Jugé inéluctable par certains en raison de la montée en puissance des grandes agglomérations et de la nécessité de diminuer les strates des collectivités territoriales, le projet de fusion entre métropoles et départements, sur le modèle lyonnais, ne fait pourtant pas l’unanimité. Si les départements sont vent debout contre la réforme, les présidents de métropole ont, eux aussi, des doutes.
Début octobre, le président de la République Emmanuel Macron a reçu, pour la troisième fois, cinq présidents de Métropoles, dont Jean-Luc Moudenc, pour avancer sur le projet de fusion de ces grandes agglomérations avec leur département. Ces derniers verraient leurs compétences limitées aux zones rurales et aux périphéries des métropoles. À l’image du modèle lyonnais, à l’œuvre depuis 2015, l’Élysée souhaite appliquer ce mode de fonctionnement aux villes de plus de 500 000 habitants afin de mieux coordonner les politiques publiques en évitant les doublons.
Cette nouvelle réunion n’a fait qu’attiser la colère de Georges Méric, président du Département de la Haute-Garonne ainsi que de ses homologues concernés par le projet. Dès le 10 septembre, ils avaient exprimé leur opposition ferme et sollicité un rendez-vous afin de participer enfin aux discussions. Ce samedi 6 octobre, à l’occasion de l’assemblée générale de l’Association des maires et présidents de communautés de Haute-Garonne, l’élu a réitéré ses attaques contre une réforme qui créerait « un département amputé, dépourvu des moyens financiers nécessaires pour garantir la solidarité et lutter contre la fracture territoriale, alors que 93 % de son territoire est situé hors de la métropole toulousaine ». Georges Méric rappelle par ailleurs que l’accord conclu le 29 juin dernier avec Jean-Luc Moudenc avait vocation à éviter le modèle lyonnais qui consiste « à donner plus à ceux qui ont plus ». Un accord qui serait largement remis en question si la réforme venait à voir le jour.
« Mutualisation et coopération, plutôt que concentration »
De son côté, le président de Toulouse Métropole se déclare favorable à la fusion tout en exprimant quelques craintes, notamment sur le financement de l’aide sociale, compétence jusque-là exercée par le Département : « Ces dépenses ne sont couvertes qu’à 50 % par l’État. Si nous devions intégrer ce déficit social dans nos budgets, nous exploserions », estime le président de Toulouse Métropole. Une prudence partagée par son homologue bordelais Alain Juppé, qui a explicitement conditionné la métropolisation du département à la prise en charge par l’État de ces aides relevant théoriquement de la solidarité nationale.
Si les cinq départements concernés sont logiquement opposés à une fusion, la présidente de Nantes Métropole, Johanna Rolland, a elle aussi, affiché son scepticisme et a d’ores et déjà annoncé son refus d’aller plus loin dans la démarche. Elle estime que la réforme ne s’adapte pas à la singularité de la métropole nantaise, dont le modèle repose sur « la mutualisation et la coopération plutôt que sur la concentration ».
En plus d’exercer l’ensemble des compétences auparavant dévolues au Département, la Métropole de Lyon peut également agir en lieu et place de la Région et de l’État dans le cadre de délégations de compétences, comme le prévoit la loi Maptam de 2014 qui a fixé son nouveau statut. Les conseillers métropolitains sont élus au suffrage universel direct. Quand au Département du Rhône, qui se situe désormais au 53e rang français avec seulement 429 000 habitants, son budget est passé de 1,7 milliard à 511 millions d’euros. La ville de Villefranche-sur-Saône est devenue son chef-lieu, mais le conseil continue de se réunir dans ses locaux lyonnais. Pas de nouvelle préfecture non plus : le représentant de l’État reste compétent pour les deux collectivités. Enfin, celles-ci se partagent le même numéro 69.
À quoi doivent s’attendre les territoires concernés par un futur transfert des compétences départementales vers les métropoles ? Mis en place il y a trois ans, le modèle lyonnais n’a, pour l’heure, pas forcément simplifié la situation. Ni engendré d’économies, espérées à plus long terme.
C’était une première en France. Le 1er janvier 2015, avant la fusion des Régions, on réussissait enfin à supprimer une couche du millefeuille territorial avec la fusion du Département du Rhône et du Grand Lyon. Depuis cette date, la totalité des compétences exercées jusqu’alors par les deux collectivités sur les 59 communes de la métropole lyonnaise relèvent désormais uniquement de cette dernière : voirie, transports scolaires, culture, promotion internationale du territoire, politique sociale…Le nouveau Département du Rhône, lui, ne gère plus que les zones rurales et périphériques situées en dehors du périmètre métropolitain.
En plus d’éviter les doublons, le projet devait favoriser les complémentarités. « Avant, la communauté urbaine du Grand Lyon s’occupait de développement économique tandis que le département avait la haute main sur le social. Demain, un seul service gérera les créations d’emploi et l’insertion, nous serons plus efficaces », assurait à l’époque Gérard Collomb, alors président du Grand Lyon, tout en prévenant qu’il n’y aurait pas de miracle économique à court terme. La métropole devant, en effet, assumer les très coûteuses compétences départementales, notamment les charges sociales qui explosent avec la crise économique et le vieillissement de la population.
Conjugué au pacte financier signé avec l’État qui impose une limite des dépenses de fonctionnement, le phénomène diminue fortement la capacité d’investissement de la métropole. D’autant que l’impossibilité de licencier dans la fonction publique repousse à long terme les effets attendus de la mutualisation. Autre conséquence paradoxale, l’apparition de nouveaux doublons avec, pour un même service public, un guichet désormais destiné à la métropole, et un autre pour le reste du département. C’est par exemple le cas pour la direction des collèges.
De l’avis de nombreux observateurs, il est trop tôt pour juger de l’efficacité de l’opération. Quant à sa reproductibilité, ses opposants actuels rappellent que le modèle lyonnais est surtout le fruit d’un consentement entre les deux présidents des collectivités de l’époque, Gérard Collomb, pour la Métropole et Michel Mercier pour le Département. Ce dernier voyait d’un bon œil la possibilité de soulager son budget grévé par la dérive des dépenses sociales, tout en recevant de la Métropole une dotation de compensation de 72 millions d’euros par an.
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