À tout juste 32 ans, Laura Poillet-Perez a reçu le Prix Jeunes Talents L’Oréal-Unesco pour les femmes et la science. Cette distinction vient récompenser son travail sur les mécanismes de résistance de la leucémie aux traitements, effectués au Centre de recherche en cancérologie de Toulouse. Portrait d’une chercheuse déterminée et persévérante.
L’autophagie. Un terme barbare pour définir un mécanisme physiologique par lequel une cellule s’autodétruit, et qui retient toute l’attention de Laura Poillet-Perez, depuis sa thèse en biologie du cancer qu’elle obtient il y a six ans. Cette jeune post-doctorante du Centre de recherche en cancérologie de Toulouse étudie ce processus qui permet à la fois aux cellules cancéreuses de résister aux traitements mais aussi d’empêcher la croissance d’une tumeur. « Bien comprendre ce phénomène limiterait les rechutes et augmenterait le taux de survie des patients, particulièrement pour ceux atteints d’une leucémie », précise la chercheuse.
Un travail fastidieux, mais qui représente un réel espoir pour les malades. Car si la leucémie est une forme rare de cancer qui ne touche que « cinq à huit personnes sur 100 000 par an en Europe », comme le souligne Laura Poillet-Perez, elle reste particulièrement grave. Et c’est bien ce qui a poussé la jeune femme à concentrer ses efforts sur cette maladie. « Il existe peu de données sur le sujet et je voulais participer à les étoffer pour faire avancer la recherche et permettre d’augmenter le taux de survie des patients », explique-t-elle. Une manière « d’apporter ma pierre à l’édifice ».
Une aspiration que Laura Poillet-Perez nourrit depuis bien longtemps. « J’ai toujours voulu comprendre comment fonctionnent les choses. Et la recherche me permet d’assouvir ce besoin », note la jeune femme. La discipline lui procure une véritable forme d’épanouissement : « Mon travail a un sens. Je me sens utile. C’est cela qui me motive tous les matins quand je me lève. »
Un sentiment né d’un héritage familial. La présence de maladies auto-immunes dans son entourage proche l’a fortement influencée : « Il ne s’agit pas de cas graves, mais cela m’a donné envie de me diriger vers l’observation des pathologies, pour soulager ceux qui souffrent de manière générale. » C’est cette même logique qui l’a amenée à se spécialiser. Travailler sur le cancer lui donnant l’opportunité de venir en aide à de nombreux patients.
Et pour se donner les meilleures chances d’y parvenir, c’est aux États-Unis qu’elle part faire ses armes. Durant 5 ans, elle intègre l’équipe du Dr Eileen White dans le prestigieux Rutgers Cancer Institute of New Jersey. En plus d’y perfectionner son anglais, elle découvre une manière différente d’appréhender la recherche. « Là-bas, plus de moyens sont alloués aux chercheurs. Le travail y est par conséquent plus facile et plus rapide », constate-t-elle.
Puis, l’année dernière, c’est à Toulouse que Laura Poillet-Perez vient poser ses valises. Originaire de Franche-Comté, la post-doctorante rejoint le laboratoire Metamal (métabolisme et résistance thérapeutique dans les leucémies aiguës myéloïdes) du Dr Jean-Emmanuel Sarry. Elle y prendra d’ailleurs, en 2022, un poste de chargée de recherche.
Un contrat qu’elle a décroché à force de ténacité. D’abord, parce que le secteur d’activité est très exigeant. Et chronophage. « Il est facile de se décourager. Mais j’ai appris la persévérance dans ce métier », confie-t-elle. Un trait de caractère qui la définit aujourd’hui, mais sur lequel elle a dû travailler, « motivée par ma passion pour mon métier ». Investissement parfois même excessif. « Pendant les trois années de ma thèse, je ne faisais que ça. La recherche monopolisait tout mon temps », concède Laura Poillet-Perez.
Mais, elle a appris à relativiser. À mieux équilibrer sa vie professionnelle et privée. « L’arrivée de ma fille, il y a trois ans, m’a beaucoup aidé », lance-t-elle en souriant. Une nouvelle harmonie dont la jeune femme profite aujourd’hui. « Tout est question d’organisation. Je passe moins de temps au travail mais j’y suis plus efficace », observe-t-elle, « malgré ce que peuvent penser mes confrères masculins ! » Un sarcasme loin d’être anodin.
En effet, Laura Poillet-Perez estime avoir dû prouver sa légitimité. « En tant que femme, elle est potentiellement une future mère. Elle délaissera son travail pour sa vie de famille », pensait-on autour d’elle. Mais elle a su démontrer l’aberration de cette réflexion qui ne s’applique pas aux hommes. « Au contraire, lorsque je suis devenue maman, j’ai développé de nouvelles capacités d’adaptation, d’organisation… et j’ai gagné en performance », assure-t-elle.
Un sexisme ambiant, qui n’est pas propre au milieu de la recherche mais qui y reste très prégnant. C’est pour lutter contre ce dernier que la Fondation L’Oréal et l’Unesco ont créé le Prix Jeunes Talents pour les femmes et la science. Distinction que Laura Poillet-Perez a reçu le 7 octobre dernier pour saluer son travail. « Cette récompense permettra, j’espère, d’encourager les filles à se tourner vers la recherche et à faire reculer le sexisme », souhaite-t-elle. Elle recevra également une bourse de 15 000 euros et bénéficiera d’un programme de formation au leadership afin d’avoir les moyens de briser plus facilement le fameux plafond de verre.
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