A quoi ressemblera le quartier de Paléficat dans dix ans ? Après plusieurs années de concertation, collectivités et habitants ne s’entendent toujours pas sur l’avenir à donner au dernier quartier rural de Toulouse.
« Concertation bulldozer », « Fini la nature » : le long du Boulevard urbain nord (Bun), les banderoles déployées par l’association Vivre à Paléficat se font remarquer. Le boulevard est pour l’instant l’un des seuls témoins visibles du nouveau visage que doit prendre le quartier dans les années qui arrivent.
Avec 6 000 nouveaux habitants à Toulouse intra-muros et 20 000 dans l’ensemble de la métropole chaque année, l’étalement urbain s’est imposé de fait, depuis une vingtaine d’années. A l’image du quartier voisin de Borderouge, sorti de terre il y a quinze ans à l’arrivée du métro, Paléficat devrait entamer sa mutation dans les prochaines années, avec la mise en place du projet Bocage Habité. 6500 logements devraient émerger, et 15 000 nouveaux habitants y poser leurs valises.
Un changement brutal et un projet démesuré pour Pascale Noirot, présidente de l’association Vivre à Paléficat : « La mairie et la métropole veulent nous mettre sur 100 hectares l’équivalent d’une ville comme Castelnaudary ou Cahors, mais ce sera une ville fantôme. Ils parlent de nature mais nous allons devenir un quartier deux fois plus dense que Le Mirail. Cela ne colle pas. »
Paléficat est aujourd’hui coupé en deux par la rocade. A l’extérieur du périphérique, des petites routes champêtres, quelques entreprises et des maisons toulousaines avec jardin. De l’autre côté de la rocade, des immeubles flambant neufs et des chantiers qui promettent de nouvelles constructions.
C’est précisément cette zone qui s’étire le long de la rue Edmond-Rostand qui a fait naître des doutes chez les habitants. Annette Laigneau, vice présidente de la métropole en charge de l’urbanisme, se veut rassurante : « Nous ne voulons pas faire un nouveau Borderouge. Notre priorité est de ne pas construire sur, mais autour de la nature, et de concentrer les habitations par exemple le long du Boulevard urbain nord, qui sera la principale artère de circulation et de transports en commun. C’est un équipement tellement structurant que je ne vois pas comment on ne pourra pas construire autour. »
Le Bun est le grand projet de transport qui devrait relier Borderouge à Bruguières, pour fluidifier la circulation du nord-toulousain. Un dossier au point mort depuis des années, freiné par des procédures judiciaires. Il ne s’étend d’ailleurs que sur quelques centaines de mètres, entre Borderouge et donc Paléficat. Le symbole de l’impréparation des collectivités dans ce dossier selon Louis Moufftard, membre de l’association de quartier : « Que nous ayons de nouveaux habitants, très bien. Mais ils ont construit le Bun. Or, aujourd’hui, c’est un projet à l’arrêt, et ils s’entêtent à vouloir construire avec un projet qui n’est pas ficelé. Des immeubles poussent d’un côté sans travaux de voirie, sans transports en commun suffisant. Ils font tout à l’envers. »
En prenant le temps de la concertation et en faisant le pari d’un aménagement sur le temps long, la possibilité de voir le projet obsolète dès sa livraison inquiète les habitants : « Ils ne se basent que sur des statistiques d’il y a dix ou quinze ans. Pendant ce temps là, le monde du travail et la société ont changé, Toulouse aussi, et cela va être amplifié par le covid. Ils restent sur des préceptes obsolètes. On en est à quatre concertations sur le même sujet qui tournent en rond. » détaille Louis Moufftard.
Un argument qui ne tient pas dans le cas de Toulouse pour Annette Laigneau : « La crise sanitaire a clairement freiné la concertation. Les associations se sont posé des questions légitimes : avec la crise économique, le projet est il toujours pertinent ? Le maire Jean-Luc Moudenc répond très clairement : “Aujourd’hui, aucun indice marquant ne dit qu’il faut ralentir les constructions dans l’agglomération.” Et les opérateurs économiques vont dans le même sens, Toulouse ne s’effondre pas. Nous ne pouvons pas dire que nous allons tout arrêter du jour au lendemain. »
Interrogée sur ce dossier il y a quelques jours par La Dépêche du Midi, Annette Laigneau confiait : « Les résidents habitent dans le vieux Paléficat, ils sont à la campagne avec la ville à deux pas. Ils sont actuellement privilégiés. » Un terme qui a fait bondir Pascale Noirot et les membres de Vivre à Paléficat : « Nous avons tous fait des sacrifices pour ce cadre de vie, ce sont des choix sur plusieurs décennies. Que nous soyons jugés là-dessus parce que nous sommes dans un quartier plus tranquille, c’est dur à entendre de la part d’une élue. »
L’élue de la métropole tient à recoller les morceaux avec les habitants : « Nous poursuivons le même objectif avec l’association. Ils sont encore à la campagne et ils veulent y rester, c’est normal. Il faut renouer un dialogue de confiance. » Dans les actes, Oppidea, l’agence publique qui met en action les projets d’urbanisme de la métropole, a impliqué les habitants à un degré inédit : « Nous ne sommes jamais allés aussi loin dans une concertation publique. Nous allons permettre aux habitants du quartier d’avoir un droit de regard sur les trois projets possibles. Nous leur avons demandé leurs attentes pour les transmettre aux urbanistes qui travaillent sur le projet. » Un choix qui devra être acté d’ici au mois de juillet, date à laquelle un des trois aménageurs sera désigné.
Mathieu Yerle
Commentaires