MADELEINE – Partout, tout le temps, en un seul clic. Nous avons désormais accès à une quantité illimitée de savoirs. À tel point que fouiller dans notre mémoire nous semble de plus en plus accessoire. Et pourtant, souvenez-vous de ce moment gênant où vous croisez une connaissance dont vous avez oublié le prénom ; où vous ne vous rappelez plus du cadeau d’anniversaire que vous a offert votre tante ou de l’âge de vos parents. Faire tourner ses méninges n’est pas qu’une lubie de vieux. La preuve, cette semaine, avec ces scientifiques, ces spécialistes de l’apprentissage, ou ces enfants, qui parient sur les super pouvoirs de la mémoire.
Quand est-ce que vous avez mémorisé un numéro de téléphone pour la dernière fois ou même retenu une adresse ? Depuis que le numérique a pris une place importante dans notre vie quotidienne, ordinateurs et portables représentent une sorte d’annexe externe de notre mémoire. Pas étonnant lorsque l’on sait que, par exemple, un disque dur de quatre téraoctets est capable de stocker, sans effort, l’équivalent numérique de la Bibliothèque nationale de France, soit environ 14 millions d’ouvrages. Il n’est pas (encore ?) né l’être humain qui peut prétendre rivaliser.
Une étude publiée en 2015, menée par le cabinet de sécurité informatique Kaspersky, va même jusqu’à parler d’«amnésie numérique». Réalisée en ligne auprès de 1.000 personnes âgées de 16 ans et plus, elle démontrerait que plus de la moitié des Français connectés ne connaissent pas par cœur les numéros de téléphone de première importance, comme celui de leurs enfants, et qu’un tiers d’entre eux ne se souviendrait pas de celui de leur conjoint. Cette technologie ne pousse donc pas l’homme à faire les efforts de mémorisation qu’il effectuait avant. La chercheuse étasunienne, Betsy Sparrow, évoque également un ‘’effet Google’’: notre cerveau effacerait plus facilement une information s’il sait où la retrouver.
Mais est-ce dommageable pour autant ? Pour Caroline Mürner, neuropsychologue à Toulouse « déléguer aux appareils numériques le travail de mémorisation de certaines informations n’a pas forcément des conséquences négatives pour le cerveau humain. En revanche, il est important de continuer à se stimuler intellectuellement ». En jouant, par exemple, à des sudokus et des mots fléchés, ou en assistant à des conférences.
Et plus nous avançons en âge, plus muscler sa mémoire serait nécessaire.
« Comme l’espérance de vie augmente, la population vieillit et il y a de plus en plus de personnes qui sont atteintes d’Alzheimer. Cette maladie touche aujourd’hui 20% des personnes de plus de 70 ans », explique Pierre-Jean Ousset, responsable du Centre Mémoire et de Recherche Clinique du Gérontopôle au CHU de Toulouse. Le neurologue explique que cette maladie serait génétique et que si rien ne permet aujourd’hui de la soigner, il est possible « d’influer sur la date d’apparition des symptômes ». S’exercer serait une partie de la solution.
Mais les septuagénaires ne sont pas les seuls concernés par cette problématique. L’entrainement permet aussi « de retarder l’effet du vieillissement en freinant le déclin cognitif », développe Caroline Mürner. Et cette capacité à raisonner et à comprendre commencerait à décliner dès l’âge de 45 ans, selon des recherches publiées dans le British Medical Journal. « De plus, faire des exercices permet d’avoir une métaconnaissance de sa mémoire. Or, mieux on comprend comment on fonctionne, mieux on peut agir ».
La neuropsychologue assure donc que « travailler sa mémoire n’est pas qu’une problématique de personnes âgées ». « Même s’il ne faut pas forcément en faire une obsession », s’entrainer à retenir des informations serait bénéfique pour tous.
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