Rozenn Kevel, étudiante à Toulouse, a été licenciée vendredi 26 mars pour avoir critiqué, sur Twitter, le gaspillage alimentaire de l’enseigne Chronodrive dans laquelle elle était employée. Certains prônent la liberté d’expression, d’autres condamnent le dénigrement… Jusqu’où peut-on critiquer son employeur ?
Vendredi 26 mars, Rozenn Kevel, étudiante toulousaine âgée de 19 ans, a été licenciée pour « faute grave » par l’entreprise Chronodrive. La raison ? Un tweet datant du 25 février qui dénonce le gaspillage alimentaire de l’enseigne dans laquelle elle était employée en CDI à Basso-Cambo depuis un an.
https://twitter.com/KevelRozenn/status/1364712636181606401
En réponse, Chronodrive a licencié la jeune femme pour « dénigrement des actions RSE » (Réseau Sociétal de l’Entreprise, ndlr). L’enseigne a déclaré que les propos de la jeune étudiante portaient « atteinte à l’image commerciale » de Chronodrive et constituaient « une violation de l’obligation contractuelle de loyauté vis-à-vis de son employeur ».
« La liberté d’expression possède des limites. Nous avons le droit de dire ce que nous pensons, mais il est interdit de diffamer ou injurier une personne ou une entité » explique maître Agaba, avocat en droit du travail au barreau de Toulouse. Officiellement, la jurisprudence de la Chambre sociale de la Cour de cassation ne pose pas de limite fixe entre les critiques tolérées et celles qui ne le sont pas. Toutefois, les propos injurieux, diffamatoires (à caractère mensonger, ndlr) ou excessifs représentent un abus et peuvent faire l’objet de sanctions. « Par contre, si la personne apporte la preuve que ses propos ne sont pas diffamatoires, elle ne peut pas être sanctionnée » poursuit maître Agaba.
L’employé peut être tenu à une obligation de discrétion liée à la nature de son emploi. Aussi, son contrat peut mentionner une obligation de loyauté professionnelle, lui interdisant de tenir des propos qui mettent son employeur en difficulté. « La majorité des contrats disposent d’une clause de confidentialité. Mais même si elle n’est pas mentionnée, il existe le principe de loyauté contractuelle qui fait qu’un juge peut vous reprocher de ne pas avoir respecté l’obligation de bonne foi qui découle des articles 1103 et 1104 du Code Civil » précise l’avocat en droit du travail.
L’examen des affaires se fait au cas par cas. Les juges possèdent une immense liberté d’appréciation dans le cadre de contentieux. Dès lors, certains facteurs tels que l’ancienneté du salarié, sa fonction, son absence de sanction antérieure et le contexte dans lequel il a tenu ses propos litigieux sont pris en compte.
Les employés sont libres d’exprimer leurs opinions lors de réunions sur le lieu de travail ou dans son cercle « privé ». Or, les réseaux sociaux sont considérés comme un espace « public ». L’employeur peut donc sanctionner son salarié, voire le licencier pour « faute », selon le degré de gravité. « Il existe les fautes vénielles, qui ne font pas l’objet d’avertissements. Les fautes simples peuvent faire l’objet de rappels à l’ordre. Les fautes graves peuvent faire l’objet de licenciements rapides, sans indemnités. Les fautes lourdes font l’objet d’un licenciement et la personne peut-être amenée à devoir réparer les préjudices engendrés » précise maître Agaba.
Alix Drouillat
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