STRATEGIE. Grande région oblige, la plupart des médias doivent repenser leur zone d’influence. Une évolution quasi contrainte que tous veulent transformer en atout.
C’est La Lettre M qui a dégainé en premier. Dès février dernier, le quotidien d’information économique exclusive montpelliérain a saisi l’opportunité de racheter MPS, son équivalent toulousain détenu par La Dépêche, pour s’élargir à Midi-Pyrénées. Quelques mois plus tard, La Dépêche, justement, a concrétisé – dans un contexte social agité – son vieux projet d’acquérir Midi Libre. Avant même la création officielle de la grande région, ces mouvements ont préfiguré les mutations à venir des médias locaux. «Nous avions une vocation régionale. Le territoire évoluant, nous devions suivre le mouvement», note Hubert Vialatte, rédacteur en chef de La Lettre M, qui va prochainement inaugurer ses nouveaux bureaux toulousains. Des propos qui font notamment écho à ceux de Virginie Peytavi, son homologue du bimestriel culturel Ramdam : «Rester cloisonné en Midi-Pyrénées n’aurait pas de sens».
Si la presse culturelle peut compter sur un milieu qui se connaît au-delà des frontières régionales et le fait que la distance n’est pas vraiment un frein pour le public, personne ne veut brûler les étapes. «C’est un peu comme repartir à zéro», admettent certains. Ainsi, le bimestriel montpelliérain L’Art-Vues, édité à 60 000 exemplaires, élargira son contenu à partir de février tout en préparant son arrivée Midi-Pyrénées. Ramdam a maintenu son tirage à 20.000 exemplaires, mais a repensé sa diffusion pour toucher les principaux sites culturels de Languedoc-Roussillon, avant de monter en régime. Le magazine L’Art dans l’Air, vendu chez les distributeurs spécialisés, a bouclé une opération de financement participatif pour l’occasion. Il est diffusé à Toulouse depuis le début de l’année «mais encore de manière confidentielle», dixit la directrice de la rédaction, Évelyne Stein.
«Derrière l’enthousiasme affiché, tout le monde y va un peu à reculons»
Quant au féminin Grizette, né sur Internet il y a trois ans, il a augmenté son tirage de 6000 à 8000 exemplaires et est désormais diffusé dans l’ensemble de la grande région. Le quotidien Web et magazine économique toulousain ToulÉco se dit lui «en réflexion» sur son déploiement, tandis que sa déclinaison ToulEmploi ouvre progressivement son contenu à Languedoc-Roussillon. La donne est enfin légèrement différente pour Radio 100 %. La priorité de la station basée dans le Tarn, qui touche déjà 120 000 auditeurs quotidiens dans le sud-ouest, reste l’obtention d’une fréquence à Toulouse. Un passage obligé avant de viser un rayonnement «de Nîmes à Bordeaux».
Des premiers pas prudents qui n’empêchent pas une certaine ambition. Du point de vue de la diffusion, mais aussi du recrutement de commerciaux et de journalistes. «Derrière l’enthousiasme affiché, tout le monde y va un peu à reculons», tempère un observateur de la vie médiatique. «La plupart ont subi la création du nouveau territoire. Et Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon sont très différents d’un point de vue économique, social, politique, et même du lectorat.» Un constat auquel il convient d’ajouter une conjoncture économique difficile pour la presse et une identité de la grande région qui «prendra du temps à se créer», comme le souligne Hubert Vialatte. Le choix général d’opter pour un contenu unique sur l’ensemble du territoire devrait cependant permettre de fédérer ancienne et nouvelle audience. L’un des grands enjeux pour réussir son ancrage.
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