À l’occasion du Conseil communautaire qui a eu lieu ce jeudi 20 octobre, les élus de Toulouse Métropole ont adopté la phase 2 du Plan climat air énergie territorial (PCEAT). Si la majorité concède un bilan en demi-teinte, elle estime « être sur la bonne dynamique ». Pour l’opposition, en revanche, cela ne va pas assez vite. À coup de chiffres et de comparaisons des différents projets structurants en cours, à venir ou écartés sur l’agglomération, les élus n’ont pas les mêmes interprétations…
Le conseil communautaire qui s’est tenu ce jeudi 20 octobre a été le théâtre d’affrontements, plus ou moins amicaux, entre majorité et opposition : les seconds accusant les premiers de manipuler les chiffres, les premiers défendant le bilan de leurs actions qu’ils reconnaissent en demi-teinte. Cela a notamment été le cas lors de l’adoption de la phase 2 du Plan climat air énergie territorial (PCAET) par les élus de Toulouse Métropole. En effet, conformément à la règlementation, une évaluation de ce programme avait été réalisée en 2021, à mi-parcours, ce « qui a permis d’analyser le niveau de mise en œuvre globale du Plan, son adéquation avec les trajectoires visées et d’identifier les axes d’amélioration », précise la collectivité. Pourtant, à la présentation du bilan et des projets en cours par François Chollet, vice-président en charge de l’écologie, du développement durable et de la transition énergétique, l’opposition constate que « le compte n’y est pas ».
Pour accélérer l’effort engagé par Toulouse Métropole en matière de réduction des gaz à effet de serre, la collectivité rappelle la mise en place de la Zone à faibles émissions (ZFE) depuis le 1er mars dernier. « Grâce à ce dispositif, 430 000 personnes verront la qualité de l’air s’améliorer au quotidien », se félicite François Chollet. Mais au-delà des Toulousains qui bénéficieront des effets positifs de cette mesure, l’opposition pense aux autres. « En 2024, près de 165 000 véhicules ne pourront plus circuler dans la Ville rose. Bien que la ZFE réponde aux impératifs d’amélioration de la qualité de l’air, elle ne tient pas compte de la baisse importante et récente du pouvoir d’achat des plus modestes », lance Franck Ribeyron du groupe Toulouse Métropole Solidaire de la Gauche Démocrate et Républicaine, qui craint que cette partie de la population ne puisse pas se conformer aux nouvelles contraintes.
Un avis partagé par Antoine Maurice du groupe Toulouse Métropole Écologiste et Citoyenne pour des Territoires Solidaires (MECTS), qui pressent l’avènement d’une « Zone à forte exclusion ». Celui-ci évoque une « ZFE punitive », qui n’inciterait pas à la démotorisation, comme c’est pourtant l’objectif. Il s’explique : « Vous préférez aider un peu au changement de véhicules plutôt qu’inciter au report modal en développant l’offre des transports en commun.
Excédé, François Chollet réplique : « C’est facile de dire cela en passant sous silence les bénéfices sanitaires indiscutables ! » Mais l’élu de la majorité concède toutefois que « oui, c’est vrai, cela peut être difficile de changer de voiture. » Il met alors en avant les diverses aides mises en place par la Métropole pour aider justement les plus précaires. « Des aides cumulatives, qui diminueront le reste à charge. De même, nous avons demandé un prêt à taux 0. Toutes les villes ne l’ont pas fait ! » Quant au report modal, il considère qu’il sera motivé naturellement par l’offre de transports en commun qu’il juge dynamique.
Sur le mandat, six nouveaux Linéos (7, 9, 10, 11, 12 et 14) et trois lignes express au Sud-Ouest, au Nord et à l’Ouest, ont été ou seront créés pour augmenter le maillage des transports en commun. « Sauf que vous faites le contraire de ce que vous annoncez », claque Maxime Le Texier, du groupe Alternative métropole citoyenne (AMC). Il fait référence à la version 4 de l’étude de soutenabilité budgétaire de la 3e ligne de métro à Toulouse. Dans ce document, que le Journal Toulousain a pu consulter, il est précisé que les investissements de Toulouse Métropole liés au bus seraient de 63 millions d’euros. « Or, il était question de 600 millions sur la version 2 », note l’élu d’opposition, qui s’interroge : « Comment peut-on vendre une augmentation de l’utilisation des transports en commun quand on en divise par 10 les budgets ? »
« Demandez donc aux habitants du Muretain qui vont avoir une ligne de bus en site propre s’ils estiment que l’offre de transports en commun ne se développe pas… », répond François Chollet évoquant également les 120 000 personnes qui prennent les Linéos quotidiennement et les futurs usagers de la 3e ligne de métro. Et de prendre le contre-pied en remettant le RER toulousain sur la table : attaqué sur les chiffres, l’élu en charge de l’écologie dégaine les siens : « Vous faites de ce projet la réponse à tous les problèmes, mais j’ai fait les calculs. Il ne ferait gagner que 17 kilotonnes de CO2 par an, sur les 1 200 kilotonnes qu’il faudrait encore réduire pour être dans les objectifs des -40% de gaz à effet de serre d’ici 2030. Ce n’est donc vraiment pas la panacée. » À toi, à moi ! les chiffres se répondent. Maxime Le Texier rétorque : « Quant à votre 3e ligne de métro, elle ne réduirait les GES que de 3% selon un rapport d’Atmo Occitanie (agence locale de surveillance de la qualité de l’air). »
Une réduction des gaz à effet de serre qui obnubile les élus de tous bords. D’autant que jusqu’à présent, les objectifs fixés par la loi Climat et Résilience de diminuer de 40% les GES (par rapport à 2008) d’ici 2030 sont loin d’être remplis. En effet, après un bilan à mi-parcours du Plan climat de Toulouse Métropole, la collectivité atteint seulement 9% d’économie. « Les actions de l’acte 2 du PCAET devraient permettre une diminution de 25% supplémentaires des GES », estime la Métropole, qui précise : « Ramené à l’habitant, le programme permet d’atteindre les -40% en 2030 ».
