Thomas Brail lutte pour la survie des arbres depuis des années. Né à Mazamet, l’arboriste-grimpeur a fait la Une des journaux dernièrement pour avoir tenu tête au gouvernement concernant les travaux de l’autoroute A69 entre Toulouse et Castres. Sa motivation, il la puise dans le regard de son fils.
Son nom n’est pas passé inaperçu ces derniers mois. Figure emblématique de l’opposition à la construction de l’autoroute A69 entre Toulouse et Castres, Thomas Brail lutte publiquement pour la survie des arbres depuis plusieurs années maintenant. À 49 ans, il a d’ailleurs fait la Une des journaux pour avoir tenu tête au gouvernement en observant une grève de la faim pendant plus de 40 jours puis de la soif pendant quelques heures en septembre et octobre derniers. Mais cet amour pour la nature ne date pas d’hier.
Les arbres ont une place importante dans la vie de Thomas Brail. Il explique avoir un lien très fort avec ces végétaux majestueux : « Avant de grimper dans un arbre, je lui demande toujours son autorisation. » Mais d’où lui vient cette passion pour le monde végétal ? « Déjà petit, j’étais fasciné par les arbres, la forêt et la nature en général. J’ai grandi dans un village près de Mazamet, dans la campagne, loin de la ville. Du coup, je n’allais pas rejoindre les copains sur mon temps libre. J’étais plutôt seul et isolé. Et pour m’occuper je prenais mon chien et j’allais me promener dans la forêt », se souvient le défenseur de la nature.
Passionné par la nature, le jeune tarnais décide alors de faire un CAP-BEP “jardins et espaces verts” et commence par travailler à la mairie de Mazamet en tant que jardinier. Pendant 10 ans, il s’occupe des espaces verts, et grimpe de temps à autre dans les arbres, quand c’est nécessaire. Puis, il finit par quitter son poste et monte sa propre entreprise en 2012. Thomas Brail devient alors arboriste-grimpeur pour sa propre société : “Cyprès de mon arbre”. Il y perfectionne alors ses connaissances sur les végétaux en se formant auprès d’Éric Petiot, auteur et fondateur d’une entreprise de soins aux arbres, « une référence » pour le grimpeur.
Et puis, sa vie prend un nouveau tournant en 2019. Un matin, il apprend que le maire de Mazamet, Olivier Fabre, souhaite abattre neuf arbres dans la commune tarnaise. Thomas Brail les connaissait bien puisqu’il s’était occupé d’eux pendant 10 ans. Il raconte alors qu’il a tenté une première discussion avec l’édile. Mais l’issue n’a pas été celle escomptée. Quelques jours plus tard, la Municipalité a procédé à l’abattage. « Je n’ai pas réfléchi. J’ai grimpé dans les arbres et j’en ai sauvé sept », précise l’arboriste-grimpeur. Cette première action marque le début de sa lutte : « C’est viscéral chez moi ; si vous touchez à un arbre, vous me trouverez dedans. »
Son action a également été motivée par l’amour qu’il porte à son fils de deux ans à l’époque. « Je me suis tourné à ce moment-là vers mon ex-compagne et je lui ai dit : “Si je ne le fais pas, qui va le faire pour notre fils ?” » Une phrase qui l’a ensuite amené à créer le Groupement national de surveillance des arbres. Quatre ans plus tard, le GNSA compte 60 antennes en France qui luttent contre la dévastation des arbres : « Et il reste encore beaucoup de travail ! »
Aujourd’hui, Thomas Brail vit toujours sur les terres familiales. Ses parents lui ont légué une bergerie qu’il a entièrement rénovée pour s’installer de manière pérenne aux pieds de la Montagne Noire. Et autour de sa maison, des arbres bien sûr. « J’ai un potager, je gère durablement une forêt pour mon bois de chauffage, j’ai des poules, des moutons… Je vis pratiquement en autonomie alimentaire. Cette non-dépendance du système m’a toujours intéressé et plu », décrit l’arboriste-grimpeur.
Son utilisation du bois de chauffage pourrait d’ailleurs en surprendre plus d’un. Mais le défenseur de la nature justifie : « Je n’ai rien à cacher. J’ai toujours chauffé ma maison au bois. Je me bats pour les arbres, mais surtout contre le modèle de gestion en place. À l’heure actuelle, les forêts sont pillées pour des raisons économiques et politiques. Alors que pour ma part, quand je vais chercher mon bois, je ne prends que ce dont j’ai besoin et je défie quiconque de me dire où j’ai pris mes branches. C’est ce qu’on appelle gérer durablement une forêt. »
Il vit avec son fils de six ans, à qui il essaie de transmettre ses valeurs. « Nous vivons tous les deux et nous sommes très proches. Il est très curieux et attentif aux arbres. D’ailleurs, il avait déjà son baudrier à quatre ans et il montait à plus de 17 mètres de haut », sourit le grimpeur. Ce lien fort qu’il partage avec son fils est une source de motivation pour Thomas Brail, mais aussi de culpabilité. En effet, c’est dans ses yeux qu’il puise la volonté de se battre. Mais lorsque les luttes s’intensifient, le fondateur du GNSA souhaite préserver son fils. Ainsi, lors de sa grève de la faim et de la soif contre l’autoroute A69, il a préféré ne pas le voir, pour ne pas l’inquiéter au vu de son état de santé.
« Je n’ai pas mangé pendant 40 jours, je ne l’ai donc pas vu pendant un mois et demi. Et il m’a souvent réclamé et demandé pourquoi je ne venais pas le voir. C’était difficile et ça m’a un peu bloqué pendant mes actions parce que je me sens coupable de l’abandonner. Je suis un papa qui prend tous ces mercredis, week-ends et vacances pour les passer avec lui. Mais tout ce que je fais, je le fais pour lui et je sais qu’il saura le reconnaître plus tard », soupire-t-il.
Il évoque d’ailleurs sa grève de la soif, un moment intense dont il ne se souvient plus trop : « J’étais déterminé. Je n’ai pas trouvé ça difficile, mais ça aurait pu mal se passer. Deux copains étaient également sur le pont et dépendaient de ma décision. Soit j’étais narcissique, je fonçais vers mon objectif et ils y passaient, soit je prenais le compromis que le gouvernement me proposait. J’ai pris la deuxième option. » Plus d’un mois plus tard, la construction de l’autoroute entre Toulouse et Castres bat son plein. Mais Thomas Brail et les différents collectifs n’ont pas dit leur dernier mot et poursuivent la lutte contre le projet en Occitanie et tant d’autres en France menaçant la survie des arbres.
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