Refonte. La nouvelle Région Languedoc-Roussillon Midi-Pyrénées est née au 1er janvier 2016. Le chantier de la fusion de ces deux territoires est immense. Convergences des politiques, réorganisation des services régionaux, et des administrations … Un travail déjà entamé sur certains aspects et encore balbutiant sur d’autres. L’année 2016 va être cruciale pour l’avenir de notre région.
Par Séverine Sarrat et Coralie Bombail
L’harmonisation des politiques régionales
Depuis lundi 4 janvier, Carole Delga a pris officiellement ses fonctions de présidente de Région. Les vice-présidents sont en place ainsi que la commission permanente. Les nouveaux élus vont devoir s’atteler rapidement à un challenge de taille : construire une politique régionale unifiée et cohérente sur l’ensemble du nouveau territoire. « Sous l’ancienne mandature, nous avons établi l’état des lieux des différents dispositifs mis en place sur les deux régions, maintenant il reste à arbitrer les priorités », indique Nadia Pellefigue, vice-présidente du Conseil régional. Du côté de l’opposition, l’impatience se fait sentir : « Nous n’avons aucune piste sur la convergence des politiques, Carole Delga n’en a pas parlé lors de son premier discours », regrette l’élu républicain Vincent Terrail-Novès, « mais il faut aussi laisser le temps, nous pourrons déjà commencer à poser des questions lors de la prochaine assemblée plénière le 18 janvier. » Les nouvelles régions ont jusqu’en 2020, selon la loi Notre, pour finir ce travail, « mais l’objectif est d’aller le plus rapidement possible, tous les jalons ont été posés pour faciliter la fusion, comme par exemple l’harmonisation des dates de la fin des conventions régionales qui déterminent un certain nombre de dispositifs », précise Nadia Pellefigue. Sur le fond, Carole Delga s’est positionnée pendant la campagne sur plusieurs points. La tarification des TER, par exemple, va être un sujet important. La socialiste s’est prononcée en faveur du TER à 1€ mis en place en Languedoc-Roussillon (sous certaines conditions). Quid du Tikémouv en vigueur en Midi-Pyrénées ? Il permet d’accéder à des tarifs préférentiels sur certains trajets. La question n’est pas encore tranchée. En 2016, les conventions des deux régions avec la SNCF vont prendre fin, pour en négocier une seule au nom de la nouvelle région. Au niveau de l’aide aux lycéens, Carole Delga a également émis un avis en tant que candidate, en faveur de LoRdi, qui existe actuellement en Languedoc-Roussillon, contre L’Ordilib en Midi-Pyrénées. La différence ? Le premier permet la distribution d’ordinateurs portables gratuitement à tous les élèves entrant en seconde, le second offre une aide à l’achat en fonction des revenus des familles, pouvant aller jusqu’à la gratuité pour les plus démunis. « Généraliser LoRdi va permettre de donner aux élèves le même outil pédagogique, et l’édition de manuels numériques pourra permettre d’alléger les cartables », plaide la vice-présidente. À droite, la liste de Dominique Reynié avait prôné le maintien des deux dispositifs midi-pyrénéens, moins coûteux pour la collectivité. En matière de soutien aux demandeurs d’emploi, chaque région a mis en place des outils pour accompagner le retour à l’emploi (aide aux transports, aide aux repas…), sur lesquels il va falloir trancher. En économie, le secteur du tourisme va prendre une nouvelle tournure. La politique des « grands sites » qui valorise les sites touristiques de Midi-Pyrénées va-t-elle être étendue à toute la région ? Comment la marque Sud de France, puissante en Languedoc-Roussillon, va-t-elle évoluer ? Autant de points qui restent à affiner. Le vote du premier budget en mai prochain devrait déjà permettre de définir les premières priorités. Mais la question de la gestion de la dette va entrer en jeu. La nouvelle région doit absorber le surendettement de Languedoc-Roussillon (193 € par habitant en Languedoc-Roussillon en 2013 contre 164 € pour Midi-Pyrénées). Nadia Pellefigue se veut rassurante : « Pour les deux dettes confondues, la capacité de désendettement est estimée à 3,5 ans, ce qui est inférieur à la moyenne nationale. » La politique régionale va se construire par étapes, au fur et à mesure des années. En revanche, une des priorités de ces prochains mois va être d’acter la nouvelle organisation des services régionaux. « Il n’y aura pas de mobilité forcée d’agents, conformément pris par Carole Delga », confirme l’élue socialiste. Mais là encore, une harmonisation entre les deux anciennes régions va s’imposer : les grilles indiciaires de salaire sont différentes, tout comme la politique d’octroi de primes, par exemple. Un dialogue social sera entamé dès ce début d’année sur le sujet.
