Pour y protéger la biodiversité, on ne peut pas se contenter de verdir la ville. La tâche des urbanistes et des architectes est bien plus complexe. Philippe Clergeau, professeur d’écologie au Muséum national d’histoire naturelle de Paris, présente sa vision d’une ville durable.
Murs végétaux, platanes, squares, plates bandes et toitures de sedum (une plante très vivace), les municipalités et les promoteurs se sont mis au vert. Une tendance de fond louable mais sans doute insuffisante : « Il s’agit encore de monocultures urbaines, un modèle qui nous expose aux accidents sanitaires ou climatiques », prévient Philippe Clergeau. « La biodiversité, par la multiplication des espèces et par les relations que celles-ci nouent, est la seule solution pour une ville durable. »
Pour le professeur en écologie au Muséum national d’histoire naturelle de Paris, il faut aussi revoir notre manière de construire : « Avant de savoir combien de logements ou de places de parking il devra dessiner, l’architecte doit d’abord se demander où l’on peut implanter du bâti au sein du non-bâti et comment évoluera le site dans le temps et son écosystème. »
Il peut aussi laisser faire le hasard écologique en concevant des édifices plus flexibles, telle l’école du Trapèze, inaugurée en 2014 à Boulogne-Billancourt, dont les interstices de la façade sont destinés à la faune et à la flore : « Il s’agissait de rendre la peau du bâtiment plus accueillante. Cela a fonctionné, dès la première année, des dizaines d’espèces de plantes et d’oiseaux s’y sont installées spontanément », souligne l’expert.
En urbanisme, les choses prennent plus de temps, chaque nouvelle orientation devant être intégrée dans un Plan local d’urbanisme. « Nantes, Strasbourg ou Gennevilliers ont inscrit dans leur règlement la nécessité d’une continuité écologique. Ces mairies rachètent des zones entières pour créer des corridors verts, afin que les espèces prolifèrent sans avoir à traverser la rue ! » Une planification écologique qui demande l’entente et la collaboration de tous les corps de métiers.
Modèle en la matière, Barcelone vient de se doter d’un service municipal d’écologie qui réunit des experts de l’urbanisme, de la mobilité, des espaces verts et de la biodiversité. Philippe Clergeau a connu une telle symbiose en travaillant pendant quatre ans, au sein d’une équipe de sept personnes à compétences différentes mais complémentaires, sur un projet de rénovation des quartiers toulousains du Mirail et de Saint-Simon, qui n’aura finalement pas vu le jour.
Le professeur s’étonne d’ailleurs que l’écologie ne soit pas enseignée dans les écoles du paysage ou d’architecture et insiste sur le besoin de formation des acteurs de l’aménagement, à commencer par les directeurs généraux des services de l’État qui occupent une place centrale dans le processus de prise de décision urbanistique. « Il faut former à tous les niveaux, car dans notre culture du propre et de l’immédiateté, la nature en ville, trop exubérante, n’est pas toujours bien comprise. »
Bio : Philippe Clergeau est professeur d’écologie au Muséum national d’histoire naturelle de Paris et consultant en écologie urbaine. Ses recherches sont ciblées sur les constructions des biodiversités en ville.
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