Première région touchée par la quatrième vague de l’épidémie de Covid-19, l’Occitanie débute la période estivale sous la menace du variant Delta. Le professeur Jacques Izopet, chef du service virologie au CHU de Toulouse, fait le point sur la situation.
Ce mardi 20 juillet, Olivier Véran, a annoncé un rebond épidémique « jamais vu » avec 18 000 nouveaux cas en 24 heures au niveau national. Qu’en est-il en Occitanie ?
Pr. Jacques Izopet. En Occitanie nous faisons le même constat d’une recrudescence des infections au SARS-Cov-2 (coronavirus, NDLR). Le nombre de nouvelles infections depuis le 14 juillet est notable. Le taux de positivité, qui s’établit autour de 10, a été multiplié par trois ou quatre entre une semaine. Si de tels taux de positivité ont déjà été observés pendant les précédentes vagues, ce qui est frappant c’est la cassure qui s’est opéré en quelques jours.
« Aujourd’hui, le variant Delta représente 90 % des nouveaux cas positifs en Occitanie »
Comment expliquer un rebond épidémique au milieu de l’été quand les prévisions envisageaient plutôt une quatrième vague à la rentrée ?
Pr. Jacques Izopet. Effectivement, nous nous attendions à un regain de l’épidémie plutôt à l’automne. Mais les virus évoluent et aujourd’hui, à la différence de l’an dernier, c’est le variant Delta qui prédomine. Or, celui-ci ne semble pas atténué par la saison. À l’heure actuelle, il représente environ 90 % des nouvelles contaminations en Occitanie.
Pourquoi l’Occitanie, plutôt épargnée jusqu’à présent, est-elle en première ligue de cette quatrième vague ?
L’arrivée de ce nouveau variant coïncide avec la levée de nombreuses mesures sanitaires et, surtout, avec les premiers chassés croisés des vacances. Cela produit un brassage de population qui favorise les contaminations. Par ailleurs, les taux de positivité sont particulièrement élevés chez les jeunes. Notamment les 20 à 30 ans qui sont très mobiles. Même si nous observons une forte hausse du taux d’incidence également chez les moins de 40 ans.
« Les trois quarts des nouveaux cas positifs ne sont pas vaccinés »
Quelle est la part de personnes vaccinées parmi les nouveaux cas de Covid-19 ?
La part des personnes ayant un schéma de vaccination complète est assez faible et représente seulement 5 % des cas positif actuellement détectés. En revanche, les trois quarts des dépistages positifs sont le fait de personnes non vaccinés. Et les 20 % restant de personnes n’ayant reçu qu’une seule dose.
Cette recrudescence des contaminations a-t-elle un impact déjà observable sur les hospitalisations ?
Nous constatons une légère hausse des admissions mais qui reste, pour l’instant, assez faible. Nous espérons que le nombre de personnes vaccinés atténue la part de formes graves chez les malades du coronavirus et qu’il y ait une déconnexion entre le nombre de contaminations et les hospitalisations qui en découlent.
« Les conditions actuelles du Pass sanitaire me paraissent adaptées à la situation »
Pensez-vous que les mesures sanitaires actuellement mises en place par le gouvernement sont adaptées à ce nouveau scénario épidémique ?
Certaines mesures barrières, comme le port du masque en extérieur, avaient été levées récemment puis ont été finalement remises en place. Je pense que ce sont des mesures de bon sens tant que nous n’avons pas atteint un niveau d’immunité collective assez important. Mais, surtout, nous ne devons pas oublier que notre meilleure arme reste la vaccination. Les vaccins ont un bonne sécurité et sont efficaces pour protéger les personnes fragiles des formes grave ainsi que réduire les risques de propagation du virus. Enfin, le troisième pilier de la protection des populations consiste à tester et isoler les personnes symptomatiques ainsi que les cas contacts.
Toulouse est une ville étudiante. Craignez-vous que le retour des étudiants, une population jeune et encore peu vaccinée, constitue une bombe épidémique au moment de la rentrée ?
Tout dépendra du taux de vaccination des jeunes que nous auront atteint en septembre. Il faut donc espérer que la prise de conscience nous permette d’accéder à un niveau de couverture vaccinale plus important. Quoi qu’il arrive, il faudra faire en sorte que les jeunes qui ne sont pas encore vaccinés puissent l’être dès leur retour.
Faut-il durcir les mesures et rendre le pass sanitaire ou le vaccin obligatoire dans les universités et les écoles ?
Je pense que les conditions actuelles du Pass sanitaire me paraissent adaptées à la situation. La conjugaison du vaccin, des mesures barrières et des campagnes de test me semblent constituer un outil approprié.
« Tant que toute la population mondiale ne sera pas vaccinée, il y aura un risque de reprise épidémique »
Êtes-vous plutôt optimiste ou pessimiste quand à l’évolution de la situation épidémique ?
Les vaccins dont nous disposons représentent un espoir fantastique. Néanmoins, ce qui pourrait nous inquiéter, c’est la lenteur du déploiement de couverture vaccinale et la part encore significative de personnes non vaccinées.
Doit-on s’attendre à voir la pandémie durer encore longtemps ?
C’est assez difficile à prédire. On peut raisonnablement considérer que s’il n’y a pas d’émergence de nouveaux variants nous pourrons en venir à bout grâce aux vaccins. Mais nous ne pouvons pas nous contenter d’une vision à l’échelle nationale. Beaucoup de pays sont très loin de nous en matière de vaccination. Or, tant que le virus trouvera des endroits de la planète où se propager, tout le monde sera sous la menace de nouveaux variants. En définitive, tant que toute la population mondiale ne sera pas vaccinée, il y aura un risque de reprise épidémique. C’est un défi global.
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