La réorganisation des services de l’État en région
Toutes les administrations étatiques à compétences régionales, notamment la préfecture, la Chambre des comptes et l’académie sont concernées par la nouvelle carte des régions. Le 22 avril dernier, le Gouvernement a nommé le préfet de Haute-Garonne, Pascal Mailhos, nouveau préfet de la région Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées pour unir au 1er janvier 2016 les annexes régionales et réformer l’architecture de l’État. Ce dernier « garantit l’équilibre territorial » en installant désormais les sièges de la direction régionale de l’emploi (Direccte), de l’environnement (Dreal), de l’agriculture (Draaf), des finances (DRFIP) et de l’Insee à Toulouse. Montpellier hérite elle, de la direction des affaires culturelles (Drac) et celle de la jeunesse et des sports (DRJSCS), mais aussi de la Chambre des comptes et de l’agence de santé qui auront fusionné. Quant à l’Éducation nationale, deux académies régionales seront conservées, les deux recteurs en étant chanceliers, mais Armande Le Pellec Muller qui a été nommée Rectrice de la région académique de LRMP coordonnera le tout. Elle sera en charge de « fixer les politique éducative, c’est-à-dire la formation professionnelle, l’apprentissage, l’orientation, la lutte contre le décrochage, l’EPLE, les services publics du numérique éducatif et l’utilisation des fonds européens. » La préfecture et le SGAR ou Secrétariat général pour les affaires régionales (état-major du préfet de région) seront maintenus dans la ville rose, Toulouse ayant été désignée capitale régionale provisoire. Mais alors l’engagement de l’État quant à la proximité de ses instances peut-il être garanti ? Pascal Mailhos répond par l’affirmative et précise que « les directions dont les sièges se situeront dans une ville seront dotées d’annexes dans l’autre. » Pourtant ce ne sera pas le cas de la Chambre des comptes, comme nous le précisait le premier président de la Cour des Comptes Didier Migaud en septembre dernier : « Il n’y aura pas de décrochements. C’est à partir du site de Montpellier que les magistrats et l’ensemble du personnel travailleront ! » Déjà, les magistrats en question craignaient un manque de proximité, en témoigne Christian Buzet, délégué local du Syndicat des juridictions financières : « En centralisant les deux institutions dans l’Hérault, on s’éloigne du terrain. Comment faire un bon suivi et contrôle dans les départements de l’Ouest de la région comme le Gers ou les Hautes-Pyrénées à partir de Montpellier ? » Toutefois, si les services doivent se réorganiser, le préfet assure que « la répartition du personnel restera inchangée par rapport à ce que nous connaissions jusque-là : 55% des effectifs seront concentrés à Toulouse et 45% à Montpellier », explique Pascal Mailhos. Mais alors, cette fusion permettra-t-elle une réelle économie financière puisque même si les services de l’État sont regroupés ou fusionnés, ils gardent des antennes locales et le personnel ne varie pas ? À cela, le préfet de LRMP oppose : « La suppression de 9 préfets au niveau national, de 72 directions régionales dont 7 pour notre seule région. De même, nous prévoyons une baisse de 2 à 3% par an des effectifs affectés au niveau régional. »
« Tous les jalons ont été posés pour faciliter la fusion »
« Maintenant il reste à arbitrer les priorités »
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