Parmi les voix toulousaines incontournables figure celle de Stephane Iglesis qui s’est fait, pendant près de 20 ans, le rapporteur des actualités locales sur Radio France. Après 38 ans de carrière sur les ondes du service public, cet éternel correspondant vient de raccrocher le micro.
L’affaire Merah, le premier vol de l’Airbus A380, l’ours dans les Pyrénées… Pendant 18 ans, Stephane Iglesis a été la voix qui a raconté à la France entière, sur les ondes du service public, ce qui se passait à Toulouse. Correspondant local de Radio France, ce journaliste de proximité a passé 38 ans à écumer les antennes locales de cette grande maison avant de rendre définitivement l’antenne le 8 mai dernier. Une longue carrière passée au contact de ses semblables où il a pris, quotidiennement, le pouls de la société. Animé par la volonté de « mettre la lumière là où l’on n’a pas l’habitude de la mettre », Stephane Iglesis ne se destinait pourtant pas à ce métier.
« Je suis devenu journaliste par hasard », assure-t-il. Enfant plutôt turbulent qui ne « tient pas en place », Stephane Iglesis s’est longtemps rêvé instituteur ou avocat. Né à Neuilly-sur-Seine, d’un père réalisateur de télévision et d’une mère cheffe de chant, celui-ci s’engage dans des études de lettres. Mais ses parents sont réticents à lui financer un cursus dans une filière à l’avenir jugé trop incertain. Le jeune homme est ainsi contraint de trouver un job étudiant pour poursuivre son objectif. Il entre alors au journal le Figaro en tant que “garçon de bureau”.
Le poste est ingrat et la tâche rébarbative. « J’étais chargé de découper et classer les dépêches qui tombaient sur les téléscripteurs, puis de les apporter aux chefs de service ainsi qu’aux journalistes », précise-t-il. De temps en temps, il est également chargé de remplir la grille des programmes de cinéma. Jusqu’au jour où un journaliste, un peu plus curieux que les autres, s’intéresse à ce modeste employé et découvre qu’il est étudiant en lettres et qu’il a donc une belle plume. Cela tombe bien, la rédaction a besoin de petites mains pour mener à bien des enquêtes. « À tout juste 20 ans, il a fallu que je choisisse entre poursuivre mes études ou accepter un contrat au sein du magazine Figaro Télévision. J’ai signé au Figaro », se rappelle Stéphane Iglesis qui fait, ce jour-là, ses premiers pas dans une carrière qui durera 38 ans.
Au sein de la rédaction, le petit nouveau est chargé d’écrire dans la rubrique “médias”. Un poste idéal pour suivre l’éclosion des radios libres en 1981. Le journaliste débutant s’intéresse notamment à l’émergence de Radio 7, une station du service public à destination des jeunes et considérée comme l’ancêtre du Mouv’. « J’ai toujours été passionné par la radio. Petit, j’enregistrais des émissions », confie Stéphane Iglesis qui obtient un stage d’observation sur cette antenne « dynamique et très musicale ». Une première expérience au micro qui débouche sur quelques piges mais ne se traduit pas par une embauche, faute de permis de conduire. « Ça a été une bonne source de motivation pour le passer », s’amuse-t-il.
À la même époque, l’arrivée de François Mitterrand au pouvoir inquiète la direction du Figaro qui décide de liquider le supplément télé. « Dernier engagé, premier licencié », Stéphane Iglesis se retrouve contraint de trouver un autre gagne-pain. « La radio me convenait bien. Ça m’a permis de satisfaire mon besoin de bouger. Et, surtout, ce média offre une proximité incroyable », assure-t-il avant de reprendre à son compte la déclaration du journaliste Guy Sitbon : « Je ne sais pas faire grand-chose mais j’adore écouter et raconter des histoires ». Il multiplie alors les piges pour Radio France et RFM où il rédige les flashs infos, tient une chronique cinéma et anime un magasine hebdomadaire consacré aux cultures dites underground. « J’y parlais western, BD, micro-informatique et romans policiers. »
Deux ans plus tard, en 1983, son ancien rédacteur en chef au sein de radio 7 le recontacte pour lui proposer d’intégrer une antenne locale de la ”grande maison” Radio France dans le Puy-de-Dôme (future France Bleu Pays d’Auvergne). Vichy, Chalon-sur-Saône, Metz, la Lorraine… Pendant 19 ans, Stéphane Iglesis multiplie les postes de correspondant local et devient une voix récurrente sur France inter et France info. Jusqu’au jour où se présente un poste dans la Ville rose. L’occasion pour lui de se rapprocher de ses racines familiales. « Je suis un faux Parisien. La famille de mon père était cadurcienne. J’étais enchanté de m’installer à Toulouse. J’ai toujours trouvé que c’était une ville dynamique et jeune avec une composante urbaine très forte et un riche arrière-pays rural. C’était la promesse d’un terrain de jeu très intéressant et d’une actualité très variée », s’enthousiasme le journaliste.
Pendant 18 ans, jusqu’au mois de mai dernier où Stéphane Iglesis a été poussé vers la retraite suite à un plan de licenciement économique, celui-ci a chroniqué l’actualité de la région. Notamment l’affaire Merah et l’insoutenable journée de siège devant son appartement. Peut-être l’un des moments les plus difficiles de sa carrière. « C’était terrible de devoir faire un reportage à l’école où il avait assassiné des enfants puis de se retrouver sous ses fenêtres à attendre ce qui allait se passer. Cela m’est toujours très difficile d’aller chercher le ”bon son” au moment où, en tant qu’être humain, je préférerais laisser la paix aux victimes et à leurs proches », confie-t-il.
Heureusement, celui-ci garde d’autres souvenirs plus heureux. « Les premiers vols des avions d’Airbus, avec tous les passionnés présents au rendez-vous, sont toujours des moments mémorables », ajoute-t-il avant de concéder que « ce qui [l]’a le moins importé, c’est la politique ». Trop « mollassonne », convenue et fidèle à sa réputation de fief de la « politique radicale cassoulet ».
Ainsi, après une quarantaine d’années rythmée par les flashs d’informations, Stéphane Iglesis se détourne de l’actualité mais sans trahir son sens du contact, de la solidarité et de la proximité. Désormais, celui-ci s’investit dans des associations solidaires, au sein de la communauté Emmaüs et de l’association Cultures du cœur. « J’aide les compagnons et je fais des rencontres extraordinaires. J’ai eu la chance de faire ma carrière dans une maison formidable et d’avoir connu tous les patrons de Radio France. Mais aujourd’hui, je suis content de laisser la main à la nouvelle génération », révèle le jeune retraité.
Et si ses mots ne raisonnent plus quotidiennement dans le poste de radio de millions de Français, ses auditeurs reconnaissent toujours son timbre. Car, comme il le dit : « Une voix, ça ne vieillit pas. Ou moins vite qu’un visage ».
Commentaires
JPG le 22/02/2025 à 17:51
J'ai partagé la chambre avec Stéphane lorsque nous étions internes en seconde. Bien sûr, j'ai entendu de nombreuses fois sa voix au timbre reconnaissable entre cent mille. :-) Je trouve que son visage est conforme au souvenir que j'ai de lui à cette époque.