Fondée par Marie Clerivet et Roland Bugat, deux professionnels de santé aujourd’hui à la retraite, l’association Égrégore a pour projet de réunir 16 séniors autour de l’achat d’un habitat groupé aux alentours de Toulouse afin d’y vivre en toute autonomie jusqu’à la fin de leur vie.
« La vieillesse est surmédicalisée », déplore Marie Clerivet, accompagnée de son conjoint, Roland Bugat. Ils travaillent aujourd’hui sur un projet d’achat groupé d’un grand bien immobilier dans lequel 16 séniors, seuls ou en couple, vivront en toute autonomie jusqu’à la fin de leur vie. Tous deux se considèrent comme des « jeunes vieux », âgés de plus de 70 ans. Elle, a dirigé pendant plus de 20 ans un service d’aide et de soin à domicile. Lui, a exercé en tant qu’oncologue et professeur de médecine à l’Université Paul Sabatier de Toulouse. Ils partagent une vision claire : « la vieillesse n’est pas une maladie ». « Pourtant, les vieux sont progressivement exclus de la vie active et perdent leurs droits sociaux à partir du moment où ils partent à la retraite. Il est désormais temps de lever un tabou », déclare Roland Bugat.
Pour mener à bien leur projet, Marie Clerivet et Roland Bugat ont créé une association au mois de février dernier, nommée “Égrégore”, qui signifie unir plusieurs individus autour d’un même objectif. Un nom qui fait donc écho à l’esprit du collectif de séniors. Celui-ci consiste à vivre ensemble au sein d’une grande résidence, dans laquelle chaque membre de l’association est propriétaire de son propre appartement. La transaction se fera sous la forme d’un achat en société civile immobilière.
Pour l’heure, les porteurs du projet sont encore à la recherche du bien idéal. Mais ils ont d’ores et déjà une idée bien précise de ce que doit être cet habitat. La surface totale du bâtiment devra approcher les 1 000 mètres carrés. Avec la possibilité, à l’intérieur, de créer une douzaine d’appartements. Ceux-ci varieront entre 60 mètres carrés pour les personnes seules à 90 mètres carrés pour les couples. Selon les estimations de Marie Clerivet et Roland Bugat, le prix à l’achat de chaque bien s’élèvera à 270 000 euros, rénovations et équipements compris.
Le but est également de pouvoir créer plusieurs espaces communs dans le bâtiment. À l’image d’une cuisine et d’un grand salon dans lesquels les séniors pourront se réunir, même s’ils disposent de tous les équipements nécessaires dans leurs habitations individuelles. Aussi : une bibliothèque, un home cinéma, une salle de sport ou encore un bassin de nage.
Le jardin sera collectif. « Pour son aménagement et son entretien, nous avons pensé à faire appel à une association d’insertion, afin d’accentuer l’aspect intergénérationnel du lieu. Pour le reste, la gestion se fera très naturellement, chacun pourra planter des fleurs à sa guise », explique Marie Clerivet. L’objectif est que le bien immobilier soit installé dans un cadre calme et naturel, sans trop être éloigné de toutes les commodités. « Nous cherchons à acheter dans un rayon d’une cinquantaine de kilomètres autour de Toulouse, pour développer ce projet d’habitat pour séniors et bénéficier d’un accès rapide aux structures médicales et hôpitaux en cas de besoin », précise l’ancienne cadre sociosanitaire.
« Je n’ai pas peur de le dire, nous souhaitons créer un service haut de gamme, concurrentiel avec ce qui est proposé en Ehpad. Sauf qu’ici, nous serons heureux », sourit-elle. Du personnel sera présent sur place « non pas pour nous aider à mourir, mais bien à préserver notre autonomie », renchérit Marie Clerivet. Comme un cuisinier pour préparer de grands repas le dimanche, un coach sportif qui viendra deux fois par semaine, une aide ménage, un intendant, un chauffeur, un psychologue, un socio-esthéticien présent deux heures tous les quinze jours, etc. Le tout, pour 700 euros de charge par mois.
« Les services proposés dans les Ehpad ou les résidences séniors ne sont pas à la mesure de ce que nous souhaitons. Ce que nous voulons, c’est décider par nous-mêmes de notre futur », insiste Marie Clerivet. Tout comme son conjoint, elle pense qu’il est entièrement possible, voire préférable, de vieillir de manière saine et autonome sans avoir quotidiennement recours à une assistance médicale. « Ce n’est pas parce que nous avons quelques problèmes de santé que nous sommes fragiles. Ce qui nous fragilise, ce sont l’isolement, les mauvais services rendus par les soins à domicile – même si certains professionnels font très bien leur travail, tient-elle à préciser – ou encore l’enfermement dans les Ehpad, qui a d’autant plus été mis en lumière par l’épidémie de Covid-19, durant laquelle des personnes âgées se sont laissées mourir de solitude », regrette-t-elle.
Dans ce nouvel habitat groupé, il n’en sera rien. L’objectif est que les retraités veillent les uns sur les autres et fassent appel à des professionnels de santé libéraux qu’en cas de besoin. Les frais engendrés par ces services pourront être compris dans les charges, qui augmenteront en conséquence. Le but est également que les résidents continuent à alimenter leurs vies sociales, par le biais de moments d’échanges, d’entraide ou de rencontres avec les familles des autres propriétaires. D’ailleurs, un appartement supplémentaire est prévu pour l’accueil de l’entourage des habitants.
Pour l’heure, une dizaine de personnes se sont déjà portées volontaires pour participer au projet d’achat groupé avec Marie Clerivet et Roland Bugat. Il reste donc encore quelques places. « Nous tablons sur un aménagement d’ici deux ans », se réjouit la fondatrice de l’association. À savoir que, comme un achat classique, les familles des propriétaires héritent du bien à son décès. Mais l’appartement ne pourra être conservé. Il devra être revendu à d’autres personnes âgées cooptées par l’ensemble des membres de l’association. Et ainsi de suite.
Infos pratiques : Association Égrégore : habiterautrement.egregore@gmail.com ou 06 09 14 61 86.
Commentaires