Chaque semaine, jusqu’au premier tour des élections régionales 2021 en Occitanie, le Journal Toulousain vous propose l’interview d’une tête de liste, pour mieux connaître son programme et voter en connaissance de cause. Aujourd’hui, entretien avec Myriam Martin, tête de liste Occitanie Populaire, soutenue notamment par La France Insoumise.
Le Journal Toulousain : Comment réagissez-vous à la polémique suscitée par les propos de Jean-Luc Mélenchon qui évoque la possibilité d’« un grave incident dans la dernière semaine de la présidentielle » ?
Myriam Martin : Il ne fait que dénoncer une instrumentalisation des faits par l’extrême droite. Dont il reçoit lui-même des menaces… J’ai regardée la vidéo, diffusée sur les réseaux sociaux, de ce simulacre d’exécution d’un militant de gauche. J’ai été éberluée par tant de haine. Autour de moi, les gens sont affolés par ce climat malsain. Le débat qui est ouvert est nauséabond, les idées qui circulent terribles. Nous sommes, avec Jean-Luc Mélenchon, des boucs émissaires, ceux qu’il faut abattre à tout prix. Parce que nous sommes le seul parti à sortir du lot, à incarner la gauche de manière cohérente.
Vous-même avez été la cible de menaces ?
Oui, des courriers avec des photo-montages contre lesquels j’ai saisi le procureur de la République. Depuis l’intrusion de militants d’Action Française dans l’assemblée régionale, le 25 mars dernier, nous sommes obligés de nous tenir sur nos gardes. Il y a des membres de groupuscules extrémistes au sein même de la région, dans les rangs de Mr Garraud (conseiller régional et tête de liste RN) Ndlr.). L’un de ses conseillers, Romain Lopez a publié des tweets antisémites. Lorsque je m’en suis émue auprès de Carole Delga, celle-ci s’est contentée de me dire de saisir le procureur de la République. Elle est plus prompte à taper sur LFI que sur l’extrême droite.
Le contexte sanitaire pèse lui aussi sur votre campagne ?
En effet, nos moyens sont limités, les gens ont peur de la contamination, et les directives changent en permanence… Des directives que les maires appliquent avec plus ou moins de zèle. Comme à Moissac, dimanche dernier, où nous n’avons pas pu organiser un pique-nique en extérieur avec une vingtaine de militants, alors que nous respections toutes les mesures barrière. Il est en effet très compliqué de mener campagne dans un tel contexte. Pour tout le monde, sauf pour les sortants.
C’est à dire ?
Pour eux, cela va bien, puisqu’ils bénéficient des outils de communication de la région. Ils s’en servent et parfois en abusent. En Occitanie, tous les maires ont reçu un courrier de Carole Delga dans lequel elle explique qu’elle est la présidente idéale. Je ne comprenais pas qu’elle puisse profiter ainsi de sa position, alors j’ai interrogé le préfet, qui m’a répondu que c’était du ressort du juge des élections. Et puis, ces dernières semaines, des subventions on été votées et des budgets ont été débloqués par la Région. Comme par miracle. Les maires LFI, dans plusieurs communes d’Occitanie, me racontent qu’ils n’ont jamais vu ça ! Je trouve que la vie politique est tombée bien bas. Tant qu’elle ne sera pas suffisamment réglementée, il y aura de tels abus, qui salissent la démocratie.
Parlons économie : comment relancer, selon vous, celle de l’Occitanie ?
En la diversifiant. Notre économie est basée sur le monopole de l’industrie aéronautique. Nous voyons bien que lorsqu’elle flanche, cela déclenche des problèmes en cascade. Et il y a la question du trafic aérien, qui ne pourra plus s’accroître indéfiniment, compte tenu de la chape de plomb écologique que nous avons sur la tête. Si l’on ne réfléchit pas à ce que l’on produit et à la manière dont on le produit, alors on courre à la catastrophe. Nous devons aider les entreprises de la filière à retrouver de l’activité, en travaillant par exemple sur l’élaboration d’un avion plus propre. On peut trouver aussi des passerelles vers des activités connexes, comme l’énergie, l’éolien, le ferroviaire, l’électronique embarquée. Utiliser les savoir-faire pour des industries plus propres. Former les gens qui veulent changer de métier. Tout cela, la région peut le piloter, à travers une vice-présidence à la reconversion industrielle. Et le financer, car elle a un important levier économique. Mais le budget de la région n’est pas un tiroir-caisse. Elle doit conditionner ses aides à la préservation des emplois, avec un comité de suivi qui intègre les salariés. Ce n’est pas à eux de payer la crise.
Comment dégagerez-vous des marges financières ?
En mettant fin aux grands projets inutiles. Comme ceux de l’autoroute de Castres ou de la méga-scierie de Lannemezan. Ou encore celui de Port-la-Nouvelle, qui est une catastrophe pour les écosystème marins et qui n’a d’autre but que de multiplier les importations et exportations, notamment d’hydrocarbures. C’est aussi un gouffre financier de 280 millions d’euros. Avec une telle somme, on pourrait installer 6000 agriculteurs bio en Occitanie. Nous souhaitons aussi un moratoire sur les projets de méthanisation industrielle, qui peuvent polluer les sols et les nappes phréatiques. Nous voulons une étude d’impact qui ne soit pas réalisée par les méthaniers eux-même. On ne peut pas jouer avec la vie des gens au nom du profit. Le principe de précaution est important et la moindre des choses, lorsqu’on est élu, c’est de protéger les citoyens.
“La LGV renforcerait le déséquilibre des territoires”
Comment comptez-vous réduire le déséquilibre entre les territoires occitans ?
Aujourd’hui, on déshabille les communes rurales pour habiller des métropoles qui s’accaparent l’ensemble des activités. Une métropolisation prédatrice qui a des effets désastreux en termes sanitaire et écologique. Cela ne peut pas durer. Au risque d’avoir des problèmes concrets de ressources en eau et de foncier. Et, si l’on n’y prend pas garde, cela créera des déserts industriels et détruira les services publics dans les zones rurales. La région doit se mobiliser pour les défendre. Elle doit aussi désenclaver. Mais pas avec une LGV à dix milliards, qui obérerait les autres budgets, et dont les lozériens ou les lotois n’ont que faire. Cela renforcerait davantage encore le déséquilibre des territoires. Au contraire, nous pensons qu’il faut rouvrir les ligne abandonnées, développer les trains du quotidien et mettre en place des lignes de bus là où il n’y a pas de train. Certains projets, comme les rer urbains, doivent être lancés au plus vite, car ils sont lourds et prendront du temps.
Vous souhaitez étendre la gratuité des transports en commun à davantage de monde…
Notamment aux jeunes, aux plus démunis, ou aux chômeurs qui doivent se déplacer pour chercher du travail. La gratuité aussi à la cantine, pour tous les enfants dont les parents touchent une allocation de rentrée. Sinon, il y a des mômes qui ne mangent pas à midi. C’est une question de justice sociale.
Quelle serait votre ‘’monde d’après’’ idéal en Occitanie ?
C’est une région solidaire, qui donne des perspectives à tout le monde. Avec des activités économiques à proximité des bassins de vie. Et un accès à tous les services publics, à la santé, la culture ou l’éducation. C’est aussi une région où l’on s’alimente bien. Une région encore utopique, mais je suis certaine qu’en menant les bonnes politiques, on peut la rendre concrète.
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