COOPÉRATION – La déradicalisation implique qu’un processus de radicalisation a déjà été enclenché. Or, s’attaquer au problème en amont est possible selon Séraphin Alava, chercheur en sciences de l’éducation à l’université Toulouse 2 Jean-Jaurès. Il prône la prévention.
Entre l’exposition d’idées radicales sans débat possible et la volonté de les imposer par la violence, il n’y a qu’un pas mais il est immense. C’est justement toute la difficulté de la lutte contre la radicalisation. Comment alors faire en sorte qu’un potentiel terroriste ne franchisse pas cette barrière et comment le repérer ?
« Il existe une grille d’indicateurs permettant de caractériser un comportement à risque », révèle Séraphin Alava, professeur en sciences de l’éducation, spécialiste des processus conduisant à la radicalisation ou à l’action violente des jeunes. Améliorée par des chercheurs, elle rend possible l’identification des voies par lesquelles s’installe la radicalisation. C’est tout l’enjeu de la prévention qui permet d’agir au lieu de réagir.
Ainsi, « nous savons que les auteurs d’attentats structurés sont alimentés par le grand banditisme, tandis que le terrorisme low cost (mené avec les moyens du bord, ndlr) est issu de la petite délinquance », observe Séraphin Alava. Les premiers sont traqués par les services de renseignement qui ont adapté leurs dispositifs et sont de plus en plus efficaces.
Plusieurs attentats ont pu être évités grâce à une meilleure coordination des services de l’État. Mais le second est plus difficile à prévenir car mal organisé et multiple. « On y trouve des jeunes prônant la théorie du complot, des révoltés contre le système, ou même des adolescentes amoureuses prêtes à tout », poursuit-il. Le chercheur préconise alors la collaboration des services éducatifs, sociaux et des municipalités qui peuvent émettre des signalements. « C’est en les recoupant que l’on améliore la prévention. Ces actes effectués par les citoyens eux-mêmes, au travers de leur profession, contribuent ainsi à la protection de tous.
Ce dispositif français de lutte contre la radicalisation, mêlant signalements rapides, renforcement des agences de renseignements, surveillance aux frontières et travail entre les services, est appliqué presque partout en Europe. Tout ceci étant coordonné par le ministère de l’Intérieur.
Le problème récurrent étant le recoupement des informations entre tous ces acteurs. D’autres nations comme la Pologne, ou l’Ukraine ont toutefois choisi de scinder l’action sécuritaire de la prévention en confiant ces missions à des ministères différents. « En Autriche encore, la prévention est compétence du ministère de la Famille », commente le chercheur. Mais pour lui, les deux fonctionnements se valent, car « ce qui fait la différence, c’est la bonne circulation des informations. » Et à ce jeu, ni l’un ni l’autre des systèmes n’est plus performant.
Suite aux recherches de l’Unité mixte EFTS de la Maison des sciences de l’homme de Toulouse auxquelles participe Séraphin Alava, le chercheur isole quatre piliers sur lesquels repose une prévention efficace : « L’information, l’éducation, l’action sociale et la cohésion de la sécurité. » Selon lui, les citoyens doivent savoir de ce qu’il advient en matière de terrorisme ce qui engendre un sentiment de sécurité. «Et ces éléments de compréhension doivent être émis dès le plus jeune âge pour démontrer que la violence est toujours un échec, même dans les moments difficiles d’une vie », précise-t-il.
Séraphin Alava
Professeur en sciences de l’éducation, il est également chercheur et membre de l’équipe “Radicalités et régulations” de la maison des sciences de l’homme de Toulouse. Il pilote par ailleurs le rapport mondial de l’Unesco sur les liens entre radicalisation et médias sociaux.
Dossier ” Radicalisation : Toulouse innove dans la prévention ” :
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