Alors que l’État français réfléchit à la création d’une sorte de régie publique pour éviter l’ouverture à la concurrence de ses concessions hydroélectriques, la SHEM, opérateur historique du secteur basé à Toulouse, craint d’être la grande oubliée de cette restructuration.
C’est un peu l’histoire du petit poucet qui n’entend pas être le dindon de la farce de la grande réorganisation de l’électricité en France. La Société hydroélectrique du Midi (SHEM), opérateur historique du Sud-Ouest basé à Toulouse et aujourd’hui filiale d’Engie, s’inquiète en effet des conséquences que pourrait avoir sur son avenir le projet de restructuration d’EDF, baptisé Hercule.
Destiné à l’origine à sanctuariser le financement de l’énergie nucléaire, celui-ci consisterait à scinder les activités d’EDF en deux entités. D’un côté « EDF Bleu » deviendrait une structure 100 % publique qui comprendrait toutes les activités nucléaires. De l’autre « EDF Vert », regrouperait la branche commerce qui fournit l’électricité aux clients, les énergies renouvelables, Enedis et différents services.
Or, en parallèle de ce vaste plan qui fait l’objet d’âpres discussions entre l’État et la Commission européenne, un autre dossier est en jeu : celui de l’hydroélectricité. En effet depuis de nombreuses années, et plus particulièrement depuis 2015, date de la mise en demeure de l’État, l’Union européenne, jugeant la position d’EDF dominante sur le marché hydraulique, pousse la France à respecter les règles de mise en concurrence des concessions, comme l’impose le droit communautaire.
Pour échapper à ce qui serait une privatisation de « réserves stratégiques relevant du bien commun », le gouvernement confiait récemment réfléchir à la création d’une « quasi régie », dispositif juridique qui permettrait d’octroyer les concessions d’EDF, sans mise en concurrence, à une structure publique dédiée.
« Rien n’est encore acté, mais cette structure pourrait voir le jour dans le cadre du projet Hercule avec la création d’une troisième entité, EDF Azur, qui regrouperait toutes les activités hydroélectriques. Les discussions semblent s’accélérer et si elles se concrétisaient, nous serions alors les seuls acteurs du domaine à être soumis à la concurrence européenne sur les contrats de concessions. Ce serait incompréhensible », assure Cyrille Delprat, directeur général de la SHEM.
L’entreprise basée à Toulouse gère 56 usines et 12 grands barrages, répartis sur la chaîne des Pyrénées, les rivières du Lot et de la Dordogne. Elle représente 3 % du marché hydroélectrique française, contre 80 % pour EDF. Arrivées à échéance, trois concessions de la SHEM dans les Pyrénées seraient concernées à court terme par la remise en concurrence, représentant 40 % de la production totale de l’entreprise. « Il y a beaucoup de postulants potentiels sur nos concessions hydroélectriques et si nous n’en perdions ne serait-ce qu’une, cela aurait un impact immédiat sur l’emploi, voire sur la viabilité de l’entreprise », poursuit le directeur.
En raison de son faible poids dans le marché hydroélectrique français, la PME qui emploie 320 salariés craint d’être oubliée dans les négociations en cours. Elle revendique pourtant son statut d’acteur majeur dans de nombreux petits villages de montagne où elle est historiquement implantée. « Nous ne sommes pas dans la revendication. Nous demandons seulement à être associés aux discussions qui concernent notre avenir et à comprendre les règles du jeu qui vont se mettre en place », conclut Cyrille Delprat.
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