TERRITOIRE. Les pouvoirs publics commencent à organiser un plan de bataille commun pour redynamiser la célèbre voie d’eau. Meilleure gouvernance ou valorisation du patrimoine, Philippe Valentin, cartographe, donne des pistes pour redonner ses couleurs à l’ouvrage de Riquet.
Sources : VNF, Région Occitanie, Ministère du développement durable
«Le canal du Midi est tellement inscrit dans l’esprit des gens comme partie intégrante de la région, qu’ils en oublient qu’il s’agit d’un ouvrage entièrement réalisé par l’Homme.» Pour Philippe Valentin, cartographe, ce constat explique en partie le manque d’attention portée à la voie navigable jusqu’ici: «Pour beaucoup, il s’agit d’un espace naturel qui se suffit à lui-même, mais c’est faux. Totalement artificiel, le canal est fragile, il a besoin d’entretien. C’est un patrimoine qu’il faut préserver.»
Celui qui a référencé sur une seule et même carte tous les ouvrages d’art disséminés le long du canal sait de quoi il parle. Il a parcouru la voie d’eau en long, en large et en travers pour en identifier les moindres contours, et s’est rapidement rendu compte que toutes les parties du canal n’étaient pas valorisées de la même manière. Il distingue un écosystème complexe où les différents enjeux sont pris en charge par des acteurs différents. Ainsi, «la dynamique de développement est fragmentée et les énergies sont dissoutes», constate le cartographe.
Béziers, par exemple, «s’est lancé dans un plan de réfection des voiries et bâtiments bordant le canal, des écluses», témoigne Philippe Valentin. « Entre Béziers et Carcassonne, la fréquentation est dense car le patrimoine est riche. Cette richesse se retrouve aussi entre Carcassonne et Toulouse, pourtant la fréquentation n’est pas au rendez-vous.»
Selon le spécialiste, le canal du Midi ne serait pas suffisamment mis en valeur lorsque l’on approche de la ville Rose. « Quand certaines communes cherchent à embellir le canal et ses berges, à Toulouse on l’enterre », relève le cartographe, en référence à l’aménagement de la gare Matabiau proposé par l’architecte Joan Busquets. En effet, ce dernier a imaginé une grande esplanade recouvrant la voie d’eau. « Une curieuse façon de le mettre en valeur», confie Philippe Valentin.
La clé réside, selon lui, en une entité qui coordonnerait toutes les actions menées, sur la totalité du canal : «Chaque commune ou département s’occupe de son tronçon sans s’interroger sur une politique globale, or, c’est bien cela qui pêche.» Riquet, lui, a pensé son ouvrage dans son ensemble, «le fragmenter serait donc une erreur !».
Philippe Valentin salue toutefois la volonté des pouvoirs publics d’aller dans ce sens. Marie-Thérèse Delaunay, sous-préfète, a été nommée directrice de projet, en charge du canal du Midi.
Le spécialiste appelle cette coordination collective de ses vœux : « Il faut absolument mettre de côté les conflits d’intérêts politiques et économiques, au profit d’un patrimoine commun. » Une chose est certaine, « il faut agir maintenant. On ne peut plus se permettre de différer les efforts », conclut-il. La fusion des régions Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon devrait faciliter cette perspective.
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