Bombe politique ou simple problème de forme, appel ou nouvelle révision, l’annulation du PDU par la justice n’a, quoi qu’il arrive, pas fini de provoquer des remous à Toulouse.
Pour de nombreux observateurs, l’annulation du Plan de déplacements urbains (PDU) par le tribunal administratif de Toulouse n’a pas été une surprise. Depuis son adoption en 2018 par Tisséo, ce document censé planifier l’évolution de la mobilité dans l’agglomération toulousaine à l’horizon 2030 a fait l’objet de nombreuses réserves. Un rapport de la Mission régionale d’autorité environnementale (MRAE), sur lequel s’appuie notamment le verdict de la justice, avait d’abord alerté sur le manque d’alternatives sur les enjeux écologiques. La Chambre régionale des comptes remettait ensuite en cause son financement. Avant que le Codev de Toulouse Métropole ainsi que plusieurs associations, dont 2 Pieds 2 Roues, à l’origine du recours, n’émettent, elles aussi, de sérieux doutes.
Pour autant, la décision du juge fait l’effet d’une « véritable bombe politique », selon les mots employés dans un communiqué signé « Pour la Cohésion », la liste menée par Pierre Cohen au premier tour des dernières municipales. Elle vient en effet apporter de l’eau au moulin d’une opposition qui ferraille depuis des années contre un PDU jugé disproportionné.
« Cette annulation démontre l’irresponsabilité et l’incompétence de la majorité de droite de Toulouse et de Jean-Luc Moudenc. Son seul projet porté depuis six ans et comme unique réponse pour la décennie à venir montre à quel point le dogmatisme, l’entêtement et son obsession pour le métro coûte cher politiquement à notre agglomération et à ses habitants », écrivent l’ancien maire de Toulouse et ses colistiers.
Même tonalité du côté de l’opposition actuelle. Les trois groupes municipaux et métropolitains ont réagi d’une seule voix pour regretter que « les alertes et les alternatives existantes n’aient pas été prises en compte ». Ils soulignent également l’ « excès de pouvoir » évoqué par le tribunal administratif dans son jugement.
Sans surprise, l’interprétation de ce dernier est radicalement différente pour Tisséo. Le syndicat des transports de l’agglomération toulousaine indique prendre acte de la décision tout en minimisant sa portée. « Cette annulation repose sur des motifs de forme tenant à l’absence d’études de substitution au projet et à l’insuffisance de présentation des critères, indicateurs et modalités de suivi de ses effets. Les motifs de fond mis en avant par l’association 2 pieds 2 roues : absence de précisions sur le budget dédié aux politiques cyclables et incompatibilité du PDU avec les documents de planification en faveur du climat, ne sont pas retenus par le juge ».
Une analyse jugée irrecevable par Marc Péré, maire de l’Union et membre du groupe Alternative pour une métropole citoyenne. « Dans le jugement, il est écrit que le premier motif exprimé par 2 Pieds 2 roues, à savoir l’absence de scénarios alternatifs, suffit à annuler le PDU et qu’il n’y a donc pas eu besoin d’examiner les autres. Il n’est pas acceptable que Tisséo travestisse la vérité », lance-t-il.
Bombe ou simple problème de forme ? Reste désormais à connaître les conséquences de l’annulation du PDU. À court terme, Tisséo doit d’abord se prononcer sur un éventuel recours en appel. « Des réunions doivent se tenir dans les jours qui viennent pour évaluer les enjeux juridiques », confie au Journal Toulousain Jean-Michel Lattes, président de Tisséo Collectivités.
Ce dernier a déjà annoncé qu’il n’y aurait, quoi qu’il arrive, aucune incidence sur les grands projets tels que la troisième ligne de métro ou le téléphérique Téléo, en raison de leur identité juridique propre. Il y a quelques semaines, Jean-Luc Moudenc faisait, lui, planer le spectre d’un retour au PDU de 2012 en cas d’annulation de celui adopté en 2018, évoquant « une formidable régression ». Si la décision du juge devenait définitive, c’est plutôt l’hypothèse d’une nouvelle révision qui se dessinerait.
Si l’opposition dit regretter cette situation dont les habitants risquent de faire les frais (potentiels retards, coûts supplémentaires…), elle voit aussi dans cette perspective l’occasion de mettre enfin tout le monde autour de la table pour un véritable dialogue. « Nous serons force de proposition auprès de la majorité, et ceci dans l’esprit d’une réussite collective pour une métropole qui soit enfin à la hauteur des besoins de mobilité et de l’urgence climatique », assurent les trois groupes.
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