MA TANTE – Née il y a 150 ans, cette institution toulousaine qui propose des prêts sur gage n’a longtemps été qu’un ultime recours pour les plus défavorisés et les aristocrates désargentés. Aujourd’hui, sa fréquentation s’est largement diversifiée. Chaque année, ce sont ainsi plus de 11 000 personnes qui bénéficient d’un prêt du Crédit municipal de Toulouse.
Axelle Szczygiel
C’est la première fois que Marie* met les pieds dans ce vaste établissement de la rue des Lois. Il y a urgence. « Mon compte en banque est à découvert, j’ai besoin d’un peu d’argent pour le renflouer », confie-t-elle. À l’appel de son numéro, la jeune femme entre dans une cabine de dépôt. Elle présente à l’agent du Crédit municipal qui la reçoit sa pièce d’identité, un justificatif de domicile ainsi qu’un collier et un bracelet en or dont elle espère obtenir une somme suffisante pour régler ses soucis financiers. « Ce sont des bijoux que je ne porte pas, mais auquel je tiens. Je viendrai les récupérer le plus tôt possible », affirme-t-elle.
Aussitôt, l’agent se retire et apporte les pièces à expertiser à l’appréciateur Karim Galland, installé non loin, à l’abri des regards. L’homme se met tout de suite au travail : il frotte les bijoux sur une pierre de touche, sur laquelle il va ensuite verser un acide qui permettra de confirmer qu’il s’agit bien de bijoux en or. Puis, il les pèse et calcule leur valeur en fonction du cours actuel de l’or (entre 20 et 23 euros le gramme).
Enfin, sur une feuille, il note la proposition qui sera faite à Marie. « Nous ne pouvons pas offrir plus de 70% de la valeur de l’objet », explique Karim Galland. L’agent retourne immédiatement vers Marie, qui accepte. Elle n’a plus qu’à se rendre au guichet pour régler les détails administratifs et récupérer son argent. Le contrat est établi pour six mois renouvelables, mais la jeune femme pourra venir les chercher avant cette échéance si elle le souhaite. Il lui suffira de rembourser le capital prêté, majoré des intérêts dus pour la période écoulée.
Pendant ce temps, l’appréciateur enferme les bijoux dans une capsule puis les envoie directement vers leur lieu de stockage – dont la localisation est tenue secrète, pour des raisons de sécurité – via un tube pneumatique. « Cela évite de multiplier les manipulations », explique-t-il avant de passer à l’expertise suivante. Cette fois, c’est un bracelet manchette qui permettra à la propriétaire de récupérer 550 euros. Toutes ces étapes précises, il va les répéter près de 70 fois dans la journée, les bijoux représentant plus de 90% des gages déposés.
Mais les sous-sols du Crédit municipal regorgent de bien d’autres trésors. En suivant Jean-Christian Carrier, directeur des services opérationnels, dans le dédale de couloirs, on découvre ainsi une vaste salle où sont entreposés sur des étagères des centaines d’horloges anciennes, de statuettes en bronze, de sacs et autres accessoires de maroquinerie, mais aussi de l’argenterie, de la verrerie, des armes… Une véritable caverne d’Ali Baba ! « Pour certaines catégories d’objets, nous avons des salles spécifiques », indique Jean-Christian Carrier en nous faisant entrer dans la cave où reposent quelques grands crus, Don Pérignon et autres Château Margaux, à une température constante de 14°. Dans une pièce mitoyenne, on retrouve tous les instruments de musique. Un autre local regroupe quant à lui les tableaux. « Toute chose ayant une valeur vénale peut faire l’objet d’un gage, excepté les véhicules à moteur et les vêtements », souligne notre guide.
Certains de ces objets sont ici depuis des années. Toutefois, « dans 94% des cas, les gens finissent par récupérer leurs biens », poursuit Jean-Christian Carrier. Les 6% restants, pour lesquels aucun renouvellement n’a été demandé au bout de sept mois, alimentent les ventes aux enchères. Celles-ci se déroulent les troisièmes mercredi, jeudi et vendredi de chaque mois, d’octobre à juin, dans la salle des ventes du Crédit municipal et attirent toujours de nombreux acheteurs, professionnels et particuliers.
Le catalogue de la cession du 20 octobre prochain est d’ores et déjà consultable sur Internet. Vase en cristal Daum, malle Louis Vuitton, carrés Hermès, ensemble en porcelaine, aquarelles… Il y en aura pour tous les goûts. « Le bénéfice d’une vente revient toujours au propriétaire, intérêts déduits », tient à préciser Jean-Christian Carrier, rappelant ainsi la vocation non lucrative et prioritairement sociale du Crédit municipal. En mai dernier, l’établissement a ainsi réussi après un an de recherches à retrouver la trace d’une Montalbanaise de 45 ans pour lui faire une belle surprise : son violon, déposé au Crédit municipal en octobre 2014 pour 60 euros, avait été adjugé à 6 450 euros un an après, permettant ainsi à cette femme de récupérer la coquette somme de 6384,63 euros !
* le prénom a été changé
Commentaires