ROBINET. Les contrats de gestion de l’eau des 37 communes de Toulouse Métropole arrivent à échéance d’ici 2020. Même si la collectivité se positionne clairement pour une gestion privée plutôt qu’une régie publique, elle a lancé une étude comparant les deux scénarios. Tristan Mathieu de la Fédération professionnelle des entreprises de l’eau et Régis Taisne de France eau publique, décortiquent les deux hypothèses pour le JT. © kaboompics
Tristan Mathieu : Pour une collectivité, faire appel à une concession de service public lui donne accès à l’ensemble des services et au savoir-faire d’une entreprise dont la gestion de l’eau est le cœur de métier. En interne, elle n’a souvent pas un tel degré de maîtrise.
Régis Taisne : Le principal problème de la concession est le manque d’information. Le délégataire détient l’essentiel de la connaissance, c’est lui qui dispose de toutes les données. La collectivité n’a alors jamais la certitude qu’elle a accès à toutes les informations dont elle est censée disposer.
Tristan Mathieu : Une régie publique ne dispose pas des moyens que possède une société privée pour former et gérer son personnel. Elle n’a pas non plus la même marge de négociation que les centrales d’achats de grandes entreprises telles Véolia ou Suez. Par exemple, ces dernières achètent plusieurs milliers de compteurs chaque année ce qui leur permet de les obtenir à moindre prix.
Régis Taisne : La régie publique permet à une collectivité de piloter totalement son service : elle définit les moyens et les objectifs, elle est en lien direct avec ses abonnés. La gestion publique nécessite alors d’une collectivité une extrême implication, un projet politique fort et une grande responsabilité sur le service.
Tristan Mathieu : Pour l’usager, le jeu de la concurrence entre les entreprises privées entraîne des résultats et des performances rapport qualité-prix supérieurs à la gestion publique. Ce constat séduit aujourd’hui 600 collectivités par an. Cela s’explique par des investissements en recherche et développement réalisés par les sociétés privées, soit environ 120 millions d’euros par an. De même, la possibilité de mutualiser leurs moyens et leurs effectifs est un atout fort pour ces entreprises qui peuvent intervenir plus rapidement et plus efficacement.
Régis Taisne : Pourtant, l’Agence française pour la biodiversité affirme qu’en gestion publique, les tarifs pour l’abonné sont entre 5 et 10 % moins chers. De plus, en régie publique, le prix de l’eau sert exclusivement à financer le service alors qu’en délégation, les bénéfices sont destinés aux actionnaires des entreprises gestionnaires. À l’inverse, si la régie enregistre des profits, ils seront réinjectés dans le service pour des investissements futurs.
Tristan Mathieu : Une concession est déjà un partenariat public-privé en soi car le service, la décision des investissements, la propriété des ouvrages, les tarifs, restent publics. Seule la gestion est déléguée pour une durée déterminée. Mais, dans l’hypothèse d’une société d’économie mixte, la collectivité serait alors codécisionnaire ce qui peut être un avantage comme un inconvénient, car les responsabilités aussi sont partagées.
Régis Taisne : Personnellement, cette option me laisse dubitatif. Cela mettrait les élus dans une position schizophrénique car ils seraient à la fois représentant de l’intérêt général via la collectivité et de l’entreprise d’économie mixte en tant qu’actionnaire. Pour moi, le partenariat public-privé est un mythe.
Tristan Mathieu : Délégué général de la Fédération professionnelle des entreprises de l’eau.
Régis Taisne : Animateur à France eau publique et Chef du département “Cycle de l’eau” à la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies.
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