La Zone à faibles émissions (ZFE) de Toulouse sera lancée le 1er mars prochain. Une date enfin arrêtée, qui vient mettre un terme à plusieurs mois d’attente. Calendrier, dérogations, sanctions, périmètre, François Chollet, vice-président de Toulouse Métropole, en charge de l’écologie, revient sur toutes les interrogations concernant le dispositif.
François Chollet, la Zone à faibles émissions (ZFE) va être lancée le 1er mars prochain, suite à la publication du décret ministériel. Pourquoi avoir attendu sa parution, à l’inverse de villes comme Paris, Lyon, Strasbourg ou encore Grenoble ?
Il était pour nous capital d’assurer la consolidation juridique de la ZFE. En effet, des questions concernant la signature du décret et l’étude d’impact subsistaient. Dans la mesure où le processus était engagé avant la parution du décret, la loi précise désormais qu’il doit être mené jusqu’à son terme. Ainsi, l’étude d’impact, qui figurait dans notre dossier, mais que nous n’avions pas intitulé comme telle, sera celle qui fera foi.
En revanche, concernant la signature de l’arrêté lançant la mise en œuvre de la ZFE, ce ne sont pas les trois maires des communes concernées par le dispositif (Toulouse, Tournefeuille et Colomiers) qui parapheront comme initialement prévu, mais bien Jean-Luc Moudenc, président de Toulouse Métropole, seul.
Ayant ainsi obtenu des réponses à nos interrogations, nous pouvons officialiser l’entrée en vigueur de la Zone à faibles émissions.
Justement, en détail, pourriez-vous rappeler le calendrier, que l’on sait progressif ?
L’année 2022 concerne les poids lourds et les fourgonnettes : au 1er mars, les non classés et Crit’air 5 ne pourront plus circuler dans Toulouse, et au 1er septembre, cela sera étendu aux Crit’air 4. À partir du 1er janvier 2023, tous les véhicules non classés, Crit’air 5 ou 4 seront également dans l’impossibilité de rouler dans la Ville rose. Puis, au 1er janvier 2024, seuls les véhicules Crit’air 0, 1 et 2 pourront circuler. La ZFE sera alors totalement effective.
Dans cette ZFE dont le périmètre sera interdit aux véhicules les plus polluants d’ici 2024, quelles dérogations s’appliqueront ?
Il existe deux types de dérogations. Les nationales, sur lesquelles nous n’avons pas la main, comme celles concédées aux véhicules d’intérêt général, ceux de la police, du ministère de la Défense… Et celles que nous pouvons donner, en local, pour une durée maximale de trois ans, comme pour les véhicules de collection. Ces dernières sont le résultat de concertations, que nous menons auprès des Toulousains, des professionnels (artisans, fédérations de travaux publics, du bâtiment…) des responsables d’associations, depuis 2019. Avec eux, nous avons réfléchi à un aménagement le plus satisfaisant possible, en sachant que nous devons tenir compte des difficultés de chacun, sans pour autant dénaturer la ZFE. Tout l’enjeu est de trouver le meilleur compromis. Tant que l’arrêté n’est pas signé, ces discussions sont en cours. Et tant que tout n’est pas complètement arbitré, je ne rentrerai pas dans le détail.
Plusieurs de ces dérogations vous ont été soumises en concertation justement. Certaines ont-elles été rejetées catégoriquement ?
Nous en avons étudié plusieurs, notamment celle d’un possible statut de véhicules ‘’loisir’’. Il s’agit de voitures anciennes (plus de 20 ans), n’étant pas des véhicules de collection, qui roulent peu, et n’ayant pas un impact sur la pollution très important. Nous travaillons encore sur cette potentielle dérogation.
En revanche, celle concernant les exemptions horaire n’est plus à l’ordre du jour. Aucune ZFE, à part Paris, n’a retenu cette option. À Toulouse, et partout ailleurs, le dispositif est actif 24 heures sur 24. La modélisation de l’agence de surveillance de la qualité de l’air, Atmo Occitanie, démontre qu’une telle décision ferait perdre 30 % de l’efficacité du dispositif.
Pour toutes les autres, nous sommes encore dans une phase d’arbitrage, qui prendra fin au 1er mars.
« Les exemptions horaire ne sont plus à l’ordre du jour »
Quid des touristes ou des conducteurs qui transitent par Toulouse ?
Le périmètre de la ZFE excluant le périphérique maintient la possibilité d’un transit par la rocade Est. Ainsi, tous les véhicules pourront continuer de traverser Toulouse, sans y pénétrer. Quant aux personnes qui souhaitent visiter la Ville rose, aucune dérogation n’est prévue. Tous les Français connaîtront ce dispositif, déployé dans 43 villes du pays. D’ailleurs, les modalités y seront les mêmes partout, excepté le périmètre, spécifique à chacune d’entre elles.
Ils seront informés du périmètre, comme tout un chacun, par des panneaux de signalisation installés aux entrées de zone. De plus, je pense que nous mènerons une campagne de communication afin que tout le monde soit informé de ce dispositif et de ses modalités.