Un calcul qui ne convainc pas Maxime Le Texier : « Comment peut-on croire à une diminution de 25%, alors que nous n’étions qu’à 9% il y a trois mois et qu’aucun acte structurant n’a été mis en place ? Sans compter sur les projets mortifères que vous maintenez comme la jonction Est… » « Il s’agit-là d’une pure manipulation des chiffres en modifiant les indicateurs de départ », renchérit Antoine Maurice. « Ce n’est pas en changeant de thermomètre que l’on fait baisser la température », résume Patrick Chartier du groupe MECTS.
Devant ces attaques, François Chollet n’y tient plus et sort de ses gonds, en agitant ses dossiers : « Croyez-vous que j’avance des chiffres tombés du ciel ? Non ! Ils sont basés sur nos hypothèses de départ qui sont celles-ci :
Ça, c’est du sérieux messieurs ! » Le PCAET a été étoffé et la majorité tient à le faire savoir, en mettant fin aux « accusations de mauvaise foi ».
Sur la liste des alternatives à développer pour réduire les GES, figure notamment le vélo. Toulouse Métropole fait valoir 672 kilomètres de réseau cyclable, soit 7,9 de plus en un an (entre 2020 et 2021), ainsi que l’aménagement de plusieurs tronçons du Réseau express vélo (REV) qui comptera à terme 14 axes cyclables transversaux. « Vous intégrez ces opérations dans l’acte 2 du PCEAT mais elles ont déjà été votées lors de précédents conseils métropolitains », constate Patrick Chartier. De la poudre aux yeux pour l’opposition qui juge même que ces actions restent en deçà des promesses initiales de la majorité. « Vous vous étiez engagés à réaliser 1 000 kilomètres de pistes cyclables en 10 ans, soit une centaine par an. Entre 2020 et 2021, vous n’en avez réalisé que 9 kilomètres, soit dix fois moins que ce qui était prévu. Vous dites avoir doublé le budget vélo mais les actions sont divisées par 11… Au bout de huit ans de mandat, vous lancez à peine la concertation pour le REV. Vous ne réaliserez donc pas ce projet », scande Antoine Maurice.
De la mauvaise foi pour François Chollet qui rappelle également les travaux en cours des deux grandes passerelles, réservées aux cyclistes et aux piétons, qui relieront l’Île du Ramier à la rive gauche et à la rive droite. Elles devraient être empruntables en 2024. « C’est une excellente opération qui change la figure de la ville en matière de déplacement doux et qui fait partie aussi des nouveaux investissements », précise-t-il.
Toulouse Métropole aborde également dans le Plan climat, la consommation énergétique. Pour “consommer moins et mieux“, la collectivité prône aujourd’hui la sobriété. Ainsi, « pour économiser l’énergie à court terme, nous allons contrôler la température dans les bâtiments publics, ajuster la fréquence du métro et de Téléo, et mener des actions sur l’éclairage public nocturne », énumère François Chollet. De même, la Métropole mène des mesures de fond, comme la rénovation énergétique. En la matière, la collectivité a opté pour une stratégie de rénovation ciblée. « Il s’agit là d’une innovation. Nous n’attendons plus que les propriétaires nous contactent au travers de la Maison de l’énergie, mais nous allons vers les sites sur lesquels nous avons identifié les logements qui sont les plus énergivores. Nous avons donc priorisé certains secteurs de la métropole », précise l’élu.
« Et le bilan, c’est que la prime Eco-rénovation n’a concerné que 49 chantiers, c’est ridicule ! » peste Antoine Maurice. En entrant plus en détail dans le rapport de Toulouse Métropole, il relève que sur l’objectif de 7 500 logements rénovés par an, la collectivité est passée à 3 000. « À ce rythme-là, il nous faudra des dizaines d’années pour rénover toutes les passoires thermiques de Toulouse Métropole dont 13% des logements sont touchés par cette problématique », abonde François Piquemal du groupe AMC.
C’est justement pour augmenter la cadence que Toulouse Métropole répond par le doublement en 2022, puis le triplement en 2023 des conseillers en rénovation énergétique. « Nous atteindrons ainsi l’objectif des 7 500 logements par an rénovés. Dans 10 ans, nous aurons alors traité 70 000 logements sur les 110 000 les plus énergivores, et la majeure partie des bâtis concernés », tempère François Chollet.
Pour mener à bien toutes ces actions, jugées par les uns « efficaces », et « pas assez ambitieuses » par les autres, Toulouse Métropole en appelle à la mobilisation de tous les acteurs du territoire : les entreprises, les communes et les habitants, incités à changer leurs comportements. Mais là encore, les avis divergent. Là où la majorité voit un effort collectif, l’opposition y comprend une culpabilisation des ménages qui n’auront pas les moyens de s’adapter aux nouvelles contraintes. « C’est socialement violent de dire que les plus modestes porteront la responsabilité de ce que l’on ne parviendra pas à faire », termine Maxime Le Texier.
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