La deuxième édition du Camp Climat, qui se tient du 5 au 10 août 2021 à la Maison de l’Économie Solidaire de Ramonville, près de Toulouse, propose des formations sur les stratégies de mobilisation et d’actions non-violentes pour faire face à la crise climatique. Ariane Laude, qui fait partie de l’équipe organisatrice, nous explique les tenants et aboutissants de la lutte environnementale telle qu’elle est menée de nos jours.
Pourquoi forme-t-on des militants écologistes ?
Sur le Camp Climat, les collectifs organisateurs de la lutte sur la question de l’écologie, à savoir Alternatiba, ANV COP21, les Amis de la Terre et les Désobéissants Toulouse, souhaitent apprendre aux militants a organiser un collectif, mener des actions de désobéissance civile ou encore communiquer autour de ces actions. Pourquoi ? Parce que nous vivons une urgence climatique, et que nous payons les conséquences du dérèglement climatique. Nous constatons qu’au niveau politique, rien n’est fait ou les actions menées par les dirigeants sont anecdotiques. Aucune action ambitieuse n’est concrétisée. Pire, les politiques menées sont dangereuses pour le réchauffement climatique. Nous avons la volonté d’agir à travers ces mouvements de lutte et de renverser la vapeur. Nous voulons faire en sorte que la France respecte l’accord de Paris, qui vise à limiter le réchauffement climatique à 1,5°.
A quoi se prépare-t-on ?
La question du climat va à l’encontre des intérêts des politiques et des multinationales, qui ne font rien pour endiguer le dérèglement climatique. Plus le temps avance, et plus la situation s’aggrave, car nous n’observons aucun changement de direction. Nous nous préparons pour que de nouvelles mesures soient mises en place, mais nous sommes conscients que nous entrons dans un rapport de force qui est de moins en moins en notre faveur et qui va s’accentuer. Pour donner des exemples concrets, concernant les dernières actions autour de la loi climat, les propositions apportées par la convention citoyenne pour le climat n’ont pas été acceptées, la loi a été sabordée. En tant que militants, nous avons mené des actions de recouvrement dans les permanences de députés, des campagnes contre la Société Générale pour qu’elle retire ses financement d’un projet de gazoduc aux États-Unis, et nous avons demandé un moratoire sur l’ouverture de nouveaux entrepôts logistiques d’Amazon.
Pourquoi s’orienter vers des actions de désobéissance civile ?
Nous choisissons des actions de désobéissance civile pour être entendus, et pour créer un rapport de force. Nous restons non violents car nous souhaitons être un mouvement de masse, démocratique, qui ait de l’ampleur. C’est, selon nous, le seul moyen de se faire entendre. Parfois, lorsque l’on reste dans les moyens légaux de contestation, on n’a pas d’impact. Pour nous, il s’agit d’une situation d’urgence et d’opposer une résistance à une machine folle lancée dans sa course. Nous ne sommes plus dans des temporalités où l’on peut y aller doucement avec des négociations.
La lutte environnementale est-elle une lutte confrontée à la violence ?
Dans certains pays d’Amérique du sud ou centrale, de nombreux militants écolos finissent par se faire assassiner. Ils luttent contre les intérêts de très grosses entreprises, dans des contextes politiques plus tendus qu’ici en France. Comme dans n’importe quelle lutte, quand on va à l’encontre des intérêts des puissants, on est confrontés à la violence. Le contexte politique est certes plus apaisé en France, mais nous pouvons citer le triste exemple de Rémi Fraisse, le jeune militant pacifiste tué par la grenade offensive d’un gendarme en 2014 à Sivens, dans le Tarn. Les derniers temps, il a été énormément question de violences policières. Selon moi, cette violence n’est pas propre aux seules luttes environnementales. Plus le contexte social se tend, plus la réponse en face devient violente.
Dans quelle mesure les actions militantes peuvent être “traumatisantes” ?
Nous tentons d’apprendre aux militants comment interagir avec la police ; il faut savoir que dans les actions de désobéissance civile, un interlocuteur dédié a pour mission de discuter avec la police. Il s’agit aussi d’anticiper les actions des forces de l’ordre, ou dans le cas où des actions sont menées dans une entreprise, comment faire de la médiation, en faisant redescendre les tensions avec les salariés pour éviter des traumatismes. Nous pouvons en effet faire face à un salarié en colère ou en panique, et cela peut être extrêmement déstabilisant. Nous tentons donc de donner des outils sur la manière d’interagir, pour que les gens comprennent pourquoi on est là. Lors d’une action dans une agence du Club Med concernant la nécessité de diminuer le trafic aérien, nous avons fait une mise en scène et distribué des tracts. Nous sommes entrés dans l’agence pour prévenir les salariés, et l’une d’entre eux était en panique et se sentait en insécurité ; elle avait peur que l’on brise les vitrines… Nous nous devons de prévenir, de temporiser, d’expliquer ce qui se passe, pour sécuriser tout le monde et que ça se passe bien. La personne en médiation doit pouvoir faire face à ce genre de situation.
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