RÉVOLUTION – Aurélie Julien est la chef de projet de Ludovia, responsable de la programmation de cette université d’été dédiée aux méthodes éducatives numériques. Elle déplore le retard de la France en la matière et l’inertie de l’Éducation nationale.
© Lucélia Ribeiro
« Dans cette société bouillonnante, on ne peut plus appliquer les méthodes classiques » estime Aurélie Julien. À l’ère des réseaux sociaux et du portable roi, les élèves sont moins captifs, leur attention décroche vite. « Ils ne peuvent plus rester debout en rang d’oignons ou gratter pendant une heure ! » D’où l’intérêt, selon la chef de projet de l’université d’été Ludovia, d’intégrer le numérique dans les logiques d’apprentissage.
Ludique, familier, facilitateur d’enseignement, il motive et autonomise les élèves. Davantage concentrés, ils apprennent sans s’en rendre compte. Ressource inépuisable de savoir grâce aux bibliothèques digitales ou aux moocs, outil d’ouverture au monde grâce à Internet. Le matériel informatique allège aussi les cartables et permet d’échanger avec l’enseignant.
En les modélisant, celui-ci rend les mathématiques plus concrètes. En en faisant des jeux, il donne goût à la géographie ou à la physique. Ses grilles d’évaluation se précisent et la préparation de ses cours est plus efficace.
Toutefois, les professeurs passionnés d’informatique sont encore rares, peut-être 10 ou 20 % du corps enseignant, selon les estimations de Ludovia. « Ce sont en général des créatifs, ils ont une idée à la minute et rêvent de révolutionner le monde de l’école. Mais, isolés, ils sont souvent stigmatisés au sein de leur établissement », constate Aurélie Julien.
Elle fait remarquer que les jeunes enseignants ne sont pas davantage familiarisés que leurs aînés à l’utilisation du numérique : « C’est un problème de formation. Durant leurs études, seuls quelques cours sont consacrés à la découverte du matériel qu’ils auront à disposition. Pas à son usage. »
Un équipement informatique qui évolue beaucoup lui aussi. Du tableau blanc interactif à l’écran intelligent, en passant par le tableau numérique, le matériel devient vite obsolète et dépend toujours de ses fournisseurs. C’est ainsi que la production d’une des ardoises numériques les plus utilisées à l’école a été stoppée net par son fabricant, la plongeant en désuétude. « Ces changements sont compliqués à gérer pour les collectivités, qui investissent des sommes astronomiques dans ce matériel », note Aurélie Julien, qui préférerait que les élèves se servent de leur équipement personnel.
Aujourd’hui, selon elle, seule une infime partie d’entre eux n’a pas de smartphone et la fracture numérique ne concerne plus que quelques rares zones blanches dans le pays. De plus, les élèves modestes peuvent bénéficier d’aides à l’achat d’un ordinateur.
Spectatrice assidue des évolutions de l’école, la chef de projet de Ludovia regrette que le numérique y soit encore trop absent, en dépit de la labellisation de lycées numériques ou de la distribution de tablettes dans certains collèges. Convaincue qu’il faut accélérer la manœuvre, elle appelle de ses vœux un changement radical du système éducatif français. « C’est un dinosaure qui fonctionne à la verticale, du ministère jusqu’aux établissements, en passant par les rectorats. On doit au contraire faire remonter les expériences du terrain pour qu’elles essaiment, de manière horizontale. Le numérique permet cela. »
Bio : Chef de projet de Ludovia depuis une demi-douzaine d’années. Aurélie Julien est aussi rédactrice en chef de Ludomag, un webzine consacré à l’innovation numérique dans le secteur éducatif.
Liens : Ludovia.com / ludomag.com
Commentaires