JURISPRUDENCE – Si les lois françaises en matière de violences conjugales sont relativement complètes, elles ne prendraient pas suffisamment en compte la dimension de la prévention. Maîtres Marie Rigole et Aurélia Sagansan, avocates toulousaines, travaillant avec le réseau Solidarité femmes, prennent exemple sur les initiatives étrangères qui pourraient inspirer notre dispositif juridique.
« La loi, premier rempart contre le phénomène des violences au sein du couple », assure le guide de l’action publique édité par la Direction des affaires criminelles et des grâces. À vocation dissuasive, la législation est en elle-même préventive, ayant pour but premier de décourager les potentiels agresseurs de passer à l’acte. En revanche, « son application ne l’est pas assez », affirment à l’unisson maîtres Marie Rigole et Aurélia Sagansan, avocates au barreau de Toulouse. Toutes deux représentantes du réseau Solidarité femmes, elles dénoncent le nombre trop important de simples rappels à la loi ou de stages de citoyenneté face aux convocations devant la justice.
Pour les deux avocates, la dimension préventive ne peut être assurée que si les violences conjugales sont considérées dans leur globalité. « On parle d’un problème sociétal et pas seulement d’un comportement déviant de quelques individus. Il faut donc appréhender son traitement comme tel, ce qui n’est pas le cas en France », avance maître Marie Rigole.
En Espagne, les législateurs en ont pris la mesure puisque, depuis 2004, une loi organique prévoit la protection intégrale contre la violence fondée sur le sexe. C’est à dire qu’elle inclut les volets de la prévention et de la sensibilisation dans les obligations. « Une prise en compte du phénomène dans sa globalité qui permet d’agir en amont des délits et d’être donc plus efficace », observent les avocates.
La prévention de la récidive est également freinée par de nombreux obstacles, comme la difficulté à déposer plainte : « Aujourd’hui, elle a plus de chance d’être enregistrée si elle concerne un vol de porte-monnaie que des violences au sein du couple. Les femmes s’entendant encore dire qu’il fallait venir avant ou qu’il faut parfois serrer les dents », témoigne maître Aurélia Sagansan.
Au Brésil, il existe des postes de police entièrement dédiés à ces plaintes, où le personnel est formé à leur réception et à l’accompagnement des victimes. Ainsi, les femmes savent qu’elles seront écoutées, que leurs dires seront pris au sérieux et qu’elles seront orientées vers des institutions ou associations compétentes. Un dispositif qui facilite la verbalisation des violences et donc la judiciarisation des actes délictueux.
Dans cette même optique, certains pays comme l’Espagne, le Royaume-Uni, le Népal ou encore le Brésil ont créé des tribunaux spécialisés pour les violences faites aux femmes, dont les violences domestiques font partie, comme le préconise l’Organisation des Nations-Unies. Les magistrats nommés reçoivent une formation spécifique. « C’est une initiative dont la France devrait s’inspirer car les auteurs et les victimes de ce type de violences sont très particuliers, voire ambivalents. Pour éviter les récidives, il est nécessaire de bien connaître le public concerné, agresseurs et agressées», précisent-elles.
Mais encore faudrait-il que la France reconnaisse le crime de “féminicide”, commis envers des femmes en raison de leur sexe, ce qui n’est pas le cas. Au Mexique par exemple, le terme est entré dans le droit pénal. « Dans l’Hexagone, les violences conjugales ne sont qu’une circonstance aggravante », rappelle maître Marie Rigole qui convient que ce serait un premier pas franchi.
Biographies :
Marie Rigole Aurélia Sagansan, avocates au barreau de Toulouse, conseils auprès du réseau Solidarité femmes.
Dossier ” Faire corps contre les violences conjugales ” :
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