Dans le Tarn, un atelier de maroquinerie fabrique des sacs à main… en peau de raisin pour Lérisa, une marque parisienne. Cette dernière a fait le choix de cette matière végétale pour ses nombreux avantages comparé au cuir.
Des sacs à main en peau de raisin ; Cela peut sembler surprenant, mais c’est bien ce que fabrique un atelier situé près de Graulhet dans le Tarn. Il y a deux ans, il ne confectionnait pourtant que des produits en cuir. C’est Elsa Ritter, fondatrice de la marque de maroquinerie Lérisa à Paris, qui l’a conduit à utiliser cette matière végétale. « Il me tenait très à cœur de fabriquer en France et je savais que Graulhet est reconnue pour être la capitale française de la maroquinerie, avec une histoire qui remonte à plusieurs siècles. Après quelques recherches, j’ai découvert l’atelier et son savoir-faire traditionnel », explique cette passionnée de mode, totalement autodidacte.
Séduite par le travail de l’atelier, Elsa Ritter prend contact avec le gérant. « Il a été très ouvert sur le fait d’utiliser de la peau de raisin », rapporte la jeune femme de 28 ans. Elle lui envoie alors des échantillons de la matière végétale et les croquis de ses sacs, dessinées par ses soins. « Comme les artisans ne travaillaient que le cuir jusque là, il y avait quelques tests à faire. Mais grâce à leur expertise, nous avons pu créer un premier prototype. Ils sont très talentueux et ont une maîtrise d’assemblage et de couture incroyable », souligne Elsa Ritter. Désormais, l’atelier fabrique à la main tous les sacs en peau de raisin de la marque parisienne.
Si la jeune femme a choisi cette matière pour le moins originale, c’est pour plusieurs raisons. « J’étais à la recherche d’alternatives au cuir. Mais le “cuir” d’ananas, de pomme ou de cactus ne me convenait. J’ai alors découvert la peau de raisin et j’ai été bluffée par sa texture, sa souplesse, sa résistance et sa durabilité. D’autant que contrairement au cuir, elle est économe en eau, en énergie et ne nécessite aucun produit chimique toxique », assure Elsa Ritter qui fait appel à Vegea pour se fournir en peau de raisin. Basée en Italie, cette startup la fabrique à partir des résidus de l’industrie vinicole, c’est-à-dire la peau, les pépins et les tiges de raisin.
« Vegea est en partenariat avec des viticulteurs italiens. Elle récupère auprès d’eux le marc de raisin, puis le déshydrate et le broie pour le réduire en poudre. Cette dernière est ensuite incorporée à de l’huile végétale et de polymère à base d’eau pour solidifier la matière. On obtient ainsi une pâte qui est teintée selon la couleur voulue puis étalée sous forme de larges bandes pour être séchée. Les artisans de l’atelier se servent ensuite de cette matière pour réaliser nos produits », détaille la jeune femme. Pour donner un ordre d’idée, la fabrication d’un sac à main de Lérisa nécessite 2,5 kilogrammes de marc de raisin, soit sept pieds de vigne en moyenne.
Outre la peau de raisin, la marque utilise un tissu en polyester recyclé fabriqué à partir de déchets plastiques collectés dans les océans pour la doublure de ses produits, de la corde en chanvre pour les lanières, de la colle végétale et une bande textile, aussi en polyester recyclé, pour la fermeture à glissière. Et ce, afin de proposer des sacs à main éco-conçus. « Selon un audit de Carbonfact (qui permet aux marques de calculer l’empreinte carbone de leurs produits, NDLR) notre sac à main émet 67% de CO2 en moins qu’un produit comparable en cuir ou en plastique », se félicite celle qui a créé sa marque fin 2020 et ainsi pris un virage à 180 degrés dans sa carrière.
Elsa Ritter était effectivement dans le milieu de la restauration avant de rejoindre le monde de la mode. « J’ai fait des études en école hôtelière, puis des saisons à Courchevel, Saint-Tropez, Genève et Paris, notamment. Je travaillais dans un restaurant trois étoiles avant le confinement », indique-t-elle. Confinement qui met justement à l’arrêt le secteur de la restauration. Ce qui pousse la jeune femme, issue d’une longue lignée de restaurateurs, à se questionner. « J’aimais beaucoup ce métier, mais je n’étais pas passionnée. Alors que par la mode, si », confie Elsa Ritter qui décide donc de lancer Lérisa quelques mois après le début de l’épidémie.
Sa marque, la jeune femme, qui est épaulée par son conjoint toulousain dans cette aventure professionnelle, l’a voulue « à impact positif ». « Pendant le premier confinement, j’ai pris conscience de l’impact de la mode et de la production du cuir sur les humains, les animaux et la planète », souligne-t-elle avant d’ajouter : « Comme j’ai toujours eu envie de créer une entreprise, je me suis lancée avec l’objectif d’apporter une pierre à l’édifice face aux enjeux environnementaux ».
En plus de ces derniers, Lérisa propose des pochettes et bandoulières en peau de raisin qui sont tous disponibles à l’achat en ligne ou dans différents points de vente, notamment un hôtel et un domaine viticole, en France et au Luxembourg. Et les produits de Lérisa attirent. « De plus en plus de personnes veulent consommer différemment », constate la jeune femme qui prépare la sortie d’un tout nouveau modèle de sac à main. « Il devrait être commercialisé à la fin de l’année ou l’année prochaine », annonce-t-elle. Le sac à main en peau de raisin a donc de beaux jours devant lui…
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