MIXITÉ. Et si, au-delà de l’affrontement promoteurs-opposants, c’était la question de l’urbanisme commercial en France qui se posait actuellement sur le plateau de la Ménude ? C’est l’analyse du géographe et urbaniste Philippe Dugot qui plaide pour la fin de la logique menant aux zones uniquement dédiées au commerce.
Sur le plateau de la Ménude, réserve foncière au coeur de la métropole toulousaine,
plusieurs visions d’urbanisme s’affrontent.
Val Tolosa, le centre commercial de trop ? C’est l’un des arguments des opposants au projet qui jugent l’offre aux alentours largement suffisante en la matière. Mais pour Philippe Dugot, professeur de géographie à l’université Jean-Jaurès, la question se pose différemment : « Je ne trouve pas scandaleux que l’offre commerciale s’enrichisse. Pour l’instant, il n’y a pas de suréquipement dans la métropole toulousaine. C’est en revanche la nature du projet qu’il faut interroger ».
Spécialiste de l’urbanisme et auteur de plusieurs ouvrages sur le commerce, Philippe Dugot voit dans l’affrontement autour de Val Tolosa l’occasion de repenser en profondeur la logique d’implantation des centres commerciaux. Car le promoteur Unibail-Rodamco a beau annoncer un pôle tourné vers la nature, avec pour appui la certification “Breeam” sur la conception, ainsi que la construction et le fonctionnement de bâtiments écologiques, l’expert estime que Val Tolosa s’inscrit dans la continuité de ce qui se fait depuis des années. « Cela sera peut-être un peu plus joli et responsable que d’ordinaire mais le grand problème reste celui de la monofonctionnalité de ces pôles. Il faut sortir de cette vision de zonage car le commerce fait aussi partie de la vie. »
Alors que la France est l’un des premiers pays à s’être doté d’une réglementation sur la question en 1973 avec la loi d’orientation du commerce et de l’artisanat, Philippe Dugot pointe ainsi du doigt le paradoxe qui fait « que la France n’a jamais fait d’urbanisme commercial à proprement parler. On a laissé faire le marché en séparant le commerce du reste de la ville contrairement à d’autres États comme l’Allemagne où il existe un meilleur équilibre », ajoute le spécialiste.
Aux États-Unis, la problématique est au cœur de l’actualité avec des fermetures de malls (grands centres commerciaux américains) en série et autant d’interrogations sur l’avenir de ces friches. « Je ne crois pas à la fin des hypermarchés mais il suffit d’aller à Saint-Orens ou à Portet-sur-Garonne pour constater le nombre de cellules vides et de fausses vitrines dans les galeries. Que fait-on si ces pôles se cassent la figure ? Aux États-Unis, des villes nouvelles se créent à partir de ces anciens temples du commerce, il y a un mouvement qui tend à revenir du zonage et du tout voiture », avance l’expert.
Dans un contexte de densification de la métropole, Philippe Dugot imagine ainsi à la place de Val Tolosa un espace multifonctionnel mêlant commerces, habitats, bureaux, espaces de coworking mais aussi des services médicaux et pourquoi pas un lycée. « Bref, « tout ce qui fait la vie. On peut tout envisager à partir du moment où ces zones d’aménagement sont conçues comme de vraies centralités. » Et s’il paraît difficile de convaincre Unibail-Rodamco de souscrire à l’alternative, il n’y a pas de fatalité pour le géographe : « On ne peut pas faire sans les promoteurs mais on peut faire en sorte que cet argent privé serve mieux l’intérêt collectif. Si les porteurs de projet s’y retrouvent financièrement, ils pourraient y voir une façon de diversifier leurs investissements. Mais il faudrait pour cela remettre de la puissance publique dans la négociation et dans le processus de décision. »
Dossier ” Val Tolosa : des alternatives en rayon ” :
Commentaires