Au cœur du quartier de la Faourette, des jardins familiaux rendent possible et accessible l’autonomie alimentaire. Sur un hectare de terrain, une petite soixantaine de potagers permet à des jardiniers de 30 à 86 ans de faire pousser fruits et légumes pour leur consommation personnelle.
Par Marine Mugnier
« C’est moi qui l’ai fait ! » Manuel, casquette délavée sur la tête, sourit jusqu’aux yeux à l’entrée de son potager. Il vient tous les matins prendre soin des légumes de sa parcelle. Debout devant de jeunes fleurs de courgette, il assure que venir ici est avant tout un passe-temps, mais il n’est pas difficile de se rendre compte qu’il attend bien plus de ce bout de terre. Si l’association Partage Faourette lui a confié 130 m² de terrain, ça n’est pas uniquement pour qu’il échappe au quotidien d’un retraité d’appartement, charentaises aux pieds et Feux de l’amour en continu à la télévision. Manuel gagne 700 euros par mois, et avec 430 euros de loyer, il est aussi heureux de pouvoir économiser en produisant lui-même sa nourriture. En ce moment, tomates, haricots et bien d’autres légumes font leur apparition dans les sillons soigneusement entretenus de son lopin de terre et c’est un bien précieux pour lui. D’où le cadenas à l’entrée de l’enclos. Ses voisins de terrain et amis de l’association viennent arroser ses pousses quand il est absent, mais il assure vouloir gérer un maximum de chose lui même. « Ma femme vient parfois repiquer les oignons et je n’aime pas trop sa méthode ! » assume-t-il d’un air malicieux. Produire ses propres légumes, c’est aussi acquérir un savoir-faire et gagner en confiance en soi. Bourdonnement de rocade et fredonnements d’oiseaux en fond sonore, la voix de Manuel couvre à nouveau le bruit du jardin urbain : « Si je devais acheter toutes les graines moi-même, ça me couterait trop cher ». Un trafic s’organise donc entre les jardiniers de ce terrain collectif : échange semences de chou contre graines d’aubergine ou coup de main pour l’arrosage. Avoir le matériel ne fait pas tout, il faut aussi un minimum de connaissances pour s’occuper d’un potager : savoir quoi planter, quand et comment ne s’improvise pas. Pour faciliter la tâche aux débutants, l’association organise régulièrement des formations pour apprendre à avoir la main verte, connaître l’agriculture biologique ou raisonnée.
L’homme en bleu de travail et chemise à carreaux n’en a plus vraiment besoin. Cela fait maintenant plus de 10 ans qu’il travaille cette terre. Manuel sait, par exemple, qu’il doit s’adapter aux basses températures de l’hiver et prépare le coup en plantant des choux. Cette année, il a jeté son dévolu sur un certain type de crucifère, les “cabus”.L’agriculteur amateur en a donc semé une centaine de graines, mais le mauvais temps était aussi de la partie : « Ils sont restés fermés ! » Comprendre : « Ça n’a finalement rien donné ». Sans rancune, il glousse : « Je ne vais pas me révolter ! Contre qui je pourrais me mettre en colère ? » Les aléas de la nature, il les comprend bien et joue le jeu. Il accepte de ne pas tout maitriser et ne veut pas utiliser de produits chimiques. « Si je voulais des légumes avec des pesticides, j’irais au supermarché ». Son potager lui rend bien l’attention qu’il lui porte et s’il va régulièrement en grande surface, c’est uniquement pour compléter sa production et manger équilibré. « En ce moment, par exemple, je peux avoir jusqu’à 2kg de haricots par jour ». De quoi nourrir sa femme et ses deux enfants. Bien plus qu’un passe-temps.
A lire aussi : La trop longue route de notre alimentation
A lire aussi : Nos légumes dans l’aquarium
A lire aussi : Un maraîcher très urbain
Commentaires