CITOYENS – Le harcèlement, le gaspillage, les établissements scolaires tristounets… Quand il est demandé aux jeunes élèves qui siègent au Conseil départemental des collégiens de travailler à l’amélioration de leur quotidien, ils soulèvent des thèmes concrets. Élus pour deux ans, près de 70 adolescents de Haute-Garonne veulent faire entendre leurs voix. – Charline Poullain
© Franck AlixUne fois par mois, 68 élèves issus de 34 collèges de Haute-Garonne convergent vers le siège du Département à Toulouse. Élus pour deux ans, ils développent des projets qui leur tiennent à cœur au sein de cinq commissions et se sentent investis d’une mission toute politique : « Représenter notre établissement et améliorer la vie des collégiens », dit Emma, en 4e au collège Léo-Ferré de Saint-Lys. « Par exemple, le harcèlement, les discriminations, ce sont toujours les adultes qui en parlent, on ne laisse pas la parole aux enfants », estime un jeune conseiller. À côté de lui, ses copains acquiescent.
En ce mercredi matin, la dizaine d’adolescents de la commission architecture est plongée dans la pénombre. Ils découvrent le montage de leur clip. L’œuvre s’ouvre par cette voix off : « On vit tous les jours dans des collèges et l’on nous demande rarement notre avis. On a eu deux ans pour relever le défi de développer un regard critique sur l’architecture. » Et ils espèrent bien se faire entendre, d’autant que deux architectes leur ont transmis des notions clé : « La symbolique, l’insertion dans un site, l’accès, la sécurité, la luminosité… » Un enseignement qui a porté ses fruits : « Il ne faut pas se priver de lumière naturelle », assurent les enfants. En revanche, « on a vu des trucs qui ne vont pas du tout, comme des couleurs super fluo dans les escaliers, on se sent agressé ! » Ils n’aiment pas non plus « les cours souvent grises ».
« Il est important de les former en tant que futurs citoyens, les faire devenir des personnes éclairées, informées, à qui l’on apprend à réfléchir. C’est un acte éducatif. Et ça vaut le coup d’avoir leurs idées, leur focale d’adolescents ! », rappelle Marie-Claude Leclerc, vice-présidente du Conseil départemental à l’éducation et à l’enseignement. La preuve parfaite en est la vidéo de la commission solidarité sur le harcèlement. « C’est un des sujets auxquels on a pensé tout de suite ! Y en a trop… », disent les conseillers en herbe, qui se sont mis en scène pour illustrer notamment le “happy slapping”. La pratique consiste à mettre en ligne une agression, ce qui porte l’impact bien au-delà des grilles de l’établissement. « On veut ouvrir le débat sur le harcèlement par cette vidéo », disent-ils, estimant que « les interventions des adultes ne touchent pas les élèves ». « On pense que si c’est fait par d’autres jeunes, ça les sensibilisera plus », souligne Mathéo du collège Camille-Claudel à Launaguet.
Dans une autre salle, la commission développement durable peaufine la maquette de son Livret de recettes zéro gaspi. Épaulés par les services environnement et communication du Conseil départemental, les jeunes conseillers mettent en page des recettes collectées (telle la soupe au trognon de chou). Et sur la couverture, ils positionnent la photo et le nom du parrain de l’opération: le chef étoilé Yannick Delpech. Un travail déjà primé par l’association Les Eco Maires, qui porte un regard accru sur le développement durable.
Quant à la commission citoyens de la République, elle a choisi de réaliser un clip à partir de la chanson “Je suis” des Toulousains Bigflo & Oli. Pour illustrer « toutes les couches de la société ». Ainsi pour jouer des SDF, « on a tous mis une fausse barbe », disent-ils en chœur. Inès, en 4e à Saint-Lys liste sur une feuille toutes les scènes qu’il reste à tourner : « Le prisonnier à Saint-Michel, la personne âgée seule, le réfugié, le raciste, l’étudiant… » Zoé, du collège Galilée à la Salvetat-Saint-Gilles, note au tableau les saynètes déjà réalisées : « Le SDF, le malade, la religieuse, l’homo, le stressé au travail… » Pendant ce temps, Evan, président du Conseil départemental des collégiens, fabrique un décor en disposant une table, une chaise, un téléphone.
Dans quelques mois, tous passeront dans l’hémicycle du Département pour la restitution des travaux des commissions. Comme les grands. « C’est l’apprentissage de la démocratie, avec des débats, des votes et la valorisation de projets concrets », conclut Arnaud Pinaton, directeur adjoint à l’éducation.
Commentaires