RRROURROU. Toulouse et les pigeons, ou l’histoire d’un amour tari. Ces oiseaux symboles de noblesse jusqu’à la révolution, sont aujourd’hui synonymes de nuisances en série. Les pigeons ont-ils toujours une place dans le cœur des Toulousains ?
// Par Gabriel Haurillon
SiéLivre à la main et teint diaphane, Pierre Goudouli fait la moue au centre de la place Wilson. La statue de l’illustre poète toulousain a le visage constellé de fientes. Un pigeon a même l’outrecuidance de se reposer un instant sur sa tête. Face à lui, Brigitte, hamburger à la main, est aux aguets : « Regardez, ils volent autour de nous, on va s’en prendre une dans pas longtemps ! » Une dizaine de pigeons attendent sur un lopin d’herbe qu’elle daigne laisser choir une graine de sésame.
Sur le banc d’en face, Aline, 90 ans, affiche un sourire béat à la vue du dandinement des oiseaux. Pour elle, ces animaux sont indispensables en ville : « Il faut les laisser vivre, ils ne font de mal à personne. Parfois, je leur donne quelques miettes de pain. »
Le pigeon divise les Toulousains. La mairie semble pour sa part avoir tranché : « La ville de Toulouse met en œuvre depuis de nombreuses années des techniques de pointe pour maîtriser le développement de ces volatiles », peut-on lire sur son site Internet, dans le cadre de la « lutte contre les animaux nuisibles ». Les mesures utilisées varient : capture par filet, stérilisation chirurgicale ou piégeage dans des cages volières. « Ces mesures de régulation sont les plus radicales, elles s’accompagnent de dispositifs de répulsion, qui sont les plus communs », explique Medhi Medjahed, gérant d’Avipur Midi-Pyrénées, une société de dépigeonnisation. Les répulsifs physiques les plus utilisés sont les pics métalliques installés sur les rebords de fenêtres pour éviter que les volatiles ne s’y posent. Plus efficace encore, l’électrorépulsion. « On pose des fils qui leur envoient de petites décharges électriques, un peu comme les clôtures pour vaches ». Il y a deux semaines, l’entreprise a installé 200 mètres linéaires de ces fils sur la façade du lycée Saint-Sernin.
Pourquoi tant de subterfuges ? « Le pigeon n’a pas de prédateur en ville, il est classé dans la catégorie des animaux domestiques et n’est pas considéré comme nuisible par le ministère de l’Environnement, on ne peut donc pas les traquer » explique Frédéric Marie, chef de service à l’office national de la chasse et de la faune sauvage.
Le pigeon Biset dont est issu notre oiseau des villes a disparu du territoire français. Celui que l’on rencontre aujourd’hui a été tellement croisé par l’homme et la nature qu’il est génétiquement hybride et inclassable. Un patrimoine génétique singulier qui pourrait être utile à la science ? « Pourquoi faudrait-il que le pigeon soit utile pour le protéger ? Il fait partie intégrante de la faune urbaine » s’indigne Sylvain Frémaux, ornithologue à Nature Midi-Pyrénées.
Depuis son restaurant à la terrasse ensoleillée, Georges Camuzet témoigne de la relation ambiguë entre le Toulousain et les volatiles : « C’est pénible quand ils lâchent une fiente sur un client, mais leur viande est excellente ! J’ai d’ailleurs à la carte un pigeon de la montagne noire rôti aux asperges blanches, c’est un délice ! »
La rédaction
Le Journal toulousain est un média de solutions hebdomadaire régional, édité par la Scop News Medias 3.1 qui, à travers un dossier, développe les actualités et initiatives dans la région toulousaine. Il est le premier hebdomadaire à s'être lancé dans le journalisme de solutions en mars 2017.
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