Le collectif Pensons l’aéronautique de demain, basé à Toulouse, publie son premier rapport dans lequel il liste les pistes pour diminuer le trafic aérien tout en transformant l’économie régionale pour créer des emplois.
Cela fait plus d’un an qu’ils planchent sur l’avenir de la filière aéronautique dans la région. Salariés du secteur, syndicats, étudiants, ONG, associations, scientifiques, riverains de l’aéroport…Des gens de tous horizons se sont en effet réunis au sein du collectif Pensons l’aéronautique de demain (PAD) pour porter une voix citoyenne dans le débat.
Une démarche inédite qui part d’un double constat. D’un côté la crise sans précédent que vient de connaître la filière en lien avec la pandémie de Covid-19 avec déjà près de 8000 emplois perdus. De l’autre, l’urgence du réchauffement climatique alors que les prévisions dans le secteur aérien ne font état d’une baisse des émissions de gaz à effet de serre qu’à l’horizon 2035, le temps de développer le fameux avion vert.
S’ils estiment nécessaires ces recherches sur un avion plus propre, les membres du collectif assurent que ce plan d’action est loin d’être suffisant pour que la filière aéronautique prenne sa part dans l’effort à fournir pour atteindre les objectifs évoqués par les expert du GIEC en matière de diminution des GES. “Il n’y a pas de temps à perdre pour diminuer le trafic aérien. Nous sommes conscients des impacts que cela engendrerait mais c’est une solution valable à condition qu’elle soit travaillée correctement”, avance Bruno Jougla, l’un des auteurs du rapports, membre du collectif et ingénieur dans un grand groupe de la filière.
Dans ce document de plus de 80 pages, les auteurs tiennent, par ailleurs, à anticiper toutes les caricatures vis à vis de leur démarche. “Fiers de l’apport de l’aéronautique dans la région”, ils assurent ne pas vouloir interdire le trafic aérien ni supprimer la production d’avions neufs. “Personne ne veut tuer Airbus, résume Bruno Jougla, mais cette crise peut être l’occasion de transformer le territoire en un région plus écologiste, égalitaire et épanouie”. Autrement dit, réconcilier enfin emploi et environnement dans une région hyper dépendante de l’aéronautique.
Ainsi, pour sortir de ce qui semble être une impasse depuis plusieurs décennies, le rapport évoque d’abord des pistes pour faire évoluer global dans lequel se situe l’aéronautique. “Il faut une rupture avec les codes actuels pour que cela fonctionne. Aller vers plus de sobriété, repenser la place et le partage du temps de travail et surtout la gouvernance des entreprises. Il n’est pas normal que les salariés des grands groupes de l’aéronautique n’aient pas leur mot à dire sur les grands enjeux d’avenir”, évoque Bruno Jougla.
Le rapport évoque ensuite des recommandations pour “contraindre le trafic aérien”. Plusieurs pistes sont mises sur la table : la taxation de l’aérien pour financer les investissements liés à la réduction des GES du secteur, la mise en place d’un budget carbone permettant au secteur de s’organiser autour d’un objectif annuel mesurable ou encore l’enrichissement des règlements des aéroports pour réduire les différentes pollutions.
“Diminuer l’importance du trafic aérien représente certes des contraintes mais ce que nous souhaitons mettre en avant, ce sont surtout les opportunités que cela représenterait en matière de création d’emplois de qualité mais aussi d’avancées sociales”, lance Pierre Bonneau d’Attac Toulouse, organisation membre du collectif PAD. Pour parvenir à cette transition du territoire, le rapport recommande donc des changements organisationnels de fonds avec la notamment la création d’une université de la transition écologique et des nouvelles sociétés. “La présence de l’aéronautique à Toulouse et en Occitanie n’est pas le fruit du hasard mais d’une volonté politique dans les années 50 et 60. Si cela s’est fait dans le passé, il est possible aujourd’hui de prendre de grandes décisions structurantes pour préparer la transition”, rappelle Bruno Jougla.
Enfin, au delà du long terme, le rapport liste des pistes concrètes et qui pourraient être rapidement mises en place pour initier la diversification de la filière aéronautique à Toulouse et dans la région. “Les volontés de reconversion vers la transition écologique doivent être davantage accompagnées, tandis que des dispositifs doivent-être mis en place pour soutenir les salariés de l’aéronautique qui voudraient consacrer de leur temps et de leurs compétences à la transformation du territoire”, expliquent les auteurs. Ils recommandent notamment de lancer les études de faisabilité liées aux projets “prometteurs” déjà identifiés, comme le développement d’un pôle régional du ferroviaire, la participation aux métiers agricoles en polyactivité, la valorisation des déchets de l’aéronautique (réemploi, réutilisation, réparation et recyclage) ou encore la conception et fabrication d’un smartphone garanti 30 ans.
Armé de ce premier rapport, le collectif PAD veut désormais prendre son bâton de pèlerin pour faire vivre le débat, convaincre les élus et les citoyens. Cela passera notamment par les Assises de l’aviation qui auront lieu à Toulouse du 17 au 19 décembre : “un temps de réflexion et de débats ouverts à tous parce que tout le monde est concerné par l’avenir de l’aéronautique dans la région”.
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