La ZFE de Toulouse est-elle particulière par rapport au dispositif mis en place dans d’autres villes ?
Ce qui caractérise notre dispositif est la largeur du périmètre, qui concerne 430 000 habitants et comprend toute la ville de Toulouse approximativement. Le résultat d’une volonté politique, mais également du contexte géographique et de la densité de population. Nous avons souhaité une ZFE progressive, efficace et accompagnée.
Qu’entendez-vous par « accompagnée » ?
D’abord, nous avons dialogué avec les particuliers, les lobbies, les associations, les professionnels. Mais aussi, nous avons créé des primes, en amont, pour aider les Toulousains à se mettre en conformité. Ces dernières sont effectives depuis fin 2020, et cumulables. Elles permettront aux plus précaires de pouvoir acheter des véhicules moins émissifs, plus récents. Je précise d’ailleurs que ceux-ci ne doivent pas forcément être électriques. En 2021, plus de 70 % des personnes qui ont bénéficié d’une prime pour changer de véhicule disposaient de faibles revenus. Ainsi, l’objectif de ces aides est atteint.
« Si des difficultés sont constatées, il y aura des réflexions internes »
Certaines difficultés ont été identifiées et discutées en amont de la mise en place de la ZFE, donnant lieu à des réajustements. Sera-t-il possible de modifier les modalités du dispositif après le 1er mars, à l’usage ?
Un comité de suivi a été créé. Il aura deux objets. D’abord, celui d’analyser l’efficacité de la ZFE sur la qualité de l’air. Ensuite, d’identifier les difficultés qu’elle génère, d’observer son acceptabilité. Si des difficultés sont constatées, il est clair qu’il y aura des réflexions internes…
Ces réflexions peuvent-elles concerner le périmètre, qui malgré sa validation définitive, fait encore débat ?
Il ne changera pas. Au départ, nous avions plusieurs hypothèses de périmètre. Il était même question de n’y inclure que le centre-ville. Mais, l’objectif de cette ZFE étant d’améliorer la qualité de l’air en son sein, seuls les habitants du centre auraient alors pu bénéficier de cet apport. Dans un secteur où l’air est finalement peut-être le meilleur initialement, car la présence de la voiture y est déjà réduite. Si nous nous étions limités à ce périmètre, notre projet n’allait toucher qu’une faible partie de la population.
C’est donc la possibilité d’offrir une meilleure qualité de l’air au plus grand nombre de personnes, qui nous a motivé à élargir la zone. D’autant que nous comptons 8 000 Toulousains qui vivent en permanence avec une pollution supérieure au seuil maximum.
Pourtant, ces mêmes Toulousains qui jouiront des apports de la ZFE ne sont pas unanimes quant au rapport bénéfice-contraintes… De même que certains élus…
Ce n’est pas le cas de tous. J’ai assisté à plusieurs réunions de quartier dans lesquelles les gens qui vivent près de la rocade Ouest en particulier sont heureux de l’arrivée de ce dispositif. C’est l’endroit où il y a le plus de pollution à Toulouse, et où la menace sur la santé humaine est la plus importante. En comparaison, la rocade Est est bordée d’espaces peu urbanisés. Ce qui n’est pas le cas du périphérique Ouest. Cette portion, comprise entre les 7 Deniers et l’avenue de Muret, fait courir un risque à la population. Et c’est pour cela que nous l’avons inclus dans le périmètre définitif. Cela a un effet maximalisant sur l’efficacité de la ZFE.
« Les gens qui vivent près de la rocade Ouest sont heureux de l’arrivée de ce dispositif »
Quid du report des véhicules polluants qui devront éviter la rocade Ouest ?
C’est un point important, qui a été modélisé par des études réalisées par l’Agence d’urbanisme et d’aménagement de Toulouse (AUAT). Il y aura effectivement un report, mais celui-ci reste acceptable. J’ajoute que l’amélioration de la qualité de l’air à Toulouse n’implique pas une détérioration dans les communes avoisinantes, au contraire. D’ailleurs, tous les maires des 37 villes de Toulouse Métropole sont associés au dispositif et connaissent toutes les enquêtes qui y font référence. Tout le monde est bénéficiaire sur l’ensemble du territoire.
Concernant les sanctions, quelles sont-elles et comment vont s’opérer les contrôles ?
Les conducteurs des véhicules qui ne respecteront pas les modalités de la ZFE s’exposent à une amende de 68 euros, majorée en l’absence de règlement. Les contrôles, sur l’ensemble du territoire, sont réalisés par les services de l’État au travers de caméras et d’un système d’identification des plaques d’immatriculation. Il s’agit d’un dispositif spécifique de caméras fixes, qui seront installées dans des endroits stratégiques.
En outre, l’État a précisé que les contrôles débuteront en 2023. D’ici là, nous observerons une période pédagogique, puis la police municipale et nationale assurera les contrôles et délivrera les sanctions si nécessaire, jusqu’à ce que l’État prenne le relais.
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