chasseurs de grands gibiers du département.
Une volonté d’uniformisation des pratiques, qui concerne également la signalétique…
Tout à fait ! La loi du 24 juillet 2019 a imposé la signalisation des actions collectives de chasse mais rien n’était précisé quant aux modalités. Ainsi, d’un département à l’autre, les signalements d’une chasse en cours n’étaient pas les mêmes. Le nouveau Plan de sécurité harmonise cette signalétique au niveau national.
Une mesure de ce plan vise à sanctionner, et donc à interdire, la chasse sous l’emprise d’alcool ou de stupéfiants. Cette mesure est-elle « vexante », comme l’ont ressentie certains chasseurs, ou indispensable ?
La caricature du chasseur éméché a été largement diffusée par les sketchs des Inconnus par exemple, et c’est devenu un préjugé dans l’opinion public. En revanche, et je ne le conteste pas, en Occitanie, nous sommes des épicuriens. Les parties de chasse se terminent souvent par un petit repas et quelques coups entre copains, un peu à l’image des troisième mi-temps au rugby. Mais la consommation d’alcool doit bien évidemment avoir lieu après la chasse, ce qui est le cas. Ainsi, cette mesure ne nous pose aucun problème, au contraire. Il s’agit de légiférer sur une pratique de bon sens, une consigne élémentaire de sécurité. Il est tout à fait normal de ne pas être alcoolisé lorsque l’on tient une arme. D’ailleurs, déjà, la gendarmerie procède à des contrôles alcoolémie. Lorsqu’un accident a lieu, ils sont même systématiques. Et contrairement à ce que peuvent penser certains, les tests positifs (supérieur à 0,5 g/l de sang) sont extrêmement marginaux.
« 80% des forêts de France sont privées »
Le débat de la cohabitation entre les chasseurs et les “usagers de la nature” a connu un regain d’enthousiasme ces dernières années. Pourquoi ? Qu’est-ce qui a changé ?
Le nombre de grands gibiers a explosé. En cause : l’évolution du biotope. Dans l’Hérault par exemple, il y a 20 ans, il n’y avait que des vignes, culture qui n’intéresse pas beaucoup les grands gibiers. Désormais, on y trouve des champs de melons, de céréales, de kiwis… qui attirent notamment les sangliers. Le changement des modes de culture, la progression des forêts et le recul du pastoralisme… ont amené les gibiers à proliférer et à s’acclimater à la périphérie urbaine. Ainsi, de plus en plus de chasseurs se concentrent sur cette cible, qui se chasse avec des balles contrairement au petit gibier que l’on chasse au plomb. Une pratique plus dangereuse qui nécessite la mise en place d’une règlementation plus contraignante, pour plus de sécurité. D’autant que, concomitamment, la population a également augmenté. Population qui réside essentiellement en zone urbaine, qui n’a pas la connaissance de la forêt ou du milieu rural, mais qui a de plus en plus besoin de prendre l’air à la campagne. Les risques que des chasseurs rencontrent ces promeneurs est donc plus grand. D’où la nécessaire codification des usages de la nature.
Nature qui, contrairement aux idées reçues, n’appartient pas à tout le monde. 80% des forêts de France sont privées. Pour y chasser, nous devons donc demander une autorisation aux propriétaires. Les textes sont formels : “Nul ne peut chasser sur un territoire sans le consentement de son propriétaire”. A la différence des autres usagers de la nature, qui pour la plupart ignorent qu’ils évoluent sur les terres de quelqu’un quand ils partent en forêt. Personne ne demande la permission pour aller ramasser des champignons, des châtaignes ou autres mûres. Si la loi voudrait que toute personne qui pénètre sur une propriété privée doive en demander l’autorisation, il est d’usage commun de ne pas le faire pour une simple promenade ou pour ramasser les “menus produits forestiers”. Un fonctionnement qui demande un effort de tous pour une bonne cohabitation.
En parlant de cohabitation, une application va être mise en place pour connaître les zones et les horaires chassés, justement pour assurer le partage des espaces. Qu’en pensez-vous ?
Dans l’Hérault nous disposons déjà d’une application en cours de test. Mais ce dispositif sera d’autant plus efficace si tout le monde utilise le même. Cette initiative est donc une bonne idée, surtout pour les “usagers de la nature isolés”, ceux dont on dit qu’ils pratiquent le hors pistes. En effet, s’il est possible de discuter et de convenir de bonnes pratiques et de partage de l’espace avec des organisations et des associations, le citoyen seul s’affranchit des codes. Lorsqu’une famille décide d’aller ramasser des champignons un dimanche matin, elle n’a pas d’itinéraire défini, pas de déclaration à faire… Personne ne sait où elle va ni quand. C’est avec ce type de “promeneurs” qu’il est compliqué de codifier les pratiques. D’ailleurs, certaines sociétés de chasse ont décidé de ne plus chasser durant les périodes de grandes pousses de champignons, la probabilité qu’un individu se retrouve au milieu des chasseurs étant trop importante. Et c’est justement dans ce type de situation que l’application s’avèrera utile. Elle sera facile d’accès et tout le monde pourra ainsi consulter les temps de chasse et adapter ses sorties en conséquence.
« Les cotisations des chasseurs vont sûrement augmenter »
La plupart des mesures n’étant que l’uniformisation de pratiques qui ont déjà cours, ce plan va-t-il changer quelque chose pour les chasseurs ?
Effectivement, de nombreuses fédérations ont déjà mis en place la majorité des consignes, mais celles ne l’ayant pas fait vont devoir se mettre à jour. En revanche, ce plan intensifie les formations de manière conséquente. Formation qui sont financées par les chasseurs, au travers de leurs cotisations. Ces dernières vont donc sûrement augmenter.
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